Kinshasa sur une poudrière

L’attention des autorités politico-administratives reste concentrée sur la situation sécuritaire au Nord-Kivu et en Ituri. Et c’est tout à leur honneur. Un malheur ne venant jamais seul, des inondations, coulées de boue et effondrements dans les mines artisanales font près de 500 morts et des milliers de disparus. Une délégation gouvernementale est dépêchée à Kalehe au Sud-Kivu afin d’apporter une assistance humanitaire aux sinistrés. Rien de plus normal.
Sur ces entrefaites, l’opposition politique autour de quatre candidats déclarés à la présidence de la République annonce une méga-marche le 13 mai à Kinshasa pour dire non à l’insécurité généralisée et la cherté de la vie. Du coup, le pouvoir saisit la balle au bond et, déchaînée, déploie l’artillerie lourde et en charge les leaders accusés pêle-mêle d’entretenir la pénurie de maïs dans le Grand Katanga et l’espace Kasaï, allant jusqu’à taxer l’un des leurs de candidat du Rwanda. Or, il y a pire.
Aux portes de la ville de Kinshasa, au plateau des Batéké sur la Nationale numéro 1, le péril est autrement plus imminent. Les retombées du conflit qualifié d’intercommunautaire entre les ethnies Yaka et Téké, né dans le territoire de Kwamouth au Mai-Ndombe, avant de jeter ses métastases à Bagata, Mongata et Dumi, est à ce jour annoncé dans les environs de Menkao et Kingakati aux portes-mêmes de la ville-capitale de Kinshasa.
Des familles de déplacés internes fuyant les massacres indis-criminés sont arrivées depuis des semaines à Maluku et certaines sont déjà visibles dans les municipalités de la périphérie de Kinshasa, dont Kimbanseke. Nul doute, la ville de Kinshasa est en équilibre instable sur une véritable poudrière. Pour la simple raison que les communautés en conflit dans le Mai Ndombe et le Kwango comptent de grandes concentrations de leurs membres dans les communes de Kinshasa. Il n’est donc pas besoin de constater que ces derniers suivent avec une attention toute particulière les événements et, le cas échéant, se prépareraient à amortir le choc d’une confrontation urbaine inévitable.
L’heure est venue pour que les dirigeants ouvrent enfin les yeux, et envisagent des mesures énergiques à même de désamorcer une menace que les forces de l’ordre ne sont pas parvenues à juguler sur le lieu de leur genèse. Les médiations coutumières ayant montré leurs limites, force doit rester à la loi.A l’heure de la domination des réseaux sociaux, la population n’est pas dupe. Tous les discours destinés à l’endormir resteront, hélas, inopérants.