La «République de Bunagana», un État dans un État 

Depuis 100 jours, le contrôle de la cité frontalière de Bunagana échappe à l’Etat congolais. Aucun officiel congolais ne peut y mettre ses pieds. Les symboles de la République Démocratique du Congo n’y sont plus présents. Le franc congolais, la monnaie nationale, a été démonétisée. Le poste frontalier de Bunagana a désormais ses propres dirigeants qui dictent leurs lois au bon vouloir de leur employeur, le Rwanda.
Kinshasa continue à dénoncer le régime de Kigali d’être derrière le M 23 – ce mouvement terroriste qui occupe Bunagana – alors que la population attend des signaux qui rassurent que la libération de cette cité est pour bientôt. La population meurt d’impatience à attendre ces signaux.
Même l’arrivée de la force sous-régionale de l’EAC ne semble pas donner des bons signes. Depuis le mardi 27 septembre 2022, les militaires kényans sont signalés sur le sol congolais, même si les autorités congolaises ne se sont pas encore officiellement prononcées sur la question. Plusieurs sources concordantes affirment l’entrée des militaires kenyans par la cité de Bunagana, actuellement aux mains de M 23.
Cette cité est pourtant un important centre de commerce transfrontalier entre la République Démocratique du Congo et l’Ouganda, mais également proche du Rwanda. Toutes les entrées économiques qui profitent au Nord-Kivu finissent actuellement dans la poche de la rébellion. Le M23 y a installé sa propre administration, des responsables des entités décentralisées, les percepteurs d’impôts … qui doivent dévouement et obéissance au seul régime de Kigali. Des spectacles dignes d’un film hollywoodien mais qui ne devraient pourtant pas être pris à la légère.
Sur place, les cris plaintifs de la population ne trouvent toujours pas de répondant dans la capitale congolaise. En l’absence de l’autorité de l’Etat, les rebelles y dictent leur loi par la terreur, les intimidations, les tortures et les menaces de tout genre : «Les habitants y mènent une vie très difficile. Ils vivent comme des esclaves. Nous ne sommes pas libres de faire quoi que ce soit. Dès qu’ils vous suspectent de faire quelque chose, ils confisquent tout ce que vous avez », confie un habitant qui a requis l’anonymat.
Dans d’autres localités environnantes contrôlées par le M23, c’est également le calvaire. À Tshengerero, Kinyamahura, Kabindi, Gisiza, Basare, ce sont des tracasseries, des pillages des boutiques et des pharmacies, des produits des champs, etc. Et, depuis plus d’un mois, dans une partie du groupement de Jomba, les rebelles obligent les populations à creuser de l’or. Peu à peu, depuis trois mois, le M23 s’enracine dans la contrée et prépare même à conquérir d’autres localités de la province du Nord-Kivu.
Bunagana est-il devenu un État dans un Etat ? La question est posée parce qu’une République incontrôlée s’y installe pour défier l’autorité légale.
La dernière carte de Kinshasa reste celle de la force sous-régionale de l’EAC. Mais selon des sources bien informées, les militaires kenyans ont la mission de créer une zone de sécurisation pour empêcher les rebelles du M23 d’attaquer les positions des FARDC.

Econews