L’ONU et la RDC : révélations sur le deal Chine-Russie et USA-Grande-Bretagne

Contre toute attente, le Conseil de sécurité des Nations Unies a décidé de lever, le mardi 20 décembre 2022, la mesure de notification préalable sur tout achat d’armes et matériels militaires imposée, depuis une dizaine d’années, à la République Démocratique du Congo. A Kinshasa, on a tous applaudi, saluant le dynamisme de la diplomatie agissante du Président de la République et du Gouvernement Sama Lukonde. Mais, la réalité est plutôt ailleurs. Econews est parvenu à reconstituer les éléments du puzzle. En effet, on est en mesure de dire que les « Grands » de ce monde se sont mis d’accord, loin des regards indiscrets de Kinshasa, sur la gestion du dossier RDC. La valse de condamnations du soutien du Rwanda aux terroristes de M23 n’est pas non plus le fait d’une génération spontanée. C’est plutôt la conséquence d’un changement de camp de la politique extérieure de ces « Grands ». On se rappelle que c’est à l’unanimité que le Conseil de sécurité des Nations Unies a levé la mesure de notification, fait rarissime dans les annales des Nations Unies. Aucun membre permanent du Conseil de sécurité, en l’occurrence la France, les Etats-Unis, la Russie, la Chine et la Grande-Bretagne, n’a posé son droit de vote. Tous ont mis de côté, pour un temps, leurs divergences. Lorsqu’il s’est agi de parler RDC, les blocs Chine-Russie et USA-Grande-Bretagne se sont fait des concessions mutuelles pour faire avancer le dossier, sous l’œil vigilant de la France, porteur de la résolution au Conseil de sécurité. Autrement dit, le dossier RDC a dépassé les clivages, obligeant la communauté internationale à taire ses divergences. Que gagne alors la RDC ? Mystère !
Les tractations autour de la levée de la mesure de notification et toutes les restrictions sur les importations des armes par la République démocratique du Congo ont mis face-à-face la Chine et la Russie d’un côté, et de l’autre le duo États-Unis et la Grande-Bretagne de l’autre. Ces quatre membres permanents du Conseil de sécurité des Nations Unies ont eu des chaudes discussions sur le sujet. La France, la cinquième qui tenait le clavier de la rédaction de la résolution du Conseil de sécurité, avait joué en amont un rôle déterminant. Dans les coulisses du Conseil de sécurité de l’ONU, les tractations ont alterné avec des marchandages les plus incroyables.
Londres et Washington ont dû se plier à l’exigence de Pékin et Moscou d’exercer leur droit de véto sur le vote sur le renouvellement du mandat de la Monusco. Les deux dernières capitales n’ont pas compris que les USA et la Grande-Bretagne fassent du mandat de la Monusco une priorité, alors que la RDC a besoin de renforcer son armée afin de défendre son territoire et surtout de faire face à des groupes armés dotés en armes en provenance du Rwanda. Ce pays voisin de la RDC est soutenu militairement par Washington et Londres. Il y a quelques jours, c’est l’Union européenne qui a apporté un soutien financier à l’armée rwandaise qui agresse la RDC.
Pékin et Moscou ont donc obtenu que la mesure soit levée, concédant d’accepter la prolongation du mandat de la Monusco jusqu’à fin 2923. Le même jour donc, au cours de la même séance du Conseil de sécurité, la mesure de notification est tombée.

Paris à la manœuvre
Pourtant, la proposition avait été recalée il y a quelques mois. Voilà que la France, qui rédige toutes les résolutions sur la situation en RDC, a remis la question sur la table des discussions. Le coup de pouce de deux capitales, en l’occurrence Washington et Londres, opposées aux soutiens de Kigali, a facilité la tâche de la France. D’ailleurs, il ne fallait pas plus pour que cette solution soit d’application.
L’injustice était tellement flagrante ! Toutes les consciences étaient chargées, même s’il demeure encore des soucis sur les armes légères importées par la RDC.
Aussi curieux que cela puisse paraître, c’est étonnant de constater que certaines armes atterrissent entre les mains des groupes armés. Ce qui a toujours justifié les réticences de Londres et Washington dans leur prise de position sur le sujet. Il est maintenant clair pour le peuple congolais que cette résolution a fait l’objet de marchandages jusqu’à la dernière minute.
Il y a des concessions qui ont été apportées de part et d’autre, particulièrement dans le cercle restreint de cinq membres permanents du Conseil de sécurité des Nations Unies.
La dernière visite aux Etats-Unis du président français, Emmanuel Macron, a permis d’arrondir les angles, tout en donnant des garanties aux uns et aux autres. Dans ce deal, conclu loin de la RDC, tous, Américains, Britanniques, Chinois, Français et Russes, se retrouvent. Un cas de figure qui nous rappelle la Conférence de Berlin de 1885.
Quelle sera alors la part de la RDC ? Kinshasa va-t-il trouver dans ce «gentleman’s agreement» conclu entre les «Grands » ?
Autant de zones d’ombre qui laisse planer l’incertitude sur la levée de la mesure de notification sur l’achat d’armes. A Kinshasa, il serait donc prématuré de jubiler ou de crier victoire. Le plus dur est à venir. Car, c’est loin de Kinshasa, sans prendre en compte ses intérêts, que tout a été conclu.

Econews