Deux mois d’occupation de Bunagana par le M23 : Kinshasa reste curieusement passif

Apparemment, les terroristes du M23 se sont durablement installés à Bunagana. (Photo d’archives)

A la mi-juin 2022, les rebelles du M23, appuyés par l’armée régulière rwandaise (Rwandan Defence Force, RDF) attaquaient par surprise et occupaient la cité de Bunagana en territoire de Rutshuru, dans la province du Nord-Kivu. Deux mois après, les forces d’occupation s’incrustent et installent leur administration et se livrent à l’exploitation des ressources naturellement de l’or, activité au centre même de l’agression. A défaut de les déloger de force, le gouvernement privilégie les voies diplomatiques et s’en remet aux pressions que le Conseil de sécurité de l’Onu serait amenées à exercer sur le dirigeant rwandais Paul Kagamé.
Deux mois après la prise de Bunagana, cité congolaise frontalière de l’Ouganda, les rebelles du M23, jouissant de l’appui incontestable du Rwanda, se comportent déjà comme en pays conquis. Les informations relayées par les organisations de la société civile du Nord-Kivu font état du recrutement forcé de jeunes congolais dans les camps des réfugiés en Ouganda, quand ils n’enrôlent pas de force de jeunes mineurs dans les localités environnantes.
S’exprimant sur les réseaux sociaux, les dirigeants rebelles, qui installent progressivement leur propre administration, déclarent avoir mis un terme aux opérations militaires, et ne pas nourrir l’ambition de se lancer dans de nouvelles conquêtes territoriales. Déclarations battues en brèche par des sources bien informées qui indiquent que le M23 avait lancé il a une semaine, une attaque sur la base militaire de Rumangabo.
Les mêmes sources indiquent par ailleurs que les soldats rwandais et leurs supplétifs du M23 s’adonnent à l’exploitation de l’or, aussitôt exporté au Rwanda. Sans compter la main basse faite des recettes douanières sur les marchandises en provenance, ou à destination de l’Ouganda.

Aucune issue en vue
Cela fait deux mois que la ville de Bunagana et quelques autres localités du territoire de Rutshuru (Nord-Kivu) sont occupées par les combattants du M23. La solution militaire piétine et l’option diplomatique n’avance pas. Cette situation a empoisonné les relations entre Kinshasa et Kigali. Paul Kagame est accusé de soutenir ce mouvement. Une feuille de route censée conduire à la désescalade a été signée début juillet par les autorités congolaises et rwandaises à Luanda, en Angola, mais elle n’a toujours pas permis un cessez-le-feu sur le terrain.
Une semaine après la visite du secrétaire d’Etat américain à Kinshasa et à Kigali, le statu quo demeure. La position ambiguë affichée par Anthony Blinken à l’étape rwandaise semble avoir conforté le gouvernement rwandais dans son rôle de force d’occupation. Kagame sachant que Kinshasa n’entreprendra pas des pourparlers avec le M23 versé dans la catégorie de mouvement terroriste. Il est de ce fait fort improbable que les chefs rebelles soient invités à la table des négociations avec des plénipotentiaires congolais.
Quant à son appel à la poursuite de la médiation angolaise et à la réactivation du processus dit de Nairobi, rien ne laisse entrevoir d’issue, les deux capitales restant sur leurs positions tranchées respectives. Une rencontre prochaine entre Félix Tshisekedi et Paul Kagamé relevant, au stade actuel, d’une pure utopie.
De son côté, le Gouvernement congolais n’est pas prêt à un dialogue avec le M23, qu’il considère comme un groupe terroriste. Il soutient toujours, s’appuyant sur le récent rapport d’experts des Nations unies, que le M23 ne résiste que parce qu’il reçoit un appui de Kigali.
Seule voie de sortie envisagée par la diplomatie congolaise : que de fortes pressions soient exercées sur le président rwandais tant par le Conseil de sécurité des Nations Unies que par les capitales américaine, britannique et française. Cependant, sachant que ces puissances, jouissant du droit de véto, sont en même temps celles qui portent le Rwanda post-génocide dans leur giron, la probabilité de sa condamnation par le truchement d’une résolution onusienne reste bien mince.
Sur le terrain des opérations, c’est le statu quo. Voilà néanmoins soixante jours que la cité frontalière de Bunagana est administrée par le M23. Tous les points de sortie sont minutieusement contrôlés. De plus, le directoire du M23 ne donne aucune indication sur sa volonté de quitter Bunagana. Il affirme avoir cessé le feu et dit attendre toujours de Kinshasa l’ouverture d’un dialogue avant d’envisager quoi que ce soit.
Cité par RFI, le M23 dit également qu’il n’a pas de projet d’avancer et d’occuper d’autres villes et localités dans la région. Cependant, il y a environ dix jours, des combats étaient rapportés par l’armée congolaise et les sources onusiennes aux alentours du camp militaire Rumangabo.

M.M.F.