Un chercheur sud-africain dénonce «le deux poids, deux mesures de l’UE» sur le charbon en Afrique

TTIP, USA and EU cooperation and Transatlantic Trade and Investment Partnership concept theme with the flags of the United states of America and the European Union

Les pays développés pratiquent la politique de deux poids, deux mesures face aux pays africains en ce qui concerne la question climatique, estime David Monyae de l’université de Johannesburg, en Afrique du Sud.
De nombreux pays européens se sont tournés vers l’Afrique du Sud pour importer du charbon afin de réduire l’impact des sanctions contre la Russie sur leur approvisionnement énergétique.
Au cours des cinq premiers mois de cette année, les pays européens ont importé plus de 3,24 millions de tonnes de charbon d’Afrique du Sud, soit une augmentation de plus de 40 % par rapport au total de 2021.
Selon David Monyae, directeur du Centre d’études Afrique-Chine de l’Université de Johannesburg, cette situation met en évidence le « deux poids, deux-mesures » pratiqué par les pays les plus développés, concernant la question climatique : «Pourquoi faire ce deux poids deux mesures en exigeant que l’Afrique du Sud réduise l’utilisation du charbon en Afrique ? Je pense donc que nous allons voir de plus en plus de choses de ce genre à l’avenir. Des pays développés qui exigent que des pays moins développés introduisent l’utilisation du charbon tout en luttant contre la même chose dans leur propre pays. Les pays développés devraient vraiment cesser de faire ce deux poids, deux mesures, en disant une chose et en faisant le contraire chez eux ».
Dans le cadre de la lutte contre le changement climatique, les pays européens ont fréquemment fait pression sur les pays africains et imposé des « tarifs carbone » élevés sur les produits d’exportation, entravant ainsi leur développement économique.
Pourtant, soucieux de réduire l’impact des sanctions antirusses sur leur propre approvisionnement énergétique, de nombreux pays européens se tournent actuellement vers l’Afrique du Sud pour importer du charbon.

Le retour inquiétant au charbon
«Malgré les progrès de la COP26, la fin des centrales à charbon n’est toujours pas en vue ». Telle était la conclusion, en avril 2022, du dernier rapport du Global Energy Monitor, regroupant les données collectées à travers le monde par des centres de réflexion et ONG comme Réseau Action Climat.
Avec la guerre en Ukraine, les promesses de moins recourir au charbon – considéré comme l’énergie la plus émettrice de gaz à effet de serre (toutes sources confondues : renouvelables, nucléaire ou autres fossiles) – semblent plus lointaines que jamais.
Confrontée à la diminution des livraisons de gaz de la part de la Russie, en réactions aux sanctions prises par l’Europe, l’Allemagne va devoir augmenter son recours au charbon, alors que son nouveau gouvernement avait promis d’abandonner cette source d’énergie d’ici à 2030. Idem pour l’Autriche, dont le gouvernement a annoncé le prochain redémarrage d’une centrale désaffectée située à Mellach, dans le sud du pays. Objectif, qu’elle « puisse produire de l’électricité, en cas d’urgence», alors que l’Autriche avait fermé cette centrale, sa dernière au charbon en 2020.
Les Pays-Bas ont annoncé à leur tour «lever immédiatement les restrictions de production pour les centrales électriques au charbon de 2022 à 2024. Cela signifie que les centrales électriques au charbon peuvent à nouveau fonctionner à pleine capacité au lieu du maximum de 35%». La France, comme la Belgique, ne devrait plus tarder à rejoindre le mouvement.

Vents contraires en Europe
Car les experts climats de l’Onu regroupés au sein du GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) sont clairs : pour limiter le réchauffement climatique à +1,5°C en 2050, l’usage du charbon devrait être totalement stoppé et ceux du pétrole et du gaz réduits de 60% et 70% par rapport aux niveaux de 2019. Le GIEC n’intègre pas l’impact des potentielles captures de carbone, une technologie promue par certains pays mais jugée non mature à grande échelle à ce jour.
L’Europe semblait bien partie. Mais, le charbon représente encore 11 % de la consommation d’énergie de l’Union européenne. En 2020, elle en avait importé 97 millions de tonnes (soit le quart de sa consommation). Dont 50 millions, en provenance de Russie. Il représente 40% de l’énergie consommée en Pologne et 15% en Allemagne (la moitié venant de Russie). En France, il ne pèse plus que 3% et sert à la production de fonte, à fournir électricité et chaleur ou l’industrie manufacturière. Reste qu’en raison du retard de l’EPR de Flamanville (Manche) et du programme de maintenance des centrales nucléaires, une centrale au charbon est toujours en activité à Cordemais (Loire-Atlantique). Tandis que le gouvernement n’excluait pas de remettre en activité, l’hiver prochain, la centrale à charbon de Saint-Avold (Moselle).

Qui produit encore du charbon dans le monde ?
En 2021, plus de 2.400 centrales thermiques à charbon étaient toujours en activité dans soixante-dix-neuf pays, représentant un total de près de 2.100 GW de capacité, selon Global Energy Monitor. À première vue, la tendance semblait aller dans le bon sens. «Le nombre de centrales pour lesquelles une date de fermeture a été annoncée a pratiquement doublé, représentant 750 centrales au charbon (550 GW). Il ne reste que 170 centrales (89 GW), soit 5 % de la flotte en opération aujourd’hui, qui ne sont pas concernées par une date d’arrêt progressif ou un objectif de neutralité carbone ». Mais peu d’arrêts sont prévus à court terme.
Et en attendant, «le total de l’électricité générée au charbon a augmenté de 9 % en 2021 pour atteindre un niveau record, faisant plus que rebondir après une chute de 4 % en 2020 quand la Covid a frappé». Tandis que de nouveaux projets émergent. « Une capacité supplémentaire de 176 GW est en construction dans plus de 189 centrales à charbon, et une capacité de 280 GW au charbon est aussi prévue dans 296 centrales à charbon ». Ces deux tendances étaient, en avril 2022, principalement attribuées à la Chine, qui représente plus de la moitié de la capacité des nouveaux projets en développement dans trente-quatre pays. C’est déjà elle qui fournit plus de la moitié du charbon produit dans le monde, selon l’Agence internationale de l’énergie.

Econews