En raison d’«indices sérieux » de déstabilisation des institutions, François Beya écroué à Makala

Nouveau rebondissement dans la saga sécurico-judiciaire qui met en cause l’ancien conseiller spécial du Chef de l’Etat, François Beya Kasonga. Après les multiples appels de la Société civile, l’Agence Nationale de Renseignements (ANR) a décidé finalement de le transférer à la Prison centrale de Makala, en attendant, sans doute, un éventuel procès.

Pour le moment, on sait, sur la base du tout dernier communiqué de la Présidence de la République, que François Beya a été interpelé par l’ANR en raison des « indices suffisamment sérieux » d’une tentative de déstabilisation des institutions démocratiques. Puis, plus rien.

Deux mois après son arrestation, aucun haut gradé de l’armée ou une personnalité politique de haut rang n’a été inquiété. A la place, ce sont quelques membres du service du Conseiller spécial qui ont été interpellés par l’ANR.

C’est dire qu’à ce jour, l’affaire François Beya garde tout son secret. Personne, hormis la hiérarchie de l’ANR, ne sait exactement ce qui se passe, encore moins comment devrait se dénouer cette affaire.

Des indiscrétions glanées dans les milieux de sécurité rapportent que François Beya devait être présenté devant la Justice militaire. Ce qui n’est pas encor certain. Parce que, si tel était le cas, on devait l’incarcérer à la prison militaire de Ndolo.

Autrement dit, beaucoup de zones d’ombre entourent cette affaire. A ce propos, Claudel-André Lubaya est convaincu que, depuis l’interpellation, suivie du transfèrement de François Beya à la prison centrale de Makala, on va « d’irrégularité en irrégularité », « en violation de la Constitution et de tous les principes qui régissent un État de droit ».

Qui est François Beya, conseiller spécial de Tshisekedi à la sécurité, mis aux arrêts ?

François Beya, le « Monsieur sécurité » du Président Félix Tshisekedi était en détention depuis le 5 février 2022 dans les locaux de l’Agence nationale de renseignements (ANR). Retour sur le parcours d’un homme qui a été au cœur des dispositifs sécuritaires de quatre régimes successifs en République démocratique du Congo.

Les faits reprochés à François Beya restent pour l’instant inconnus. Dans son communiqué, la présidence de la République évoque uniquement « indices sérieux attestant d’agissements contre la sécurité nationale ».

Un homme clé du système Tshisekedi

Une page se tourne au sein du palais présidentiel. François Beya avait servi les quatre régimes qui se sont succédé en un peu moins de 30 ans. Il était présenté comme un homme clé du système Tshisekedi.

Âgé de 67 ans, François Beya a été recruté au milieu de la décennie 80 au Centre national des documentations (CND), ancêtre de l’actuelle ANR, sous le régime du dictateur Mobutu Sese Seko.

Affable, ce père de plusieurs enfants, surnommé Fantômas parce que passant inaperçu malgré ses responsabilités, est «un véritable commis de l’État, effacé, efficace, cartésien et professionnel », témoigne auprès de l’AFP un retraité de l’ANR.

Il accédait à ce poste bien qu’étant originaire du Kasaï (centre de la RDC), la région de l’opposant historique Étienne Tshisekedi, père de Félix, raconte cet ancien agent.

Une carrière qui démarre sous le régime de Mobutu

Pendant cette période, François Beya a bénéficié de formations dans plusieurs pays, notamment en Europe, en Israël et aux États-Unis.

En 1994, il est affecté au Conseil national de sécurité (CNS) comme assistant principal de Tshibombo Mukuna, conseiller spécial en matière de sécurité du président Mobutu.

En mai 1997, Laurent-Désiré Kabila, à la tête d’une coalition de groupes rebelles et soutenu par des pays de la région, chasse Mobutu du pouvoir.

François Beya prend le chemin de l’exil pour moins d’une année. Le chef de l’ANR de cette époque, Didier Kazadi, qui chapeautait aussi le Conseil de sécurité de l’État (CNE), le nomme directeur de son cabinet.

À cette époque, il a joué un grand rôle dans le retour de nombreux partisans de Mobutu qui avaient fui le pays à l’avènement de Laurent-Désiré Kabila.

À la mort de celui-ci, assassiné après quatre ans de pouvoir, Joseph Kabila succède à son père.

«S’étant fait remarquer par son expertise, le président Kabila-fils lui a confié la stratégique Direction générale de migration (DGM), comme directeur général, pendant 12 ans », rapporte le retraité de l’ANR.

Nommé à la tête du CNS par Félix Tshisekedi

Proclamé vainqueur de la présidentielle de décembre 2018, le président Félix Tshisekedi fait de lui son Conseiller spécial en matière de sécurité, chef du Conseil national de sécurité (CNS) qui chapeaute l’ensemble des services des renseignements du pays.

«François Beya a aidé le président Tshisekedi à assoir son pouvoir et son régime, parce qu’il jouait le rôle de trait d’union avec l’ancien président Kabila », estimait cet ex-agent de l’ANR à la retraite.

Mais, il n’a pu empêcher en décembre 2020 la rupture de l’alliance de gouvernement qui liait le président Tshisekedi aux partisans de son prédécesseur Joseph Kabila.

Après près de 40 ans dans le système sécuritaire de la RDC, François Beya a servi quatre régimes qui se sont succédé. « Il me semble qu’il n’a pas décroché à temps », regrette le retraité de l’ANR.

Francis M.

Claudel-André Lubaya : « Affaire François Beya, d’irrégularité en irrégularité »

ECONEWS 32

En violation de la Constitution et de tous les principes qui régissent un État de droit, Monsieur François Beya, ancien conseiller spécial du Président de la République, a été arbitrairement arrêté depuis le 05 février dernier et détenu illégalement dans une zone de non droit, en l’occurrence les installations de l’Agence Nationale de Renseignements -ANR-, qui ne sont pas un lieu légal de détention et où règne la loi du plus fort dans un État dit de droit.

Sans dossier en bonne et due forme et sans être placé sous mandat d’arrêt, il a été transféré à la Prison centrale de Makala où il croupit dans une cellule, depuis ce lundi 04 avril 2022 dans la soirée. Ses quatre collaborateurs mieux identifiés dont son secrétaire particulier et son chargé du protocole arrêtés plusieurs jours après lui et détenus dans les mêmes conditions ont été conduits à la Prison militaire de Ndolo.

Loin de résoudre le problème, ceux qui font la loi du plus fort et qui l’incarnent avec suffisance ont décidé d’aller d’irrégularité en irrégularité. Ce transfert en prison ne met pas fin aux 60 jours de séquestration et ne dédouane pas non plus ceux qui détiennent Monsieur François Beya et ses collaborateurs de l’infraction d’arrestation et de détention arbitraire prévue et punie par les lois de la République, à savoir le Code pénal congolais livre II, article 67.

En l’absence d’un dossier judiciaire dûment instruit par un magistrat compétent dans le respect de la loi et de celui du droit de la défense garanti à toute personne, le placement de l’intéressé à la Prison central de Makala constitue à la fois une violation de la Constitution et une détention tout aussi illégale qu’irrégulière. Dès lors, l’arrestation de M. Beya qui, pourtant, jouit pleinement de la présomption d’innocence, revêt un caractère fondamentalement arbitraire qui accable les pouvoirs publics et les couvre de boue infâme.

Puisqu’il n’est jamais tard pour mieux faire, il revient aux autorités de sortir de cette posture dévastatrice en mettant fin à l’abus de pouvoir d’État, en rendant purement et simplement sa liberté à Monsieur Beya ou, du moins, en le présentant immédiatement devant l’autorité judiciaire compétente afin qu’il soit informé des motifs de son arrestation conformément à l’article 18 de la Constitution. Il en est de même de l’obligation qui leur incombe d’assurer le respect des garanties juridictionnelles de M. Beya ainsi que la pleine jouissance de ses droits fondamentaux, notamment celui de bénéficier de l’assistance par un avocat de son choix, l’égale protection des lois de la République dans le cadre d’un procès équitable.

Kinshasa, 05 avril 2022

Lubaya Claudel-André

Député élu de Kananga

Président de l’UDA Originelle