Rentrée judiciaire à la Cour constitutionnelle : devant Tshisekedi, le pouvoir judiciaire revendique son indépendance

C’est en présence du Chef de l’Etat, Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo, que la Cour constitutionnelle a ouvert l’année judiciaire pour l’exercice 2022-2023». C’était l’occasion pour Dieudonné Kamuleta, président de la Cour constitutionnelle, également président du Conseil supérieur de la magistrature, de réclamer l’indépendance du pouvoir judiciaire telle que consacrée par la Constitution de la République.
La Cour constitutionnelle a effectué, le samedi 29 octobre 2022, au Palais du peuple, sa rentrée judiciaire pour l’exercice 2022-2023, et ce, conformément à l’article 100 de son Règlement d’ordre intérieur. Dieudonné Kamuleta Badibanga, son président, a axé son allocution sur «la contribution de la Cour constitutionnelle à la consolidation du constitutionnalisme en République Démocratique du Congo».
Plusieurs personnalités et responsables de différentes institutions de la République ont pris part à cette activité qui consacre la deuxième rentrée judiciaire de la plus haute Cour du pays depuis son installation le 16 avril 2015.
A l’occasion, le Président de la République, Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo, a fait le déplacement du Palais du peuple pour marquer son soutien à l’émergence d’une justice pour tous, respectant les droits et libertés des citoyens.
Le protocole a répondu à la procédure réglementaire avec, notamment, une allocution prononcée, au nom des avocats, par le bâtonnier national, Me Michel Shebele Makoba, une mercuriale du procureur général près cette haute Cour, Jean-Paul Mukolo Nkokesha. Le tout s’est clôturé par le discours doctrinal prononcé par le président de la Cour constitutionnelle.

Le chemin parcouru dans le constitutionnalisme
Dans son intervention purement académique, Dieudonné Kamuleta a planché sur la «contribution de la Cour constitutionnelle à la consolidation du Constitutionalisme en République Démocratique du Congo». La République Démocratique du Congo, a-t-il précisé, «n’est pas à sa première expérience du modèle concentré de la justice constitutionnelle. Elle s’est inscrite, dès son accession à l’indépendance, dans la droite ligne de ce système, en attribuant l’exclusivité du contrôle de constitutionnalité à la Cour constitutionnelle instituée par la loi fondamentale».
Il a, par ailleurs, rappelé le rôle crucial que veut continuer à jouer la Cour constitutionnelle dans l’édification de l’Etat de droit prôné par le Chef de l’Etat, à savoir «consacrer la suprématie de la Constitution, la protection et la promotion des droits de l’Homme».
Auparavant, le Procureur général près la Cour constitutionnelle, Jean-Paul Mukolo, avait, dans sa mercuriale, plaidé pour la suppression de l’amendement apporté à l’article 149 de la Constitution, aux termes de la loi n°11002 du 20 janvier 2011 portant révision de certains articles de la Constitution de la République Démocratique du Congo du 18 février 2006.
Le bâtonnier national, Me Michel Shebele Makoba, qui lui avait précédé a planché sur la problématique récurrente de l’exception d’inconstitutionnalité dirigée contre les actes de procédure judiciaire.
Instituée par la Constitution du 18 février 2006 et mise en service de suite de l’éclatement de la Cour suprême de justice en 2015, la Cour constitutionnelle règle les différends concernant les élections présidentielles ou parlementaires, ainsi que les référendums. Les arrêts de la Cour constitutionnelle sont sans appel et sont exécutoires.
Le président de la Cour constitutionnelle a relevé qu’« en raison du rôle que joue la Cour constitutionnelle dans la stabilisation de la démocratie constitutionnelle et le renforcement de l’Etat, mais aussi de sa genèse, la Cour constitutionnelle mérite d’être mieux connue des Congolais, gouvernants et gouvernés ». Selon lui, «les gouvernants devraient connaître cette jurisprudence qui a le mérite de préciser les limites de leurs prérogatives respectives. Les gouvernés aussi parce qu’ils seront édifiés sur leurs droits et sur les valeurs », a-t-il martelé.
Quant aux contours du constitutionalisme, le président de la Cour constitutionnelle fait remarquer qu’ «il est donc difficile de définir (le constitutionalisme, ndlr), tant dans son étymologie que dans la terminologie juridique et politique. Le terme constitutionalisme fait allusion à quelques standards visant la concrétisation d’un idéal libéral sous-tendant la limitation du tout pouvoir à travers des principes permanents du gouvernement et une rationalisation des phénomènes politiques par le droit. Il tire sa raison d’être et sa légitimité de l’idée de modérer l’omnipotence d’un pouvoir d’Etat versant vers l’autoritarisme politique », a-t-il indiqué.
«Le constitutionalisme est un courant de pensée juridique qui se matérialise par la volonté d’organiser l’exercice du pouvoir politique de l’Etat, par une norme juridique qualifiée de Constitution ou par des règles de droit des valeurs dites constitutionnelles », note-t-il, rappelant que «la souveraineté de la nation, la séparation des pouvoirs et la garantie des droits et libertés sont les trois principes cardinaux du constitutionalisme moderne, à l’instar de l’article 16 de la déclaration de droit de l’Homme du citoyen qui dispose que : toute société dans laquelle la garantie de droit n’est pas assurée, ni la séparation de pouvoir déterminée, n’a point de Constitution». Avant d’indiquer qu’«en raison du rôle que joue la Cour constitutionnelle dans la stabilisation de la démocratie constitutionnelle et le renforcement de l’Etat de droit mais aussi de sa jeunesse, la Cour constitutionnelle mérite d’être mieux connu des congolais, gouvernants et gouvernés ». Et de rappeler : «La République Démocratique du Congo n’est pas à sa première expérience du modèle concentré de la justice constitutionnelle. Elle s’est inscrite, dès son accession à l’indépendance, dans la droite ligne de ce système, en attribuant l’exclusivité du contrôle de constitutionnalité à la Cour constitutionnelle instituée par la Loi fondamentale».
La Cour constitutionnelle, a-t-il fait savoir, tire sa raison d’être et sa légitimité dans l’idée de « modérer l’omniprésence de l’autoritarisme du pouvoir politique. Elle est appelée à assurer la garantie des droits fondamentaux, la limitation du pouvoir d’Etat et la rationalisation des phénomènes politiques ».
En guise de conclusion, le président de la Cour constitutionnelle, reste convaincu que «le constitutionalisme, c’est avant tout l’idée d’un Etat de droit, entendu comme un Etat qui, à la fois esclave et protecteur des libertés, tire sa légitimité de son aptitude à le développer et à s’y soumettre». Ce qui devenu, depuis lors, «une réalité incontournable dont la justice constitutionnelle en constitue le pilier, car l’action des gouvernants doit s’insérer dans une hiérarchie des normes au sommet de laquelle figure la Constitution sous l’œil vigilant du juge constitutionnel ».
Dieudonné Kamuleta s’est longuement étendu sur «le rôle crucial que veut continuer à jouer la Cour constitutionnelle dans l’édification de l’Etat de droit prôné par le chef de l’Etat, Magistrat suprême, à savoir, consacrer la suprématie de la Constitution, la promotion et la protection des droits de l’Homme», prenant le temps de rappeler tant aux décideurs qu’à l’opinion publique qu’aux termes de l’article 168, alinéa 1er de la Constitution, «les arrêts de la Cour constitutionnelle s’imposent aux pouvoirs publics, à toutes les autorités administratives et juridictionnelles, civiles et militaires ainsi qu’aux particuliers».
Le barreau national s’inquiète
Auparavant, le bâtonnier national, Me Michel Shebele Makoba, avait évoqué, dans son allocution, l’exception de l’inconstitutionnalité, de plus en plus fréquente au niveau de la Cour et d’autres juridictions du pays.
Le procureur général près cette Haute Cour, Mukolo Nkokesha, a, quant à lui, plaidé dans son mercuriale, pour la suppression de l’amendement apporté à l’article 149 de la constitution par la loi N°11/002 du 20 janvier 2011, portant révision de certains articles de la constitution du 18 février 2006.
«Il est dévolu aux cours et tribunaux qui sont : la Cour constitutionnelle, la Cour de cassation, le Conseil d’État, la Haute Cour militaire, les cours et tribunaux civils et militaires ainsi que les parquets rattachés à ces juridictions », (article 149 avant la révision du 20 janvier 2011).
«Il est dévolu aux cours et tribunaux qui sont : la Cour constitutionnelle, la Cour de cassation, le Conseil d’Etat, la Haute Cour militaire ainsi que les cours et tribunaux civils et militaires», (article version actuelle).
Le bâtonnier national plaide à ce que les parquets soient de nouveau rattachés aux cours et tribunaux juridictionnels.
Pour rappel, la Cour constitutionnelle règle les différends concernant les élections présidentielles ou parlementaires, les référendums ainsi que les appels concernant la constitutionnalité de lois ou de règlements. Elle a été instituée par la Constitution du 18 février 2006 et mise en service après l’éclatement de la Cour suprême de justice en 2015.

Tighana Masiala