Après un mois de sanctions, le Mali est encore debout

Les voisins du Mali espéraient début janvier qu’un embargo économique ferait plier la junte à la tête de ce pays pauvre et enclavé. Mais un mois après, si de premiers signaux d’alerte sont là, les autorités dominées par les militaires font front.

Le voyant le plus visible s’est peut-être allumé fin janvier quand le Mali s’est retrouvé dans l’incapacité d’honorer des remboursements de plus de 30 millions de dollars empruntés sur le marché ouest-africain.

L’effet des sanctions ouest-africaines est moins flagrant pour le moment sur le quotidien des quelque 20 millions de Maliens. Mais au sein d’une population éprouvée par dix ans de conflit et de crise économique, on parle de plus en plus d’une augmentation des prix de produits aussi essentiels que le sucre et le sac de ciment.

«Je prends moins d’oignons et moins d’huile, alors que c’est ce qu’on cuisine le plus », raconte Mame Koïta, 46 ans et mère de quatre enfants, devant un étal plein du quartier Bolibana de Bamako.

Cela fait des années, dit-elle, que son panier lui semble plus léger à chaque retour du marché. Et chez tous les interlocuteurs interrogés par l’AFP, près d’un sur deux se plaint que la vie soit devenue encore plus chère à cause des sanctions.

Le 9 janvier, la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao) et l’Union économique et monétaire ouest-africaine (Uémoa) ont rudement sanctionné le projet des colonels maliens de conserver encore plusieurs années le pouvoir qu’ils ont pris par la force en août 2020.

Les frontières du Mali sont à présent fermées avec les 14 autres Etats de la Cédéao, sauf la Guinée, où les colonels au pouvoir se sont solidarisés avec leurs collègues maliens. Les échanges commerciaux et financiers sont suspendus, hormis les produits de première nécessité.

Résistance

Le calcul de la Cédéao et de l’Uémoa est simple: que l’embargo force les autorités dites de transition à soumettre un calendrier acceptable de retour des civils au pouvoir.

Le Mali, dépourvu d’accès à la mer, importe 70% des denrées consommées quotidiennement par ses habitants, selon l’ONU. Et le lien aujourd’hui restreint avec le Sénégal ou la Côte d’Ivoire est vital.

Aucun mouvement massif de dénonciation du renchérissement de la vie n’a émergé jusqu’ici. Et les voix éparses qui s’élèvent en ce sens sont couvertes par le discours de «résistance» que tiennent les autorités au nom de la souveraineté nationale.

Choguel Kokalla Maïga, chef du gouvernement installé par les militaires, fustigeait lundi les sanctions comme des « mesures injustes et sauvages dont l’objectif est d’asphyxier le Mali » et de renverser le régime, «pour le compte de qui l’on sait », claire référence à la France, devenue l’objet récurrent de sa vindicte.

De nombreux Maliens adhérent à cette rhétorique. Mi-janvier, ils étaient descendus massivement dans la rue (quatre millions de personnes au Mali et à l’étranger selon M. Maïga) pour protester contre les sanctions.

La profondeur de la morsure économique est difficile à apprécier. L’état des caisses pour payer les fonctionnaires ou les dépenses de fonctionnement, par exemple, n’est connu que de certains services l’Etat. Et les experts locaux se montrent très discrets sur ce sujet sensible.

Spéculation

«Le Mali est-il en train de foncer dans le mur, ou bien tout a-t-il été prévu ? On ne peut s’en tenir qu’aux signes extérieurs pour comprendre ce qu’il en est », souligne sous le couvert de l’anonymat un chercheur en sciences sociales.

Le ministère de l’Economie a assuré que le récent défaut de paiement sur le marché sous-régional était dû mécaniquement aux restrictions ouest-africaines, et non à un manque d’avoirs.

Les autorités ont plafonné les prix des produits subventionnés. La télévision d’Etat, organe privilégié de communication de la junte, a filmé les descentes qui se multiplient sur les marchés, selon elle pour contrôler les prix.

« Les stocks de denrées de première nécessité sont suffisants, largement suffisants », assure à ce stade le ministre du Commerce, Mahmoud Ould Mohamed.

Les hausses de prix sont mises sur le dos de profiteurs. L’Union nationale des travailleurs du Mali, centrale syndicale, s’en est pris dans un communiqué à la « hargne de certains compatriotes de s’enrichir sur les malheurs des populations ».

Dans sa boutique de vente en gros de Bolibana, Mouhamadou Bagayoko se défend : «La rareté amène l’augmentation des prix des matières premières, ce n’est pas de notre faute, c’est la faute de tout le monde ».

Avec les sanctions en plus, « la réalité pour les consommateurs est vraiment pitoyable », souligne Mariam Diakité, qui a lancé début 2021 avec deux amis une association de défense des consommateurs. Alors « il faut se donner la main, plus question de pour ou contre, de transition, il faut lutter ensemble ».

Econews avec AFP