Matata et dossier Bukanga-Lonzo : de violations en violations

– Le PG près la Cour constitutionnelle hanté par la date du 15 septembre

Poursuivi, sans preuves évidentes, dans l’affaire, dite d’indemnisation des anciens propriétaires des biens zaïrianisés, le sénateur Matata Ponyo Mapon vient de se soustraire des griffes du parquet général près la Cour constitutionnelle. Le dossier zaïrianisation s’étant avéré vide, le parquet s’est vite rabattu sur l’affaire Bukanga-Lonzo pour laquelle la plénière du Sénat a prononcé un non-lieu dans la levée des immunités de l’élu de Maniema. Malgré cette exception, le parquet général près la Cour constitutionnelle a décidé de passer ce verrou parlementaire. Selon des câbles captés par Econews, on apprend que le parquet général près la Cour constitutionnelle veut passer à la vitesse supérieur. Sans avoir préalablement auditionné Matata, qui s’en tient à la position de l’assemblée plénière du Sénat sur Bukanga-Lonzo, le parquet devait, vraisemblablement, boucler le dossier, et le transmettre aux juges de la Cour pour le procès. Au parquet général, tout est fait pour entamer le procès Matata, avant la rentrée parlementaire du 15 septembre 2021. Un forcing qui énerve les textes légaux organisant le fonctionnement de l’ordre judiciaire en RDC.

Au parquet général près             la Cour constitutionnelle, c’est la course contre la montre qui est engagée pour boucler, avant la prochaine rentrée parlementaire du 15 septembre, toutes les affaires visant l’ancien Premier ministre et ministre des Finances, Matata Ponyo Mapon. Le scénario est écrit. Tout doit être fait pour que le procès Matata commence avant que les sénateurs ne retournent en session.

Des informations recoupées par Econews prouvent à suffisance que les inspecteurs judiciaires, chargés de l’instruction du dossier Matata pour le cas spécifique du parc agro-industriel de Bukanga-Lonzo, ont été sensibilisés pour tout vider avant l’échéance fatidique du 15 septembre.

La date du 15 septembre fait peur

En effet, au parquet général près la Cour constitutionnelle, on craint que l’ouverture de la session parlementaire de septembre ne remette en cause la décision du bureau du Sénat qui a autorisé les poursuites judiciaires, allant jusqu’à la levée des immunités du sénateur de Maniema, dans le dossier de l’indemnisation des anciens propriétaires des biens zaïrianisés.

S’étant retrouvés dans l’impossibilité d’établir la culpabilité de Matata dans le dossier des biens zaïrianisés, on se rappelle que le parquet général près la Cour constitutionnelle s’était retrouvée dans l’obligation de déclarer «la main levée». Une belle manière de classer sans suite ce dossier. Mais, c’était sans compter avec sa détermination d’en découdre avec celui qui passe, apparemment, pour l’ennemi public n°1.

Se servant de la brèche lui offerte par la décision – du reste contestable du bureau du Sénat – le parquet général près la Cour constitutionnelle a, depuis lors, réactivé, l’affaire Bukanga-Lonzo, ouvrant une rude bataille des procédures avec le collectif des avocats de Matata. Si bien qu’à ce jour, Matata, qui s’en tient à la décision de l’assemblée plénière du Sénat, refuse de répondre aux invitations du procureur général près la Cour constitutionnelle.

Les menaces exercées contre lui, notamment la dernière perquisition de sa résidence de Mont Ngaliema, ne l’ont pas dissuadé à se rétracter.

Légaliste jusqu’au bout, Matata s’en tient toujours à la décision de l’assemblée plénière du Sénat, tant qu’un acte contraire ne l’a pas modifié.

«Ils ont pensé qu’en me brutalisant, je veux céder. Ils sont bloqués, car dans le fond, ils sont dans le faux. Dans les coulisses, ils reconnaissent qu’ils vont de violations en violations. Mais, comme ils ont été chargés d’exécuter un dossier, plus politique que judiciaire, ils ont décidé de passer outre la loi », a confié, en toute sérénité, le sénateur de Kindu, déjouant toutes les rumeurs sur sa prétendue sortie dimanche du territoire national pour des soins médicaux

Certes, il continue à subir les effets indésirables de son empoisonnement, mais il promet, déterminé plus que jamais, d’activer tous les instruments juridiques en sa possession pour faire valoir ses droits bafoués de sénateur.

Pendant ce temps, des informations recoupées par Econews rapportent que le parquet près la Cour constitutionnelle a décidé de passer à la vitesse supérieur. Le deadline a, d’ailleurs, été fixé, c’est-à-dire tout boucler avant le 15 septembre, date de la prochaine rentrée parlementaire.

En effet, le parquet général craint qu’après cette date, la décision du bureau du Sénat qui dépouille Matata de ses immunités ne soit vidé de tout son contenu.

Il n’est pas tard pour bien faire

«Nous savons qu’ils ont décidé de boucler l’instruction cette semaine et transmettre le plus rapidement ce dossier aux juges de la Cour constitutionnelle pour l’ouverture du procès Matata. Sans l’avoir auditionné, le parquet général près la Cour constitutionnelle veut curieusement passer outre les textes dont il est censé défendre la constitutionnalité. La même Cour constitutionnelle qui a validé le Règlement intérieur du Sénat sait pertinemment bien qu’un sénateur ne peut pas être entendu sans l’avis du Sénat parce que notre client ne peut pas être traduit en justice sans l’avis préalable du Sénat. Si le parquet général près la Cour constitutionnelle, comme le confirment nos sources, transmet réellement le dossier Bukanga-Lonzo pour le jugement, sans avoir préalablement auditionné Matata, qui s’en tient toujours à la décision de l’assemblée plénière du Sénat, on va assister à une violation au plus haut sommet de l’ordre judiciaire congolais des textes. Ça sera donc le summum du ridicule dans ce dossier qui n’a rien de politique.

En aparté, on nous le dit dans les couloirs du parquet général près la Cour constitutionnelle. Mais, que voulez-vous ? ils sont liés et doivent impérativement obéir aux ordres. De qui ? Et pourquelle raison ? On n’en sait rien », a expliqué, avec dépit, à Econews l’un des membres du collectif des avocats de Matata.

Que restera-t-il de l’Etat de droit si, déjà à la Cour constitutionnelle, les textes légaux, même ceux encadrant les statuts de sénateur, sont foulés aux pieds ? Faut-il encore parler d’un Etat de droit si, pour des raisons inavouées, on continue à déployer une terrible machine judiciaire juste pour affaiblir ou faire taire un potentiel adversaire politique ?

A tout prendre, il n’est pas tard pour le parquet général près la Cour constitutionnelle de se ressaisir ? En bon défenseur de la légalité, il n’est pas bon de scier l’arbre sur lequel il est censé bâtir sa crédibilité, c’est-à-dire le respect strict de la loi.

Certes, indique son entourage, Matata ne veut nullement se soustraire de la Justice dans l’affaire Bukanga-Lonzo.

L’un de ses membres de son équipe d’avocats trouve des mots justes pour interpeller le parquet : «Son problème est qu’il y a un verrou qui ne l’autorise pas à répondre à l’invitation du parquet général près la Cour constitutionnelle tant que demeure la décision de la plénière du Sénat et non de son bureau qui ne se limitait qu’au dossier de la zaïrianisation. Par respect de la procédure, qu’est-ce qui empêche le parquet de revenir vers le Sénat pour solliciter son vote sur l’affaire Bukanga-Lonzo. En procédant ainsi, le parquet n’énerverait en rien la loi. Mais, procéder autrement, c’est violer en bonne et due forme les textes. Jusqu’où ira la Cour constitutionnelle dans toutes ces violations qui ternissent davantage son image et sa crédibilité ? »

Econews