Soutien de la Société civile à l’accord RDC-Ventora. Me Georges Kapiamba tranche : « Nous avons signé sans pression politique ou financière »

Il est compté parmi les pionniers des mouvements associatifs de défense des droits de l’Homme en République Démocratique du Congo. Dans les milieux de la Société civile, Me Georges Kapiamba, président d’ACAJ (Association pour l’accès à la justice), est une voix qui porte. Signataire de la déclaration de la Société civile du 15 avril 2022, en rapport avec l’accord conclu en février dernier entre l’Etat congolais et le Groupe Ventora, Me Kapiamba ne regrette pas avoir pris part à la table ronde, tenue les 13 et 14 avril 2022 à Kinshasa, aux côtés des délégués de la Présidence de la République. Quant à ceux qui pensent que la Société civile a monnayé son appui, le président de l’ACAJ est formel : « Nous avons signé sans pression politique ou financière ». Interview.
Pouvez-vous vouprésenter, s’il vous plaît ?
Je suis maitre Georges Kapiamba, avocat depuis plus de 20 ans. Je suis président de l’Association congolaise pour l’accès à la justice, ACAJ en sigle.
Pour quelles raisons avez-vous participé à la table ronde organisée par la Présidence de la République et la Société civile portant sur l’accord entre la RDC et Ventora ?
Nous avons participé parce que nous avons été invités, et puis de deux, nous avons toujours prôné le dialogue entre les institutions publiques ou étatiques avec les Organisations de la Société civile sur des discussions qui portent sur la gestion de la République, mais en particulier sur la gestion ou la gouvernance des ressources minières. Donc, nous avons accepté de participer d’autant plus que les questions qui étaient inscrites à l’ordre du jour, à savoir les explications que la Présidence de la République ou les représentants de la Présidence voulaient nous fournir, c’est parmi les questions importantes pour le suivi du travail de l’ACAJ.
Quels sont les acteurs majeurs de la Société civile et ONG qui ont participé à la table ronde ?
J’ai noté, il y a eu plus trente organisations qui ont participé, jusque même le samedi passé (Ndlr : le 15 avril 2022), le jour ou la date à laquelle nous avons rendu publique notre déclaration, il y a eu des organisations de la Société civile qui travaillent sur les questions de la gouvernance des ressources minières ou des ressources naturelles globalement, il y a notamment l’organisation CERN qui est une organisation, une structure spécialisée sur les questions de suivi de gouvernance des ressources naturelles au sein de la CENCO, il y a ODEP qui est une organisation spécialisée sur le suivi de la gouvernance des ressources financières et des dépenses publiques. Il y a eu la participation de plusieurs mouvements citoyens qui étaient là aussi, des organisations féminines. Bref, la liste est longue. Ça était une participation active de la part des organisations les plus emblématiques.
Les discussions lors de cette table ronde étaient-elles ouvertes ou il y avait des sujets qu’il ne fallait pas aborder et subsidiairement, avez-vous trouvé réponses à toutes vos questions ?
Nous avons vidé toutes les questions, parce que nous commencions des réunions en début de l’après-midi, nous n’avions d’heure fixe de la fin. Ce qui faisait que nous avions la latitude, la liberté d’épuiser toutes les matières, toutes les questions. A mon avis, toutes les questions, dans tous leurs aspects liés au dit accord, avaient été abordées par les différents participants.
L’accord vous a-t-il été présenté pendant la table ronde ?
Nous avons tous vu cet accord. Nous avons pris connaissance parce que les représentants de la Présidence de la République l’ont projeté, l’ont déroulé, de la première phrase, pour dire du premier mot, jusqu’au dernier, avec les annexes. Et tout a été lu à haute voix. Pendant qu’on le déroulait, tous nous étions en train de prendre note. Donc, tout le monde a pris connaissance de ce rapport.
Pourquoi avez-vous décidé de signer le communiqué commun à la fin de la table ronde ? Avez-vous reçu un quelconque intéressement ou pression pour le signer ? Avez-vous reçu de grosses enveloppes pour signer l’accord ?
Je crois que ça, ce sont des questions qui émergent de débats de caniveaux. Vous imaginez que quelqu’un comme moi, parmi tous ceux qui étaient là, avec toute la modestie gardée, je fais partie de vieux défenseurs de droits de l’Homme, parce que j’ai plus de trente ans dans l’engagement associatif, vous vous imaginez que je peux signer une déclaration comme ça sous pression, pression politique ou financière ? Non, s’il y a des gens qui essaient de ramener le débat de ce côté-là, il faut simplement les oublier, les ignorer. Nous avons une expérience assez respectable à cette matière. Moi-même, je fais partie des rédacteurs de cette déclaration. Et tout ce que nous avons dit dans cette déclaration reflète bel et bien le déroulement des débats et ce que nous avons tous obtenu au terme de nos différentes questions posées aux représentants de la Présidence de la République. Avec les engagements qui ont été pris de part et d’autre.
Que pensez-vous de l’attitude de CNPAV qui a refusé de signer le communiqué conjoint en demandant la publication pure et simple de l’accord comme l’exige la législation congolaise, d’après eux ?
C’est leur droit. Personne n’était forcé ou contraint à signer. Ce que je sais, ce que je peux attester est que quelques organisations de ce collectif ont signé, notamment l’ODEP qui a signé et d’autres. Ceux qui n’ont pas signé ont tout simplement exercé leur liberté de ne pas signer. Nous devons le respecter. Ils ont des raisons pour lesquelles ils ne l’ont pas fait. Nous devons le respecter. Nous sommes en démocratie. Vous ne pouvez pas participer à un dialogue, à une table ronde, ce n’est pas la première fois que ce genre de rencontres sont organisées à l’initiative des représentants de l’État. Puis, on vous dit que nous ne pouvons pas vous donner cet accord en version papier parce qu’il contient une clause de confidentialité et nous ne souhaiterons pas exposer la République aux poursuites éventuelles en dommages intérêts par l’autre partie si elle apprenait que cela a été fait.
Que pouvez-vous dire à ceux qui refusent de soutenir cet accord qui a permis à la RDC de récupérer des actifs miniers évalués à plus de deux milliards de dollars américains ?
Il faut seulement prendre acte de sa position parce que nous sommes dans une société démocratique. Nous ne devons pas oublier qu’on ne peut pas forcer tout le monde. Après tout, c’est l’Etat, ce sont des représentants de l’Etat qui ont signé, qui ont pris cet engagement dans le cadre de cet accord de ne pas le publier sans le consentement de l’autre partie. Et donc si eux disent nous nous opposons , il faut prendre acte, le laisser, c’est la liberté de chacun. Mais je ne crois pas que cela puisse empêcher l’Etat congolais ou les représentants de l’Etat de la Présidence de la République et du Gouvernement d’aller de l’avant en l’appliquant. La preuve, ce que son application a déjà commencé par le fait que le groupe Ventura liant l’acte à la parole à son engagement a restitué les titres ou les permis ainsi que les licences portant sur les actifs miniers et pétroliers. Cela a été fait déjà, il y a je crois, si je ne me trompe pas, plus de trois semaines. Donc ça ne va pas attendre qui que ce soit. Ce sont des parties qui chacune a pris des engagements, nous les encourageons à les appliquer de bonne foi.
Quelle suite pouvons-nous attendre après la signature de cet accord et le soutien apporté par plusieurs organisations de la Société civile au Gouvernement de la RDC ?
Bien sûr ! Nous sommes des organisations engagées dans l’accompagnement des institutions de la République qui sont nos partenaires pour récréer une gouvernance des ressources naturelles, une gouvernance qui respecte le standard prévu par nos lois, mais aussi par les engagements internationaux de la RDC. Et donc, nous avons décidé, convenu de poursuivre le même dialogue, mais cette fois-là, non seulement pour les aider, nous assurer que l’accord lui-même va être totalement appliquer mais aussi pour que ce type d’accord, qui constitue aujourd’hui une jurisprudence, puisse être aussi appliqué à d’autres contrats, à d’autres projets miniers. Même dans notre déclaration, nous avons mentionné ce fait-là et la partie de la Présidence a pris en compte, s’est engagé à travailler avec la Société civile pour que d’autres contrats puissent faire objet de relecture ou de révisitation.
Propos recueillis par F.K.