Recul démocratique et processus électoral biaisé… : Kinshasa dans le viseur de Washington

Pour un avertissement, c’en est vraiment un. Vu de Washington, le processus électoral en cours en RDC est passé à la loupe. Dans le Bureau Oval où siège le puissant président des Etats-Unis, le moindre geste des dirigeants congolais, particulièrement ceux de la CENI (Commission électorale nationale indépendante), est passé au scanner. Et décidément, Washington ne cache pas ses inquiétudes par rapport à la marche de la RDC vers les élections générales du 20 décembre 2023. La remarque n’émane pas du Département d’Etat américain, mais du président Joe Biden en personne. «La situation en [RDC] ou liée à la RDC continue de constituer une menace inhabituelle et extraordinaire pour la politique étrangère des États-Unis», a dit le chef de la Maison Blanche, menaçant d’activer des sanctions contre tous ceux qui torpillent le processus électoral en cours, menaçant du coup la consolidation de la démocratie en RDC. A moins d’un mois des élections de décembre prochain, la mise en garde de Joe Biden n’est pas anodine. Bien au contraire…
Contrairement aux thèses régulièrement rapportées par le gouvernement et les ténors de l’Union sacrée de la nation (USN), ou assenées, sans grande conviction, par le Conseil supérieur de la communication et de la communication (CSAC), la campagne électorale bat plus que jamais son plein. En fait, elle ne s’est jamais vraiment arrêtée dès le premier jour qui a suivi la passation de pouvoirs en janvier 2019. Faisant chorus avec le Chef de l’Etat lui-même, ses partisans n’ont eu de cesse de placarder en toute impunité des affiches géantes appelant à la réélection de Félix Tshisekedi.
L’on pourrait hausser les épaules et se dire qu’après tout sous les tropiques, les mandats présidentiels se suivent et se ressemblent. Qu’une classe politique qui renverse une majorité parlementaire sans passer par la case élections ne mérite pas qu’on en fasse grand cas… Sauf que, vu de l’extérieur, les faiseurs des rois en Afrique subsaharienne ne l’entendent pas de cette oreille.
Et quand l’embastillement devient la règle et la liberté individuelle l’exception, que des assassinats politiques remettent en mémoire des temps que l’on croyait révolus, où profitant des faiblesses d’une classe politique corrompue, des pays voisins accourent à la curée et se disputent des dépouilles de l’éléphant agonisant.
C’est sur ces entrefaites que la Maison Blanche estime que la situation en République Démocratique du Congo continue de constituer « une menace inhabituelle et extraordinaire » pour la politique étrangère des Etats-Unis.
Le président Joe Biden vient en effet de prolonger d’un an le décret 13413 du 27 octobre 2006 tel que modifié par le décret présidentiel 13671 du 8 juillet 2014 «qui autorise des sanctions en raison d’actions ou de politiques qui compromettent le processus démocratique ou les institutions démocratiques en RDC».
Il est question de violences et d’atrocités de toutes natures qui n’ont jamais cessé et qui valurent jadis aux caciques de l’ancien régime de sanctions du département d’État et de l’Union européenne.
Problème : ces anciens caciques-là ont depuis tourné casaque et se sont rangés sous la bannière du successeur de Joseph Kabila. Avec la dernière saute d’humeur de la Maison Blanche, il est désormais acquis que la blanchisserie n’aura pas correctement fonctionné, plusieurs parmi eux risquant de connaître une nouvelle vague de sanctions.
Ce n’est qu’une question de temps. A l’approche des élections, l’épée de Damoclès des «partenaires» se fait de plus en plus menaçante. Les Américains ont annoncé, avant que d’autres pays, notamment ceux de l’Union européenne, ne leur emboîtent le pas.

La menace est réelle
A moins d’un mois des élections du 20 décembre 2023, la CENI peine encore à convaincre, accumulant des ratés qui entament de plus en plus la crédibilité du processus électoral en cours.
Face à Denis Kadima, il y a deux contraintes qui continuent à se dresser sur son chemin. Il y a d’un côté, le défi sécuritaire qui devient plus pressant que jamais avec le regain d’activisme des terroristes du M23, toujours soutenus en armes et munitions par le Rwanda. De l’autre côté, il y a le défi technique ou logistique que la CENI aura du mal à relever sans un appui conséquent de la Monusco.
Entre le Gouvernement congolais et la Monusco, le temps est quelque peu morose, au regard de la forte pression exercée par les dirigeants congolais pour un retrait accéléré des troupes onusiennes à dater de la fin de cette année. Sans compter la forte pression exercée sur l’Opposition qui se dit traquée de toutes parts.
Dans ce décor, tout aussi imprévisible, la crainte est bien réelle sur la capacité de la CENI à répondre au rendez-vous électoral. Les Etats-Unis n’ont donc pas tort de tirer la sonnette d’alarme. Il y a danger !

Econews