Révisitation du contrat chinois : la Société civile appelle les autorités congolaises à jouer franc jeu

A la suite de la révisitation du contrat chinois, l’option levée par le Gouvernement à la suite des conclusions d’un rapport de l’Inspection Générale des Finances (IGF), la Société civile, réunie autour de l’Observatoire de la Dépense Publique (ODEP), appelle les autorités congolaises à jouer la carte « de la transparence et de redévabilité sur les résultats de la révisitation ». Par cette prise de position, l’ODEP témoigne de l’importance du secteur minier de la RDC et l’intérêt lui porté par la Société civile. Voici le point de vue de la Société civile, rendu par le professeur Florimond Muteba, président du Conseil d’administration de l’ODEP.

La Société civile exige des autorités la transparence et la rédevabilite sur les résultats de la révisitation

La RDC possède d’importantes réserves de ressources naturelles (cuivre, cobalt, coltan, diamant, zinc, or, manganèse, étain, uranium, wolfram, argent, gaz, pétrole, de cassitérite, etc.). Depuis 62 ans, notre économie reste extravertie, elle continue à reposer sur le secteur exportateur (mines et agriculture de rente) et est dépendante de l’extérieur par la contribution de ce secteur au PIB, les revenus d’exportation, l’importance du capital étranger investi et la technologie étrangère utilisée. Les produits miniers sont restés irrémédiablement pour le Congo :

– La base de son économie;

– La source principale de ses recettes en devises;

– La source de financement et d’approvisionnement du pays en matières premières, biens de première nécessité et d’équipement;

– La garantie de l’endettement extérieur et du service de la dette;

– Une importante source des recettes publiques;

– Une solution pour assurer une protection durable de l’environnement.

Le code minier promulgué en 2002 avait permis d’attirer des investisseurs privés et de relancer la production minière. Cependant, malgré son rôle capital dans la croissance du PIB, le secteur minier n’a eu qu’une faible incidence sur la création d’emplois et n’a pas contribué de manière significative aux recettes fiscales et au budget de l’Etat.

Le grand intérêt actuel de la société civile pour le secteur minier et des hydrocarbures part de l’hypothèse que le nouveau code minier de 2018 présente des réelles opportunités qui peuvent contribuer à l’amélioration de la vie des citoyens congolais, en général et en particulier celle des populations riveraines s’il est adéquatement appliqué.

Toutefois, si ce cadre n’est pas appliqué, il y a à craindre une aggravation des inégalités économiques, les tensions sociales et les méfiances vis-à-vis des autorités publiques, un espoir perdu pour la mobilisation d’une plus grande rente minière, pouvant permettre la diversification de notre économie et son développement endogène et durable.

L’intérêt de la société Civile pour nos ressources naturelles ce que, la République Démocratique du Congo, se révèle dans cette équation mondiale comme «le pays-solution». Elle dispose d’une riche biodiversité comprenant notamment 155 millions d’hectares de forêt tropical humide et le Bassin du Congo qui est le puits de carbone le plus efficace de la planète, sans compter une énorme réserve de métaux et minéraux essentiels à la transition énergétique entre autre 70% du cobalt mondial (composant Observatoire de la Dépense Publique Contrôle citoyen des finances publiques de la République Démocratique du Congo essentiel de la technologie des batteries), les minerais stratégiques essentiels à la décarnisation, tels que le lithium, le nickel et le manganèse.

Par ailleurs, l’intérêt pour le secteur minier c’est également pour la société civile une attention particulière accordée à l’aspect genre et la prise en compte des priorités des compatriotes plus vulnérables, les peuples autochtones, personne handicapées, en particulier lors des processus décisionnels de planification et de gestion des ressources et outils financiers pour le développement local, pour éviter une marginalisation de ces catégories de notre population.

Il est donc extrêmement important d’amener la population congolaise à travers les organisations citoyennes qui les représentent, les medias, les autorités gouvernementales et administratives locales, provinciales et centrales, les institutions de contrôle publiques ainsi que le secteur privé à mettre en place des processus de gestion participatif, transparent et redevables envers les communautés locales.

Pour toutes ces raisons, la société civile doit mener un combat acharné pour libérer et protéger les richesses minières du Congo afin que ses revenus servent réellement l’émergence du Congo et le progrès social.

La société civile est devenue partout dans le monde un partenaire de l’Etat autant que le secteur privé. La transparence, la redevabilité et la participation citoyenne sont aujourd’hui des principes qui doivent accompagner le gouvernement dans la gouvernance. Le partenariat et le dialogue permanent avec la société civile sont une exigence qui s’impose au gouvernement.

C’est pour toutes ces raisons que la société civile et l’ODEP en particulier se sont intéressés au rapport de l’Inspection Générale des Finances de février 2023. Nous avons publié le 1er mars 2023 un communiqué de presse alors qui faisait les recommandations ci-après au Président de la République, au Gouvernement, aux Cours et tribunaux et aux partenaires chinois.

QUELLES SONT LESDITES RECOMMANDATIONS ?

A. Au Président de la République, au Gouvernement et aux Cours et Tribunaux

1) De ne pas laisser impunis les crimes économiques commis dans le cadre de cette Convention, en cas d’établissement de culpabilité par les cours et les tribunaux;

2) D’entreprendre la révisitation de la susdite convention en tenant compte de l’ampleur des dégâts et pertes évidents subis par la RDC, et à défaut d’une solution à l’amiable, de suspendre, puis d’annuler cette convention, voire de nationaliser SICOMINES;

3) De se saisir de ce dossier, dans lequel notre pays a perdu plusieurs dizaines des milliards sans aucun résultat visible des infrastructures, au niveau de la Cour des Cassation, sur base du rapport de l’IGF; 

B. A toutes les institutions de contrôle

4) D’entreprendre ou de poursuivre le contrôle de tous accords, en particulier miniers, pour sauvegarder les intérêts du peuple congolais;

Du processus de révisitation

Le 1er mars 2023, la société civile avait recommandé la nationalisation de la SICOMINES, mais elle a obtenu la révisitation du contrat. Une commission des experts a été mise en place pour préparer les dossiers techniques qui ont été remis à une commission stratégique, composée uniquement des membres du gouvernement et des collaborateurs directs du Président de la République pour faciliter la négociation avec la partie chinoise. Six experts de la société civile avaient été invités à participer à cette commission des experts dont le PCA de l’ODEP qui avait décliné ladite invitation.

A la fin des travaux de la commission des experts, l’opacité s’est totalement installée. Le contenu des rencontres en Chine est totalement inconnu de la population congolaise.

Les derniers travaux de négociations Présidence de la République et la Partie chinoise sont totalement opaques. Dix-sept milliards perdus.

RAPPEL DES EXIGENCES DE L’IGF

L’IGF, tout en soulignant que les circonstances de l’époque et les termes de la signature de ce contrat étaient défavorables à la RDC, en février 2023, aligne les exigences ci-après :

– La Renégociation de la Convention pour réajuster ou rééquilibrer les obligations et les gains de deux parties et les faire correspondre aux valeurs des apports respectifs ;

– La Révision de la répartition du capital social de la SICOMINES, notamment par la prise en compte de la valeur réelle des gisements cédés par la GECAMINES S.A conformément à l’article 182, al 4 du Code minier. Ceci implique la modification des statuts de SICOMINES par l’augmentation de son capital social

– La Réévaluation de la hauteur des infrastructures à réaliser à charge de la partie chinoise de USD 3 milliards à au moins USD 20 milliards, et ce, au regard de la valeur des gisements cédés.

– Le déblocage immédiat par la SICOMINES en 2023 d’au moins USD 1 milliards pour les infrastructures;

– L’attribution aux entreprises Congolaises d’au moins 50% des projets des travaux d’infrastructures conformément à l’article 11.2 de la Convention;

– L’obligation pour le GEC de se constituer en personne juridique en prenant l’une des formes juridiques prévues à cet effet, afin de mettre fin à la confusion entretenue entre le GEC et la SICOMINES;

– Le paiement par la SICOMINES de l’impôt mobilier non reversé (USD 5.424.698,36), de l’amende de 5% (USD 100.280.374,46) pour défaut de rapatriement conformément à l’article 15 de la loi n° 14/005 du 11/02/2014;

– La résolution du contentieux opposant la SICOMINES à la GECAMINES S.A, au sujet de KAMIROMBE et autres empiètements de SICOMINES sur les périmètres de la GECAMINES S.A;

– La subordination des importations des biens et services en exonération des droits et taxes par la SICOMINES au contrôle préalable de l’IGF et ce, à la lumière de la liste des matériels et équipements signée par les Ministres des Mines et des Finances;

– L’installation aux frais de la GECAMINES S.A, d’un pont bascule à la sortie des usines de production de la SICOMINES, pour le pesage des camions transportant les produits à exporter et l’enregistrement des statistiques d’export;

– La communication à la Mission de l’IGF diligentée depuis janvier 2023, de toute la documentation requise, notamment de tous les comptes bancaires de la SICOMINES à l’étranger et au pays et de leurs extraits, de la documentation allégée et complète pour les prix de transfert, des états financiers et leurs notes annexes;

– Le contrôle de la qualité et de la quantité des travaux d’infrastructures réalisés en commençant par ceux de l’Hôpital du cinquantenaire qui ont coûté USD 114 millions en rapport avec l’exécution financière;

– La dissociation de la SICOMINES et de SYCOHYDRO, dans la mesure où cette dernière n’est pas régie par la Convention du 22 avril 2008 qui ne concernait que les projets miniers et d’infrastructures;

-Faire participer la GECAMINES S.A dans l’élaboration du budget général de la SICOMINES en détail, et dans la gestion des exportations;

– La commercialisation par la GECAMINES S.A elle-même de 32% de la production reconnue à la RDC;

– L’arrêt de dumping pratiqué au moyen des ventes exclusives de la production à la société actionnaire majoritaire et à des conditions qui ne respectent pas le principe de pleine concurrence.

Les Organisations de la Société civile, signataires du communiqué du 1er mars 2023, s’appuyant sur le décret n°22/37 du 29 octobre portant gouvernance budgétaire, chapitre 2 portant sur la participation citoyenne et la rédevabilité, articles 163, 164 et 165; exerçant le droit de regard que leur donne l’article 58 de la Constitution, qui reconnait la jouissance des richesses nationales à tous les Congolais avaient exprimé ce qui suit :

– Fustigent la complaisance avec laquelle nos autorités publiques de l’époque ont négocié cette convention qui brade manifestement nos ressources;

– Constatent que la partie chinoise a gagné au moins plus de cinq fois les revenus espérés au départ du projet, sans aucune contrepartie à la hauteur des profits engrangés;

– Disent engagée, la responsabilité respective de toutes les autorités publiques qui étaient impliquées dans la conclusion et la gestion de la susdite Convention : du Président de la République aux exécutants, en passant par les Premiers Ministres, les Ministres dont les secteurs sont concernés, les Négociateurs congolais, le Coordonnateur du projet ainsi que les responsables de l’Agence Congolaise de Grands Travaux et ceux de la GECAMINES;

– Estiment inacceptable que les Congolais puissent continuer à croupir dans la misère, alors que leurs ressources profitent à des entreprises étrangères;

– Trouvent normal, en cas de responsabilité établie que les coupables répondent de leurs actes devant la justice;

– Reconnaissent le pouvoir de l’IGF de contrôler toutes les entreprises, publiques ou privées, qui manipulent les ressources de l’Etat et du peuple congolais, la soutiennent et appuient, par conséquent son rapport, qui met en lumière le pillage de nos ressources et les crimes économiques qui les accompagnent :

– Dénoncent toute politisation de ce dossier, qui est technique et susceptible de recours devant les cours et tribunaux compétents.

Aujourd’hui, l’ODEP campe sur les positions et recommandations de la Société civile du 1er mars 2023 et exige la levée de l’opacité qui couvre ce grand dossier scandaleux qui a privé notre peuple de plus de 17 milliards de dollars qui auraient pu permettre l’éradication de la pauvreté absolue dans le pays.

Pour l’observatoire de la Dépense Publique ODEP

Florimond Muteba Tshitenge

Président du Conseil d’Administration