Félix Tshisekedi à Pékin : décryptage de la presse chinoise

À sept mois de la fin de son mandat, le Président de la République Démocratique du Congo, Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo, est en visite en Chine avec un agenda chargé et des sujets sensibles à discuter avec les autorités chinoises. La RD Congo est l’un des pays les plus importants de la stratégie chinoise en Afrique. Diplomatie, mines, énergie et sécurité sont dans l’agenda. C’est certainement la question minière, le contrat Sicomines, qui sera l’un des plus importants à régler. Il est quasi certain qu’il n’y aura pas d’avancée significative sur ce dossier durant ce voyage. Néanmoins, il sera important d’obtenir un accord politique chinois pour procéder aux négociations complexes qui se dessinent. Va-t-il revenir avec de nouveaux gros contrats? Pas certain. Cependant la signature des accords de coopération est prévue avec son homologue chinois Xi Jinping.
Le Président de la République Démocratique du Congo, Félix Tshisekedi, a entamé mercredi, à l’invitation de son homologue chinois Xi Jinping une visite de cinq jours en Chine, du 24 au 29 mai 2023. Elle sera la première visite du président congolais en Chine depuis son accession au pouvoir en janvier 2019.
A la tête d’une forte délégation ministérielle, le président congolais se rendra à Beijing où il sera reçu par son homologue Xi Jinping et devrait ensuite se rendre à Shanghai et à Shenzhen.
Ce voyage que plusieurs pourraient qualifier de tardif, intervient à la fin de son premier mandat et sept mois avant la tenue de la présidentielle prévue pour décembre 2023. Outre la pandémie de Covid, le rapprochement avec Washington pourrait bien être la cause de cette visite tardive au premier partenaire commercial de la RDC.
S’étant rapproché de Washington où il y effectua deux visites, Félix Tshisekedi s’était démarqué de son prédécesseur Joseph Kabila, perçu pro-Chinois et sous la présidence duquel les investissements chinois dans le secteur minier avaient pris de l’ampleur.
Un rapprochement qui lui avait valu la perception d’un allié américain. Perception qui fut renforcée par les déboires qu’ont connus China Molybdenum sur le projet Tenke Fungurume avec la Gécamines et la réévaluation du contrat Sicomines qui aurait été soutenue par les Etats-Unis. Soutien qui n’a malheureusement pas suffi à endiguer l’influence chinoise en RDCongo au grand dam de Washington
Il s’envole en Chine au moment où le conflit entre la Gécamines et China Molybdenum a pris fin – bien que les détails de l’accord se font encore attendre – et au moment où il a décidé le lancement de la renégociation du contrat de la Sicomines.

L’agenda de Felix Tshisekedi en Chine
Diplomatie : Proche des Etats-Unis, Tshisekedi tient tout même à démontrer avec ce voyage, son engagement à maintenir des liens étroits avec la Chine. Il ne fait pas de doute que cette visite sera suivie de près à Washington.
Commerce et investissement : La Chine est le plus grand partenaire commercial de la RDC et ses principaux investisseurs dans le secteur minier. M. Tshisekedi tentera donc de stabiliser les relations économiques qui ont été mises à rude épreuve ces dernières années en raison de différends liés à des contrats miniers. Maintenant que la question de la mine TFM a été résolue, Tshisekedi tentera certainement de régler à la question du contrat de la Sicomines. Il pourrait également inviter les entreprises chinoises à investir dans la chaîne d’approvisionnement de la fabrication de batteries.
Equipements militaires : Le jour même où le gouvernement chinois a annoncé le voyage de M. Tshisekedi à Pékin, on apprend que le premier lot des drones d’attaque CH-4 de fabrication chinoise acheté par la RDC a été livré. Il faudrait s’attendre à ce que le président congolais aborde la question d’achat d’équipements militaires pour soutenir sa lutte contre les rebelles du M23 dans l’est de la RDC.
Hydrocarbures : Récemment la RDC a manifesté son intérêt à participer au projet EACOP avec l’Ouganda et la Tanzanie. Avec le ministre congolais des hydrocarbures faisant partie de la délégation, il est possible que le président congolais tente de convaincre les entreprises chinoises, notamment la China National Oil Offshort Corporation, CNOOC, déjà présente en Ouganda dans le projet EACOP, d’élargir ses activités dans les blocs pétroliers du lac Albert du côté congolais.
Le président de la République démocratique du Congo, Félix Tshisekedi, effectue cette semaine un voyage historique à Pékin. Ce voyage intervient dans un contexte de tension constante, tant au niveau national qu’international, au sujet de la domination économique des investissements chinois considérables dans ce pays d’Afrique centrale.
M. Tshisekedi, candidat à sa réélection cette année, est sous pression intérieure pour obtenir des résultats concrets de la part de la Chine, qui occupe depuis longtemps une place centrale dans l’économie de la RDC. Mais il ne s’agit là que d’un des défis auxquels il est confronté à Pékin.
Dans sa mallette, il emmène plusieurs dossiers épineux pour lesquels il espère obtenir la collaboration de Pékin. Et parmi les dossiers les plus épineux, on retrouve celui des investissements miniers chinois.

Que voudrait bien obtenir Tshisekedi à Pékin ?
Le contrat de SICOMINES : Vieux de plus de dix ans, l’accord «mines contre infrastructures», dit «contrat chinois» – qui a donné naissance à la Sicomines – a été critiqué par M. Tshisekedi comme étant mal négocié et favorisant la Chine. Vendredi, il a chargé le gouvernement de contacter le consortium d’entreprises chinoises impliquées et d’entamer des négociations formelles. Étant donné qu’il s’agit de grandes entreprises d’État chinoises, trouver une volonté politique à Pékin pour renégocier ce contrat constituerait une victoire majeure.
Enterrer le conflit GECAMINES/CMOC : la signature de l’accord final visant à résoudre le différend qui couvait depuis longtemps entre la société minière d’État de la RDC, la Gecamines, et le géant minier China Molybdenum (CMOC) au sujet des redevances minières mettrait un terme à un conflit de plusieurs années qui a mis à rude épreuve les relations entre la RDC et la Chine. Au-delà de l’annonce d’un accord faite le mois dernier par CMOC, des sources proches du dossier nous apprennent que la signature de l’accord final repose sur quelques derniers détails sur lesquels les partis doivent se mettre d’accord. La signature de l’accord final mettrait fin au différend une fois pour toutes.
Un engagement pour une usine de batteries : L’engagement des entreprises chinoises à investir dans la chaîne d’approvisionnement des batteries pour véhicules électriques en RDC pourrait constituer une avancée significative.
Depuis des mois, la RDC exprime sa volonté de voir des investissements dans ce secteur. Un protocole d’accord trilatéral a été signé avec la Zambie et les États-Unis à cet effet. Des études de préfaisabilité financées par la Banque africaine de développement sont en cours. Mais du côté de la Chine, premier investisseur dans le secteur minier congolais, aucune action concrète n’a encore été entreprise dans ce sens. Un engagement ferme de la part d’un géant comme CATL – actionnaire de la CMOC – serait certainement une victoire.
Le voyage de Tshisekedi à Pékin sera suivi de près par d’autres producteurs de minerais stratégiques, car leur permettra d’évaluer la valeur que Pékin accorde à l’accès à ces ressources et la réaction que d’éventuels accords pourraient susciter de la part des États-Unis.

Pékin a aussi des reproches à faire à Kinshasa
En prévision de l’arrivée du Président Felix Tshisekedi à Pékin, mercredi 24 mai, le ministre des chinois Affaires étrangères, Qin Gang, avait rencontré hier son homologue congolais Christophe Lutundula, le mardi 23 mai 2023.
Au-delà des formalités et des courtoisies diplomatiques réaffirmant la solidité des relations entre les deux pays, M. Qin a fait un commentaire qui laissant entrevoir certaines des préoccupations de la Chine concernant l’environnement commercial actuel en RDC : «La Chine est prête à aider la RDC à transformer ses avantages en matière de ressources en un moteur de développement économique et espère que la RDC créera un environnement commercial sain et assurera la sécurité des investisseurs chinois. Jusqu’à présent, nous avions supposé que le gouvernement de la RDC était le seul à avoir des griefs à faire valoir face aux entités chinoises, mais il semble que Pékin ait également ses propres préoccupations à l’égard du gouvernement congolais».
Les propos de Qin sur les préoccupations sécuritaires fait probablement référence à la fois à la sécurité physique et économique des investissements chinois.
La sécurité physique : Depuis des années, les Chinois sont fréquemment victimes d’attaques ciblées au Katanga, au Lualaba et dans d’autres régions de l’est de la RDC. La situation s’est tellement détériorée l’année dernière que le ministère chinois de la sécurité publique a envoyé une délégation en RDC pour rencontrer directement les autorités congolaises afin de trouver une solution à ces problèmes de sécurité, en particulier dans les régions du Haut-Katanga et du Lualaba, où se trouve la majeure partie des investissements miniers de la Chine en RDC.
La sécurité économique : Dans un contexte de litiges entre la CMOC et la Sicomines, les sociétés minières chinoises en RDC se sont plaintes, dans une déclaration publiée en mars de cette année, du traitement injuste qu’elles reçoivent de la part des services fiscaux congolais et autres régies financières. Au début de l’année, les dirigeants des sociétés minières, y compris ceux de Sicomines, se sont plaints des «difficultés à répondre aux demandes financières des conseillers de Félix Tshisekedi ».
Ceci montre le contexte de mauvaise gouvernance, d’opacité et de corruption qui règne dans l’ensemble du secteur minier congolais.
La mauvaise gouvernance dans le secteur minier congolais représente un risque que seuls les investisseurs chinois et une poignée d’entreprises occidentales ont osé prendre. Malgré ses vastes richesses minières, la RDC reste l’un des pays les plus instables au monde. Il est probable que les acteurs chinois soulèvent ces questions de sécurité lors de leurs entretiens avec le président cette semaine.
Avec chinaglobalsouth.com