La pénurie du carburant Jet A1 perturbe des vols au départ de Kinshasa : le Gouvernement relativise

Au départ de Kinshasa, des vols sont perturbés et d’autres, pratiquement annulés. Le problème tient aux difficultés de ravitaillement du Jet A1, carburant par avion, par l’entreprise SEP Congo. Selon une correspondance adressée au ministre des Hydrocarbures, Sep Congo annonce que la situation pourrait se normaliser avant la fin de ce mois. Si SEP Congo ne cache pas ses inquiétudes, le Gouvernement, au travers le ministre des Hydrocarbures, Didier Budimbu, relativise et rappelle que la situation est sous contrôle. Un avis qui n’est pas partagé par les compagnies internationales desservant la République Démocratique du Congo.

Il faut désormais craindre un isolément de principaux aéroports de la République Démocratique du Congo. Pour cause : la pénurie de carburant Jet A1 destiné aux aéronefs.

Dans une correspondance adressée dernièrement au ministre des Hydrocarbures, Didier Budimbu, l’entreprise SEP Congo a fait part de ses difficultés à approvisionner les transporteurs aériens, estimant que les stocks, à sa disposition, ne lui permet de couvrir les besoins présence.

Faisant part de la « situation des stocks en Jet A1 et en Gasoil », SEP Congo rappelle que « comme annoncé dans notre lettre référencée DEX.DIR/053/22-NGF/maga du 20 avril 2022, et en confirmation de ce que notre directeur général, en particulier, et tous ses homologues du GPDPP, en général, n’ont pas cessé de rappeler lors de différentes réunions tenues au ministère des Hydrocarbures, les stocks en Jet A1 et en gasoil ne peuvent pas assurer la couverture des livraisons jusqu’à l’arrivée du prochain bateau annoncé entre le 20 et le 23 mai au plus tôt ».

SEP Congo continue en faisant savoir qu’« en gasoil, le stock physique disponible dans nos installations au 16 mai 2022 est de 2.967 m3 pour une consommation journalière moyenne de 600 m3. La couverture est de cinq jours, allant jusqu’au 21 mai 2022. En Jet A1, le stock physique disponible dans nos installations au 16 mai 2022 est de 400 m3, soit une couverture de cinq jours qui nous mènerait au 21 mai 2022 ».

Aussi, rappelle-t-il au ministère des Hydrocarbures, que «nous sommes dans l’obligation d’élargir le contingentement du Jet-A1 et du gasoil à dater d’aujourd’hui, et ce, pour essayer de faire jonction avec l’arrivée des stocks du prochain bateau dans nos installations à Kinshasa entre les 27 et 30 mai 2022, dans la mesure où il faut ajouter sept jours de réception et de pompage (respectivement à Ango et à Kinshasa) ». Elle va plus loin : « En livrant au maximum 300 m3 de gasoil par jour, nous aurons 10 jours de couverture jusqu’au 26 mai 2022. Le risque de rupture total est pour un jour. Il en est de même du Jet A1 dont les livraisons journalières ne peuvent pas dépasser 250 m3. Telles sont des dispositions opérationnelles que nous impose cette situation exceptionnelle des stocks tendus ».

Le Gouvernement minimise

Au Gouvernement, on n’évite de s’alarmer. Interrogé par la radio Top Cogo FM, le ministre Didier Budimbu reconnaît néanmoins qu’« il y a un problème de ravitaillement en kérosène».

«Par moment, on peut bien disposer de l’argent, mais on ne sait pas où s’approvisionner », dit Didier Budimbu, qui estime que « la situation n’est pas critique ».

Contrairement aux inquiétudes de SEP Congo, Didier Budimbu estime que la situation va se normaliser dans les prochains jours : « La RDC a déjà commandé des bateaux, qui vont arriver d’ici-là ».

Pour l’instant, la solution est au rationnement, en attendant le retour à la normale. « La RDC n’est pas à sec. Nous avons de jets de kérosène, mais on a un peu baissé de moitié la quantité de kérosène qui a toujours été servie par jour », précise le ministre Didier Budimbu.

Il faut craindre le pire

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Depuis l’invasion russe de l’Ukraine, les bouleversements du marché pétrolier ont porté leur ombre sur les pays africains importateurs de carburant. Les factures énergétiques ont considérablement bondi en raison de l’envolée spectaculaire et instable des prix du brut, frôlant les 140 dollars US le baril, pas loin du record de 147,50 dollars US/b enregistré en 2008.

De Pretoria à Rabat, en passant par Kinshasa, Bamako, Kigali, Conakry où encore Tunis, les citoyens endurent la fluctuation des marchés de l’or noir et ses répercussions sur les prix du carburant.

À ce rythme, la crise risque de prendre de l’ampleur sur le continent africain. Ancien ministre tunisien de l’Industrie, de l’Énergie et des Mines et président de l’Organisation internationale des ingénieurs du pétrole (Society of Petroleum Engineers), Kamel Bennaceur craignait déjà l’impact de nouvelles sanctions contre la Russie, fournisseur de 11,5 % de l’offre mondiale et deuxième pays exportateur de brut au monde, derrière l’Arabie saoudite.

L’expert de l’industrie pétrolière affirmait, il y a quelques jours à Jeune Afrique, qu’un nouvel embargo sur les exportations énergétiques russes « créerait un effet de pénurie important qui pousserait les prix du baril brut au-dessus des 200 dollars US ». «Il y aura un danger d’approvisionnement dans le monde incluant les pays africains», poursuivait-il.

Les pays de l’Union européenne, fortement dépendants des hydrocarbures russes mais engagés dans un tour de vis contre Moscou, étudient actuellement une nouvelle liste de sanctions et se cherchent de nouveaux fournisseurs.

Ainsi, le risque de pénurie de carburant en Afrique évoluera étroitement au rythme de la situation en Ukraine et des nouvelles décisions occidentales. Pour l’heure, seuls les États-Unis et le Royaume-Uni ont décidé de se passer du brut de la Russie. 

«L’Occident n’a pas d’alternative à court terme pour remplacer les importations de Russie. Celles dont il disposerait sont les suivantes : pétrole de schiste américain, Arabie saoudite, Émirats Arabes Unis, Iran et Venezuela. Toutes ces sources combinées arriveraient à peine à combler le manque de pétrole russe et il faudrait plusieurs mois pour les mobiliser », soulignait Kamel Bennaceur.

Face aux risques de pénurie, l’Agence internationale de l’énergie (AIE) prône la retenue et suggère dix mesures concrètes pour réaliser de grandes économies de pétrole – environ 2,7 millions de barils par jour – dans l’optique d’éviter « un choc énergétique », désormais inéluctable, selon Fatih Birol, le directeur exécutif de l’AIE.

«S’il n’y a pas de bonne surprise, on pourrait connaître le premier choc énergétique global – pétrole, gaz naturel, électricité. Si on ne prend pas de mesures urgentes, on va être face à un choc », a-t-il alerté sur France Info en mars dernier. 

De son côté, Kamel Bennaceur expliquait : « Les réserves des pays de l’OCDE en produits raffinés sont au niveau le plus bas depuis cinq ans, donc il est très peu probable que ces acteurs bloquent les exportations russes». Mais en cas d’escalade des sanctions, «les pays africains importateurs de pétrole, dont les ressources financières sont limitées, notamment, l’Afrique du Sud, la RD Congo, le Maroc et la Tunisie, seront les plus exposés à la flambée des prix et à la pénurie de carburant».

Ce que l’on craignait se produit déjà dans les aéroports de la RDC. Des vols sont annulés et souvent reportés, faute de carburant.

Econews