La vertu politique, fondement de la République

Selon les grands philosophes politiques de l’histoire, en l’occurrence Aristote, Montesquieu et Jean-Jacques Rousseau, la République désigne la chose publique, mieux, une société gouvernée par l’intérêt public et uniquement dans cet intérêt. Appartenant indistinctement à tous ses citoyens, elle se fonde sur la vertu politique. Ainsi, seuls, renchérit Jean-Jacques Chevallier, ceux de ses citoyens dotés de la vertu politique, qui sont donc foncièrement attachés à l’intérêt public, font à l’Etat un sacrifice continuel d’eux-mêmes, de leurs répugnances, de leur égoïsme, de leur indiscipline, de leur avidité, de tous leurs appétits personnels, qui sont donc épris d’équité et de justice, sont éthiquement appelés à la diriger à tous les niveaux de l’Etat.
Cependant, ces rares citoyens dotés de la vertu politique, c’est-à-dire des qualités et des compétences politico-idéologiques indispensables à la bonne conduite des affaires de l’Etat, ne se trouvent jamais, mais alors jamais, concentrés et confinés dans une seule et même tribu, dans une seule et même ethnie, dans une seule et même entité linguistique, dans une seule et même entité territoriale de base, dans une seule et même province ou dans une seule et même confession religieuse, par exemple. Et pour cause?

COMPETENCES POLITIQUES
Qu’on se le dise sans ambages : Quel que soit le degré des qualités et des compétences politico-idéologiques avérées de certains de leurs ressortissants, il n’existe, dans aucun pays au monde, de tribu d’Etat, d’ethnie d’Etat, d’entité linguistique d’Etat, d’entité territoriale de base d’Etat, de province d’Etat ou de confession religieuse d’Etat, celle qui aurait reçu de Dieu ou de la Constitution la mission d’occuper exclusivement ou majori-tairement les institutions politiques, les services publics et les entreprises publiques d’une République.
En clair, les qualités et compétences politico-idéologiques, nécessaires à l’exercice des fonctions régaliennes de président de la République, de chef de corps politique constitué, de ministre et de toutes les autres hautes responsabilités publiques sont plutôt trouvables chez quelques rares citoyens de toutes les tribus,de toutes les ethnies, de tous les groupes linguistiques, de toutes les entités territoriales de base, de toutes les provinces ou de toutes les confessions religieuses. A condition que le demandeur de ces oiseaux rares soit prémunidu courage et de la volonté politiques lui permettant de les rechercher objectivement, méticuleusement, activement et systématiquement à travers toute la République.
INCOMPETENCE POLITIQUE
Si un leader politique prétend le contraire, en brandissant d’illusoires et de fallacieux prétextes d’ethnie, de province ou de confession religieuse possédant les meilleures compétences politiques du pays pour justifier son comportement socio-politique pourtant inéquitable et injuste, il faudrait alors le tenir à l’œil. Car, il se pourrait qu’il s’agisse là d’un dangereux promoteur et défenseur du tribalisme, de l’ethnocentrisme, du chauvinisme linguistique, du régionalisme, de l’intégrisme religieux, etc., qui sontdes constructions spirituelles humaines négatives. Ils expriment des sentiments d’attachement exagéré, excessif et maladif des humains à leurpropre tribu, à leur propre ethnie, à leur propre entité linguistique,à leur propre province ou à leur propre confession religieuse.
Sentiments xénophobes, le tribalisme, l’ethnocentrisme, le chauvinisme linguistique, le régionalisme, l’intégrisme religieux, etc., enferment les gens dans leurs carcans tribaux, ethniques, linguistiques, régionaux ou religieux. Ceux qui en sont imbusont généralement tendance à discriminer età exclure les «étrangers» à leur tribu, à leur ethnie, à leur entité linguistique, à leur province, à leur confession religieuse, etc. Cecomportement pervers conduit souvent à l’inimitié entre les communautés humaines, à des conflits intercommunautaires ou inter-Etats et parfois à la dislocation des Etats.
Un leader politiquequi promeut et défend furtivement et astucieusement ces sentiments si pervers et décriés, tout en renforçant les faiblesses et les défauts d’un Etat autoritaire, serait très insuffisamment doté de la vertu politique. Par conséquent, il ne pourrait prétendre travailler pour l’avènement d’un Etat-éthique ou de droit. Il serait, dans le fond, politiquement incompétent. C’est-à-dire, incapable de se mettre sincèrement et indistinctement au service de la République dans son entièreté et de l’ensemble deses concitoyens.

EQUILIBRES GEOPOLITIQUES
En effet, selon les grands philosophes politiques de l’histoire, en l’occurrence Aristote, Montesquieu et Jean-Jacques Rousseau, la République désigne la chose publique, mieux une société gouvernée par l’intérêt public et uniquement dans cet intérêt. Elle se fonde sur le principe qu’ils indiquent, à tour de rôle, sous le vocable «vertu politique». Ceux qui sont censés conduire la République, les véritables hommes d’Etat donc, renchérit Jean-Jacques Chevallier, sont justement ceux qui sont habités parce principe sacré de vertu politique. Autrement dit, ceux qui sont foncièrement attachés à l’intérêt public, font à l’Etat un sacrifice continuel d’eux-mêmes, de leurs répugnances, de leur égoïsme, de leur indiscipline, de leur avidité, de tous leurs appétits personnels, etc. En résumé, seuls ceux qui sont épris d’équité et de justice sont éthiquement appelés à diriger une République à tous les niveaux de l’appareil étatique.
Ce type d’hommes politiques, Nelson Mandela et Julius Nyerere par exemple, ne transforment jamais, mais alors jamais, leur propre terroir ethnique ou provincial en centre d’intérêt national. Au contraire, censés se laisser toujours guider par les principes d’équité et de justice dans tout ce qu’ils entreprennent, ils visent le développement général et durable de toutes les entités sociopolitiques et de tous les citoyens. En vue de la cohésion nationale et sociale de l’Etat qu’ils conduisent.
D’où, parmi les diverses stratégies que les grands hommes d’Etat utilisent pour y parvenir, s’impose principalement et obligatoirement, outre les qualifications et compétences politico-idéologiques avérées, l’établissement des équilibres géopolitiques entre les différentes entités ethniques, linguistiques, territoriales de base, provinciales, religieuses, etc. Particulièrement lors de la désignation des candidats au sein deleur parti politique pour les diverses élections, de la nomination discrétionnaire des personnalités à de hautes fonctions politico-idéologiques, politico-politiques, politico-judiciaires, politico-administratives, politico-économico-financières, politico-socioculturelles, politico-militaires, politico-sécuritaires et de la répartition des investissements tant publics que privés à travers le pays. Et ce, pour les deux raisons capitales que voici : Primo, ces rares citoyens dotés de la vertu politique sont trouvables dans chacune des entités sociopolitiques susmentionnées. Secundo, chacune de ces communautés sociopolitiques a droit au développement social.
Mettre l’accent sur l’établissement obligatoire des équilibres géopolitiques dans un pays, c’est donc exiger la redistribution équitable et juste des postes à caractère politique et des investissements publics et privés entre les différentes composantes de la communauté nationale. En tenant compte, bien sûr, des spécificités et des aspirations de chacune de ces dernières. Et ce, en vue du développement intégral, intégré, harmonieux et durable, de la cohésion nationale et de la cohésion sociale du pays.
En effet, la géopolitique, telle qu’inventée parles socio-démocrates suédois il y a 98 ans, se veut d’abord être l’étude approfondie et objective des rapports entre les données naturelles de la géographie et la politique d’administration et de gestion d’un Etat avant de s’étendre aux rapports régissant les divers Etats entre eux. Que ce soit sur le plan interne ou externe, les équilibres géopolitiques sont donc l’expression de l’équité et de la justice entre les partenaires sociopolitiques ou internationaux. A l‘interne, ils combattent, notamment, les antivaleurs telles que le tribalisme, l’ethnocentrisme, le régionalisme, le fanatisme linguistique, l’intégrisme religieux et leurs cohortes de discriminations, d’exclusions, d’injustices, etc., en matière de gouvernance publique. Ils valorisent, rapprochent, rassemblent et unissent les diverses communautés humaines. Ils renforcent ou consolident la conscience nationale, l’unité nationale et la cohésion sociale, surtout dans un Etat de peuplement composite comme la RD Congo.

INTEGRATION NATIONALE
La large et profonde intégrationnationale de cet Etat multiethnique, multi-culturel, multilingue, multiconfe-ssionnel, etc, se réalisera, lentement mais sûrement, notamment par le biais des équilibres géopolitiques mûrement réfléchis et stratégiquement montés au cours des différents régimes politiques qui le dirigent. Les subterfuges communautaristes des leaders politiques égocentriques, enclins à nommer priori-tairement et majoritairement des ressortissants de leur propre tribu, de leur propre ethnie, de leur propre entité linguistique, de leur propre entité territoriale de base, de leur propre province ou de leur propre confession religieuse à des postes de hautes responsabilités publiques et à drainer l’essentiel des investissements publics et privés de leur mandat politique vers leur propre terroir ethnique ou provincial, en se retranchant derrière de chimériques et de fallacieux prétextes, sont susceptibles de conduire un Etat de peuplement composite tel que le nôtre vers d’inextricables tribulations ou même vers l’implosion.
Pour s’en convaincre, prenons en considération quelques exemples concrets. Après 69 ans d’existence en tant qu’Etat de peuplement composite uni, l’omnipotente URSS (Union des Républiques Socialistes Soviétiques) s’est désintégrée, tel un amas de sable soufflé par un très puissant vent, à cause, essentiellement, de la géopolitique de domination inouïe et insupportable de la Russie par rapport aux autres républiques soviétiques. De même, la Yougoslavie post-Tito s’est émiettée en raison, principalement, de l’hégémonie géopolitique insoutenable de la Serbie comparativement aux autres républiques yougoslaves. Tout près de la Rd-Congo, le Soudan s’est scindé en deux Etats distincts et séparés suite aux déséquilibres géopolitiques criants entre le Nord, arabe et musulman dominant, et le Sud, noir, chrétien et animiste dominé. Enfin, le Sri-Lankavit, depuis environ 49 ans, des tribulations dues à la domination inqualifiable du Sud, indien et bouddhiste, sur le Nord, tamoul, hindou et chrétien.
A partir de cette vérité implacable, les planificateurs officiels des programmes et projets de développement et les chasseurs des meilleures têtes politiques, hautement qualifiées et compétentes, doivent s’armer d’intégrité morale, de courage et de volonté politiques les obligeant d’appliquer le principe démocratique d’égalité de chances à l’égard de toutes les entités ethniques, territoriales de base, provinciales, linguistiques et religieuseset de tous les citoyens remplissant les conditions objectives prescrites dans la Constitution.
Quand les planificateurs officiels des programmes et projetsde développement identifient sérieusement et objectivement, sans discrimination, les différents sites des 145 territoires devant recevoir des investissements tant publics que privés et que le gouvernement, usant de ses ressources propres et appuyé par ses partenaires bilatéraux et multilatéraux,finance et réalise effectivement tous les projets de développement retenus dans tous les 145 territoires, le développement intégral, intégré, harmonieux et durable de la RD Congo peut alors être espéré.
Lorsque tous les rares génies politiques de toutes les tribus, de toutes les ethnies, de toutes les entités linguistiques, de toutes les entités territoriales de base, de toutes les provinces, de toutes les confessions religieuses, etc., sont valorisés et deviennent précieux aux yeux dupouvoir discrétionnaire de nominations, de l’écrasante majorité des caciques des partis politiques, de l’écrasante majorité des chasseurs des meilleures têtes politiques et de l’écrasante majorité des électeurs, les droits inaliénables de tous les citoyens sont particulièrement et indistinctement respectés.
Enfin, quand tous les gouvernants sont suffisamment dotés de la vertu politique et se consacrent sincèrement à la promotion, à la réalisation et à la défense de l’intérêt général, la Rd-Congo peut alors se retrouver profondément intégrée et sa cohésion sociale assurée.

ETAT-ETHIQUE
Il s’agit, ici, d’une RD s Congo dans laquelle les citoyens de toutes les tribus, de toutes les ethnies, de toutes les entités linguistiques, de toutes les entités territoriales de base, de toutes les provinces et de toutes les religions pourraient s’asseoir, ensemble, à la table de la convivialité que vise tout véritable Etat-éthique ou de droit. Un Etat qui, tel que l’énonce Jean-Jacques Chevallier, «a des lois établies, connues, reçues et approuvées d’un commun consentement; des juges reconnus, impartiaux, fondés à terminer tous différends conformément à ces lois établies; enfin, un pouvoir de contrainte capable d’assurer l’exécution des jugements rendus». Fondée sur la vertu politique, conduite par la vertu politique et animée par des citoyens dotés de la vertu politique,la véritable République est, de par sa vraie nature, un Etat-éthique.
MUSENE SANTINI BE-LASAYON
Master of Arts en Sociologie et de Bachelor of Arts en Communication de l’Université d’Ottawa (Canada)