Vital Kamerhe dans la stratégie de Tshisekedi pour 2023

Vital Kamerhe a obtenu un second procès en appel après sa condamnation à 13 ans de prison pour avoir détourné plus de 50 millions de dollars américains. Une décision qui pourrait remettre en selle le patron de l’UNC, dont le Président Félix Tshisekedi aurait besoin pour mener campagne en 2023.

Après plus de trois mois passés en France pour des raisons médicales, mais toujours sous le coup d’une condamnation, Vital Kamerhe est de retour à Kinshasa depuis ce lundi. Un retour qui est loin d’être le fruit du hasard. Le 11 avril dernier, la Cour de cassation a en effet annulé l’arrêt de la cour d’appel condamnant l’ancien directeur de cabinet du président de la République à 13 ans de prison pour détournement de fonds publics. Une décision qui donne une chance au président de l’UNC d’être jugé une seconde fois devant une cour d’appel « autrement composée»… avec de nouveaux juges. Le procès du programme présidentiel des 100 jours est de retour devant la justice congolaise.

Une justice instrumentalisée?

Vital Kamerhe était accusé d’avoir détourné un peu plus de 50 millions de dollars américains destinés à la construction de maisons préfabriqués pour militaires. Condamné à 20 ans de prison, la peine maximale, l’ancien allié de Félix Tshisekedi avait vu sa peine réduite à 13 ans en appel. De nombreux observateurs avaient dénoncé une justice instrumentalisée par le camp présidentiel pour éliminer un concurrent gênant pour les élections de 2023. Il faut dire que si le procès avait été mal ficelé, les dizaines d’heures d’audience avaient pourtant révélée la manière bien peu orthodoxe dont étaient gérés les comptes publics au Congo, de la présidence, en passant par les ministères et la banque centrale. A ce jour, on ne sait toujours pas où sont passés les 57 millions de dollars américains détournés.

2023 en ligne de mire

Dans le microcosme politique congolais, l’arrêt de la Cour de cassation sonne comme une très probable réhabilitation de Vital Kamerhe. Renvoyé en appel, l’ex-directeur de cabinet se retrouve de nouveau condamné à la peine initiale… soit 20 ans de prison ! Mais de nombreux observateurs parient pour un possible acquittement, la décision de juger de nouveau Kamerhe ayant des objectifs bien plus politiques, avec en ligne de mire la présidentielle de 2023. «Tshisekedi n’a aucun intérêt à garder Kamerhe en prison, nous confie un membre de la majorité présidentielle. Le chef de l’Etat a désormais besoin de lui pour mobiliser dans l’Est du pays, où Kamerhe a encore un certain poids politique, notamment au Sud-Kivu».

Un futur partenaire docile

Un député national nous explique que la condamnation à 20 ans de prison constitue «un avertissement, une épée de Damoclès au-dessus de la tête de Kamerhe ». Le patron de l’UNC n’aurait donc pas d’autres choix que de faire campagne pour la réélection de Félix Tshisekedi, selon cet élu. Et de ranger ainsi au placard ses ambitions de devenir candidat, comme le prévoyait l’accord de Nairobi signé en 2018 entre les deux alliés de l’époque. Un probable acquittement, ferait de Vital Kamerhe un partenaire bien docile du président Tshisekedi pendant la campagne… Mais aussi au sein de l’Union sacrée de la Nation, cette plateforme pro-Tshisekedi censée accompagner le président dans ses actions et le porter à la tête du pays pour un second mandat.

Exit les gêneurs

Un peu plus de deux ans avant les (hypothétiques) élections de 2023, le chef de l’Etat continue de faire le ménage autour de lui pour préparer au mieux sa réélection. Et la carte Kamerhe semble s’inscrire dans son plan. Félix Tshisekedi se cherche de nouveaux soutiens et en profite pour écarter les gêneurs. Son ancien conseiller en charge de la sécurité, François Beya, est en prison depuis trois mois. Le tonitruant ex-patron de l’UDPS, Jean-Marc Kabund, a été poussé en dehors de son fauteuil de Premier vice-président de l’Assemblée nationale. Le ministre de l’Economie, Jean-Marie Kalumba, a été destitué par les députés. Et une motion de défiance est en cours contre le propre président de la chambre haute, Christophe Mboso, l’un des artisans de la reprise en main de l’Assemblée par Félix Tshisekedi et de la constitution de l’Union sacrée.

Tous sur un siège éjectable

La stratégie de Félix Tshisekedi pour 2023 est donc de se créer de nouveaux affidés et de bien faire comprendre aux membres de la majorité présidentielle, qu’ils sont tous sur un siège éjectable. Certains l’ont bien compris, en annonçant clairement la couleur et en soutenant déjà la candidature de Tshisekedi en 2023, comme le ministre des Affaires étrangères, Christophe Lutundula, pourtant venu de la galaxie Katumbi, qui pourrait être candidat face à Tshisekedi. Dans ce vaste jeu de poker menteur, Vital Kamerhe pourrait rapidement trouver sa place dans le dispositif présidentiel. Il faudra convaincre une partie du cabinet présidentiel, mais le patron de l’UNC pourrait se voir confier un poste au sein de l’exécutif, alors qu’un remaniement pourrait intervenir prochainement et que le chef de l’Etat ne semble pas satisfait de son très transparent Premier ministre, Jean-Michel Sama Lukonde. Seul bémol… de taille.

Un retour aux affaires de Vital Kamerhe serait un très mauvais signal envoyé pour la lutte contre la corruption, le programme phare du président congolais.

Christophe Rigaud (Afrikarabia)