Sept candidats à la présidentielle saisissent la Cour constitutionnelle : erreur de casting, selon un expert (*)

Sept candidats à l’élection présidentielle, à savoir Théodore Ngoy, Marie-Josée Ifoku, Baende, Nkema Liloo, Denis Mukwege, Martin Fayulu et Floribert Anzuluni ont décidé de saisir la Cour constitutionnelle, en tant que juge de la régularité du processus électoral. 

Par régularité, ils le disent eux-mêmes, il s’agit de faire respecter les règles relatives à la qualité d’électeur, au fichier électoral, à la cartographie électorale, aux opérations de vote, par le déploiement préalable et effectif du DEV (Dispositif électronique de vote), à l’égale protection de tous les candidats à l’élection présidentielle et à leur égal traitement dans les médias audiovisuels. En effet, pour justifier leur démarche, les sept candidats à l’élection présidentielle de 2023 ont rappelé la décision rendue par la Cour constitutionnelle sous R Const.0338.

A ce sujet, la CENI avait saisi la cour constitutionnelle en 2016 afin d’obtenir le report de la date de tenue des élections. Pour cela, elle avait fait croire à la cour constitutionnelle qu’elle était le juge de la régularité du processus électoral parce que : 1. elle est chargée du contentieux des élections présidentielle, législatives et du référendaire; 2. en tant que juge du contentieux électoral, la cour constitutionnelle s’occupe du contentieux relatif à l’enrôlement des électeurs, au fichier électoral, aux opérations de vote et de dépouillement; 3. comme aucune disposition constitutionnelle ou légale ne prévoit comment reporter la date d’élection, c’est à la Cour constitutionnelle comme détentrice du pouvoir originaire dérivé, de même que comme régulatrice de la vie qu’il revient pour décider du report de la date d’élection publiée par la CENI; 4. être dirigé constitue un droit fondamental et une liberté publique. C’est pourquoi, la Cour constitutionnelle, en tant régulateur de la vie politique nationale, doit veiller à ce que les Congolais aient des dirigeants élus dans de bonnes conditions pour être bien dirigés.

La défunte Cour suprême de justice en 2006 avait aussi accepté dans le passé d’ordonner le report des élections pour un délai de 45 jours.

On apprend que, en 2016, la Cour constitutionnelle avait répondu de la manière suivante la CENI: «afin d’assurer la régularité des élections et d’éviter de paralyser le fonctionnement des pouvoirs publics, …. de même pour éviter d’avoir affaire à plusieurs contestations électorales  sur le fondement de la Constitution, la Cour a estimé qu’elle disposait d’un pouvoir à caractère préventif…..qui lui a permis d’ordonner le report de la date des élections. »

En d’autres termes, les sept candidats à l’élection présidentielle de 2023 disent à la Cour constitutionnelle deux choses : la première, elle n’est pas juge des élections, mais juge du processus électoral. La deuxième, la Cour constitutionnelle a le pouvoir de reporter la date des élections si elle estime que les élections risquent de ne pas être régulières. Elle agit donc en amont pour prévenir les risques d’une élection symptomatique.

Qu’en dire ?

Primo, Théodore Ngoy qui a embarqué les autres six candidats dans cette affaire a oublié de leur dire qu’en 2016, c’était la CENI qui avait saisi la Cour constitutionnelle et non des candidats à l’élection présidentielle. Dans ces conditions, la CENI peut saisir la Cour constitutionnelle avant tout contentieux, rien ne dit que les candidats à l’élection présidentielle peuvent également le faire.

En effet, si tous les Congolais doivent se soucier du fonctionnement des pouvoirs publics au point d’en poser le problème à la Cour constitutionnelle, celle-ci finira par être inondée des recours jusqu’à l’asphyxier.

En d’autres termes, on peut comprendre que ce soit la CENI qui soit la seule à être habilitée pour saisir la Cour constitutionnelle pour ce genre de problème, mais le reconnaître à des candidats à l’élection présidentielle, c’est leur donner la possibilité d’intriguer inutilement la Cour constitutionnelle. Certes, au moins aujourd’hui il y a 26 candidats, mais le jour où on en ira à 80 ou à 100, il y a lieu de se demander comment la Cour constitutionnelle fera pour examiner rapidement tous ces recours. Il faut éviter des actions populaires devant un juge suprême.

Secundo, lorsque Mobutu accéda au pouvoir en 1965, il fit croire au monde qu’il était plus proche des Occidentaux que du bloc soviétique alors qu’il imposa le droit marxiste en RDC.

En effet, en droit marxiste, la politique est supérieure au droit et donc c’est la politique qui guide le droit et non l’inverse.

C’est cette démarche vilaine qui caractérise l’état d’esprit de Théodore Ngoy lorsqu’il saisit la cour constitutionnelle pour statuer sur des chicaneries politiciennes. Il n’y a pas de rigueur dans cette affaire.

En effet, tous les juristes sérieux savent que lorsque la Cour constitutionnelle intervient comme juge électoral, il s’agit d’une compétence d’attribution. Il faut être stupide pour appliquer une interprétation extensive des textes lorsqu’il y a une compétence d’attribution. Bien plus, c’est quoi ce raisonnement bizarre qui consiste à affirmer certaines théories approximatives insusceptibles d’être justifiées en droit, lesquelles ?

Qui a dit que la Cour constitutionnelle est juge du processus électoral parce qu’elle s’occupe du contentieux des élections présidentielle et législatives ? En droit, les élections locales sont aussi importantes que les élections présidentielle et législatives.

Un pouvoir originaire dérivé ne peut qu’être élu, la Cour constitutionnelle n’est pas élue, il faut vraiment être bête pour confier le pouvoir originaire dérivé à des fonctionnaires.

Si la Cour constitutionnelle peut décider hors de tout contentieux, cela n’est possible que si elle est invitée à statuer sur la validité d’un acte juridique. Il ne faut pas demander à la Cour constitutionnelle d’intervenir dans un débat d’idées.

Tertio, tout le monde sait que Joseph Kabila et sa bande amenaient les juges à prendre des décisions irréfléchies. C’est injuste de se référer à des jurisprudences propres à un système despotique.

En effet, si on veut aller vers la démocratie, on doit cesser de prendre pour argent comptant tout ce qui a été fait sous Mobutu et sous Joseph Kabila.

Votre humble serviteur,

(*) Le titre est de la rédaction
 Me. DAVID M. Chase (CP)