Les débits de boissons : relâchement des gestes barrières à Kinshasa

Vu d’un débit de boissons à Kinshasa

Les débits de boissons ont rouvert leurs portes le 15 août 2021 à Kinshasa, après deux mois de fermeture motivée par la résurgence de la pandémie de Covid-19. Quel est comportement des Kinois face au respect des gestes barrières édictés par les autorités sanitaires pour lutter contre cette pandémie ? Enquête-minute.

A la terrasse « Biso na biso », située dans la commune de la N’Sele, les gestes barrières ne sont pas respectés. A l’entrée, pas de lave-mains et de thermo flash pour prélever la température.

Le relâchement de la population

Interrogé à ce sujet, le barman  a fait savoir que les gestes barrières étaient respectés à l’apparition de la pandémie de Covid-19 en 2020, mais depuis quelque temps on assiste à un relâchement de la part de la population. Notamment dans les lieux publics tels que les églises, hôpitaux, terrasses, «nganda», bars, hôtels, boîtes de nuit, marchés et autres. Et de s’interroger : «Qu’est ce qui est à la base de ce comportement de la part de la population ? ».

Quelques clients trouvés sur le lieu ont déclaré ne pas croire à l’existence de cette pandémie en République Démocratique du Congo et que les statistiques publiées généralement ne reflètent pas la réalité sur le terrain. Ils ont aussi fustigé en même le comportement des autorités et des personnels  soignants  qui ne prêchent pas par l’exemple.

«Les gestes barrières ne sont pas seulement respectés  dans les bars ou terrasses, mais aussi dans toute la ville de Kinshasa », a déclaré un client trouvé dans un «Nganda» à Binza/Ozone, dans la commune de Ngaliema.  Il a justifié ce comportement par le fait que certaines  personnes doutent de l’existence de cette pandémie en RDC.  Qui, selon elles, est une invention des scientifiques européens.

Un autre client, surnommé Jupsy, trouvé au moment endroit a reconnu l’existence de Covid-19.  Toutefois, a-t-il fait remarquer, les gens doutent de cette maladie parce que le premier cas révélé a été un faux, selon le témoignage de la personne supposée malade. Ce témoignage a fait que la population a commencé à douter sur l’existence de cette maladie.

Les lave-mains non utilisés

A Matonge, un des quartiers de la commune de Kalamu, des débits de boissons sont nombreux et parfois contigus sur une avenue, mais cela n’entraîne pas de rivalité entre leurs propriétaires, chacun ayant ses clients habituels.

Patient, la trentenaire révolue, que nous avons trouvé en train de prendre sa bière à goulots, a déploré le fait que depuis la réouverture des débits de boissons, après deux mois de fermeture par le gouvernement, les gens ne respectent pas les gestes barrières,  notamment la distanciation d’un mètre imposée par les autorités sanitaires du pays. Il a poursuivi en disant que d’autres, dès qu’ils ont franchi le portail des débits de boissons, se débarrassent des masques pour mieux se communiquer jusqu’au moment où ils vont se séparer.

Dans un «Nganda», que nous avons pu visiter, il existe un lave-mains qui, malheureusement, n’est pas utilisé par les clients qui le fréquentent, préoccupés uniquement par la bière.

«Difficile à comprendre cette mentalité », a fait observer la propriétaire du lieu, interrogée à ce sujet.

Shaggy, trouvé dans les parages, a déclaré qu’il est difficile pour des Congolais de respecter les règles barrières car ils doutent de l’existence de la pandémie de Covid-19 qui, pour eux, est une pandémie qui existe sur le vieux continent et non en  République Démocratique du Congo.

«Laissez-nous boire pour jouir de notre vie, car nous sommes libres et nous ne savons ce que demain sera fait », a-t-il lâché. Et d’ajouter : « Les propriétaires des débits de boissons ont besoin d’argent et ne s’en tiennent pas aux gestes barrières pour ne pas perdre leurs clients ».

Pour Daniel, accompagné de ses amis dans un débit de boissons de la commune  de Lemba, a reconnu l’existence de la pandémie de Covid-19 en RDC. « Il faut que les gestes barrières soient appliqués pour lutter contre la pandémie de Covid-19, même s’il est difficile dans le contexte de la RDC avec les pesanteurs culturelles d’atteindre le but escompté », a-t-il soutenu. Avant de féliciter les propriétaires des grandes surfaces d’avoir pu imposer les gestes barrières à l’entrée de leurs établissements.

Ailleurs et pas en RDC

«Malgré la fermeture des débits de boissons pendant pratiquement deux mois, les mesures barrières ne sont pas respectées dans la plupart d’entre eux», témoigne un client trouvé dans un débit de boissons qui est dans cette catégorie, situé à Yolo Nord, localité située dans la commune de Kalamu.

«Il est vrai que la pandémie de Covid-19 existe et cause beaucoup de dégâts dans d’autres pays, mais pas en République Démocratique du Congo», a fait observer ce client qui a affirmé, la main sur le cœur, n’avoir jamais vu un malade souffrant de Covid-19.

Pour sa part, M. Rabbin, fournisseur des boissons dans les débits de boissons, a révélé «que malgré la mesure gouvernementale portant fermeture de débits de boissons, certains ont continué à fonctionner dans la clandestinité.                                En utilisant une pratiquée surnommée «levier», qui consistait à cacher les bouteilles de bière ou d’orangeade et les verres sous la chaise, dès qu’on voit venir un agent de l’ordre.

Le respect des gestes barrières ? M. Rabbin affirmé qu’ils n’ont jamais été respectés dans les débuts de boissons. «Il faut que ceux qui fréquentent les débits de boissons sachent qu’ils sont exposés à la pandémie de Covid-19 avec le non-respect de la distanciation sociale, une des mesures des règles barrières », a-t-il alerté.

Cyrille, discothécaire à « Kratos », un débit de boissons situé sur l’avenue Oshwé, dans la commune de Kalamu, a reconnu que « la majorité des débits des boissons ne respecte pas les mesures barrières ». Cela est dû au fait que ceux qui sont censés appliquer de la loi n’agissent pas.

Il a fait observer que ceux qui consomment la drogue,  communément «Chicha», sous forme d’une pipe, sont exposés à la pandémie de Covid-19. Surtout que cette pipe est utilisée à tour de rôle un groupe de gens, qui ne se connaissent pas nécessairement.

La vie a repris à Lingwala

A Kratos, a déclaré Cyrille, on oblige les clients à l’entrée de porter leurs masques pour respecter l’une des mesures barrières. Toutefois, il a déploré le fait que certains se montrent réticents mais tout est fait pour que  ces mesures soient respectées.

Selon lui, le milieu influence ceux qui fréquentent les débits de boissons au respect ou non des mesures barrières.

Dans la commune de Lingwala, la «vie» a repris avec la réouverture des débits de boissons le 15 août dernier, après deux mois de fermeture motivée par la résurgence de la pandémie de Covid-19.

Au MP fils Longe bar, le plus fréquenté de l’avenue Nyangwe, la «vie» a aussi repris pour Grace Nsiala, son discothécaire ravi de retrouver son «boulot» et surtout les clients qui fréquentent le lieu.

 «J’ai difficile à comprendre les raisons à l’origine de la fermeture des débits de boissons car le virus ne provient pas de baffles », a fait observer Grace Nsiala avant de saluer la décision portant réouverture des débits de boissons qui lui a permis de retrouver son emploi, source de revenus lui permettant de subvenir à ses besoins.

 Se souvenant que les mesures pour lutter contre le COVID-19 étaient édictées par les autorités sanitaires du pays, il a appelé les gens à s’y conformer. Aussi a-t-il souligné « l’importance de respecter ces mesures barrières qui visent à se protéger et à protéger les autres contre la propagation de Covid-19 ». Car souvent, déplore-t-on, des mesures barrières ne sont pas respectées dans de nombreux débits de boissons à Kinshasa, notamment la distanciation physique.

« Au MP fils louange bar », a-t-il fait savoir les mesures barrières sont respectées, notamment l’installation des lave-mains et l’espacement d’une tables à une autre.

Au bar Deo-Gracias, situé sur l’avenue Kimpese, dans la commune de Bumbu, l’ambiance était au zénith à notre arrivée. Les gestes barrères sont respectés. A l’entrée on trouve un lave-mains et des mouchoirs en papier et un ouvrier s’occupe de la prise de température à l’aide d’un thermo flash.

Interrogé, le gérant de ce bar, un certain Mardochée, a dit faire respecter les gestes barrières sur le lieu.

Le même spectacle partout

Dans un débit de boissons situé sur l’avenue Kenge, dans la commune Ngiri-Ngiri, les haut-parleurs diffusent une musique à vous  crever les tympons et les danseurs se trémoussent sur une piste exiguë ne leur pas de se mouvoir. C’est le spectacle que nous avons vécu la semaine dernière dans un débit de boissons dénommé FM, situé dans la commune de Ngiri-Ngiri. Une preuve que les gens ne respectent pas les mesures barrières visant la lutte contre la pandémie de COVID-19.

 Malgré l’installation d’un lave-mains à l’entrée, les clients n’y accordent aucune importance, simplement parce que le lavage des mains  n’est pas obligatoire. Le thermo-flash pour le prélèvement de la température  est invisible.

Un travailleur de ce débit de boissons  a dit ignorer superbement le Covid-19  en République Démocratique du Congo. «Le Covid-19 est politisé chez nous», a-t-il fait savoir, avec une pointe d’humour.

Toujours à Ngiri-Ngiri, le constat est le même dans un autre débit de boissons visité : personne  ne respecte les mesures barrières, le port de masques  n’est pas obligatoire, etc.

Un client trouvé sur le lieu a attribué cela à l’indifférence des propriétaires des bars, «Nganda», terrasses, bistrots, etc. Il a appelé les autorités sanitaires à rappeler ces derniers à l’ordre et faire payer aux récidivistes des amendes.

« L’Etat peut de nouveau fermer les débits de boissons s’il s’avérait qu’il y a résurgence de la pandémie de Covid-19 à Kinshasa », a alerté ce client qui a appelé les gens à prendre conscience de cette situation en respectant les mesures barrières.

Ruth MBUMBA MALONDA, Peter BUNDU MUANDA, Noëlla NEEMA MUKONGYA,  Préférence TUNGA ZOLA et Naomie WANAMA NGALELA (Stagiaires IFASIC)