Libre opinion de Jean-Marc Châtaigner, chef de la Délégation de l’UE en RDC

Compte-tenu du nombre de messages reçus sur sa portée et les contresens entretenus, je crois utile d’apporter un éclairage sur l’adoption de la résolution 2641 du Conseil de Sécurité des Nations Unies qui proroge jusqu’au 1er juillet 2023 l’embargo sur les armes à destination de la République démocratique du Congo RDC. Le point de vue que j’exprime ici est personnel (l’UE en tant que telle n’a pas de représentation au Conseil) :
1) Contrairement à ce que beaucoup affirment, cet embargo sur les armes établi au début des années 2000 pour accompagner le processus de paix de Sun City, ne s’applique plus à l’Etat congolais et à ses forces armées depuis la résolution 1807 de 2008 : il vise exclusivement les différents groupes armés qui sévissent dans l’Est du pays. Le Gouvernement congolais peut acheter et importer les armes qu’il souhaite.
2) La Résolution 1807 avait néanmoins maintenu le principe d’un mécanisme de notification des ventes d’armes par les pays fournisseurs (une notification = une information du Comité des sanctions et non un régime d’autorisation préalable). Dans le but initial d’assurer une traçabilité des armements vendus et d’éviter qu’ils n’arrivent, le cas échéant, dans de mauvaises mains.
3) La RDC a demandé formellement cette année la levée de ce dispositif de notification, estimant qu’il constituait une contrainte bureaucratique. Le Conseil de Sécurité a examiné cette demande et n’a pas tranché totalement dans ce sens. Il a néanmoins circonscrit le champ de notification à une liste précise d’armes et matériels (détaillés en annexe de la résolution).
4) Ce progrès n’a pas été jugé suffisant par 5 Etats (les trois pays africains du Conseil, la Chine et la Russie) qui n’ont pas voté la résolution et se sont abstenus. 10 États membres ont néanmoins voté pour (ce qui est suffisant, il faut 9 voix au minimum pour adopter une résolution au Conseil). Le Conseil s’est donc divisé, mais n’a pas été bloqué. Il aurait suffi d’un vote contre de la Chine ou de la Russie pour écarter le texte (droit de veto), ce qu’ils n’ont pas fait.
5) Certains commentateurs arguent que la France, « porte-plume » de la résolution, serait à l’origine de sa rédaction finale. C’est faux. La France a proposé une option médiane entre ceux qui voulaient appuyer la position congolaise et ceux qui s’y sont opposés, un « compromis » permettant le vote de la résolution (la levée de l’embargo sur les armes pour les groupes armés aurait été dramatique).
6) Cette résolution n’a aucun d’impact pour l’approvisionnement en armes de la RDC (puisque l’embargo ne s’applique pas aux autorités). Face à la résurgence ces dernières semaines des attaques criminelles du M23, le signal d’une levée totale du processus de notification aurait sans doute été plus fort. La résolution 2641 constitue néanmoins un progrès sur lequel les autorités peuvent s’appuyer pour demander un renforcement du soutien international aux FARDC.
Ambassadeur Jean-Marc Châtaigner