Résurgence du M23 : nouvelles tensions diplomatiques entre Kinshasa et Kigali

La situation sécuritaire est toujours aussi préoccupante en RDC. La réactivation du M23 (Mouvement du 23 mars) dans le territoire de Rutshuru, au Nord-Kivu, suscite l’inquiétude. La Monusco a relevé un regain d’activité du mouvement dans une zone frontalière du Rwanda. Paul Kagame, le président rwandais, et son homologue congolais, Félix Tshisekedi, ont évoqué cette question jeudi 24 mars en Jordanie.

La reprise d’activité du M23 n’est pas passée inaperçue en République Démocratique du Congo, note RFI. Des attaques attribuées aux combattants de cette ancienne rébellion, défaite en 2013, ont été signalées dans une zone frontalière du Rwanda et dans le Parc national des Virunga.

La Monusco, la mission de l’ONU, a mentionné des actions du M23 contre les Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC), compliquant davantage la situation dans cette région.

L’un des plus graves incidents a été enregistré en novembre 2021. Des attaques attribuées par les FARDC aux combattants M23 s’étaient déroulées notamment à Runyoni et à Chanzu. Des hommes armés avaient ciblé plusieurs positions militaires.

Selon l’armée congolaise, les auteurs de ces attaques auraient été repoussés jusqu’au Rwanda d’où, toujours selon les FARDC, ils seraient venus. D’autres attaques ont été enregistrées à cette même période en plein Parc national des Virunga. L’Institut congolais pour la conservation de la nature (ICCN) a évoqué les ex-combattants M23 et parlé d’une centaine d’individus fortement armés regroupés aux confins des frontières rwandaise et ougandaise qui cherchent, selon lui, à établir des bases sur le territoire du parc.

Plusieurs autres accrochages ont été signalés, soit avec les écogardes, soit avec les FARDC. Dans un communiqué publié samedi 26 mars, le M23 a rejeté la responsabilité de ces tensions aux autorités congolaises et accusé l’armée de lui imposer cette guerre. Il dénonce « le choix définitif du gouvernement d’en découdre avec le M23 en lieu et place d’accepter la reddition sans condition de ses combattants ».

À Kinshasa, les dirigeants réitèrent leur volonté de rétablir l’autorité de l’État dans cette partie du pays et attendent de Kigali une position claire sur la gestion de cette question.

Vive tension sur le terrain

En tout cas, cette semaine, de violents affrontements ont opposé les Forces armées de la RDC et le M23. Officiellement, cette rébellion avait été défaite militairement en 2013.

Comment expliquer la réapparition soudaine de ce mouvement ces derniers mois ? Pierre Boisselet, coordonnateur des recherches sur la violence d’« Ebuteli », partenaire de recherche du Groupe d’étude sur le Congo (GEC) de l’Université de New-York, a tenté de pénetrer ce mystère.

Repris par le site d’infos en ligne 7sur7.cd, il note que « le M23 avait été battu militairement en 2013. La victoire pouvait alors laisser espérer la fin d’un cycle de rébellions soutenues par les pays voisins. Mais à partir de 2017, certains de ses anciens membres dont son chef, Sultani Makenga, ont repris position dans la zone des Virunga ». Et de préciser : « Leur présence est d’abord restée discrète. Mais tout a changé le 7 novembre dernier. Ce jour-là, le M23 a attaqué trois positions des FARDC. Depuis, neuf autres affrontements impliquant ce groupe ont été recensés par le Baromètre sécuritaire du Kivu, faisant plusieurs dizaines de morts chez les FARDC et le M23 et de nombreux déplacés ».

Alors, pourquoi assiste-t-on à cette résurgence ? Pierre Boisselet répond : « Il y a d’abord la situation des combattants du M23 eux-mêmes. Après leur défaite de 2013, ils se sont réfugiés plusieurs années au Rwanda et en Ouganda. Mais une grande partie d’entre eux n’a pas pu rentrer en RDC dans des conditions négociées, comme cela leur avait été promis, notamment en 2013 et en 2019. Il est possible qu’ils aient repris les affrontements pour faire pression afin de l’obtenir. Mais le contexte régional semble avoir aussi contribué à envenimer la situation. La RDC est au centre d’une guerre d’influence que se livrent le Rwanda et l’Ouganda depuis des années. Après avoir fait une série de gestes de bonne volonté envers le Rwanda, en début de mandat, le président congolais Félix Tshisekedi s’est sensiblement rapproché de l’Ouganda en 2021 ».

Selon lui, il n’exclut pas la main rwandaise derrière la résurgence des rebelles du M23. «C’est possible, dit-il, même si cela n’est pas attesté par des preuves à ce jour ». Et de souligner : « Que cette accusation s’avère fondée ou non, cette nouvelle crise a d’ores et déjà pris une dimension régionale. Le président Tshisekedi a d’ailleurs demandé et obtenu que le contingent kényan de la Brigade d’intervention de la Monusco soit affecté à la lutte contre le M23. Selon nos informations, ces troupes se préparent actuellement à intervenir ».

Econews