Projet de répartition des sièges : Kinshasa et Nord-Kivu reculent, le Grand Kasaï rebondit

Le fichier électoral ayant été assaini, le président de la CENI (Commission électorale nationale indépendante), Denis Kadima, est passé à la vitesse supérieure en transmettant au Gouvernement via le vice-Premier ministre en charge de l’Intérieur le projet de répartition des sièges aux prochaines législatives. Si l’Opposition a exigé un temps d’arrêt, craignant un processus corrompu, la Centrale électorale a d’ores et déjà mis le cap sur les scrutins du 20 décembre 2023. Que retenir donc du format définitif de la CENI ? Deux provinces perdent leur poids électoral : Kinshasa et Nord-Kivu. Alors que le Grand Kasaï s’en sort avec un résultat réconfortant qui le met dans la position de ces «swing provinces», c’est-à-dire ces provinces, à l’instar de la présidentielle américaine, qui auront un mot à dire dans le choix du prochain Président de la République Démocratique du Congo.
A sept mois de l’organisation supposée des élections législatives et de la présidentielle à un tour, le 20 décembre 2023, la Commission électorale indépendante (CENI) est passée à la vitesse supérieure. Passant outre les appels – du reste assourdis – d’une Opposition qui exigeait un audit indépendant du fichier électoral, la recomposition du bureau de la centrale électorale et un consensus autour de la loi électorale, Denis Kadima, président de la CENI, a décidé de mettre le turbo. A l’OIF (Organisation internationale de la Francophonie) qui a décliné l’audit pour cause d’un délai jugé irréaliste (5 jours), Denis Kadima a répondu par le recrutement d’une équipe minimale composée d’un Sud-Africain, d’une Malawite et… trois Congolais. Le fichier est à peine déclaré «fiable» qu’il dépose aussitôt l’avant-projet de loi portant répartition des sièges au ministère de l’Intérieur. Un projet de loi qui ne manquera pas de prêter à caution, tant il présente une multitude d’aspects pour le moins politiquement orientés.
«Nous connaissons maintenant le nombre d’électeurs inscrits. Dès que la loi sera promulguée, nous allons convoquer l’électorat pour la députation nationale et plus tard pour les provinciales et les élections locales. Le 1er septembre interviendra celui du président de la République. Nous sommes vraiment dans la ligne droite vers les élections. Il n’ya plus rien qui puisse nous arrêter »se félicitait le lundi 22 mai le président de la CENI Denis Kadima à sa sortie de l’audience au cours de laquelle il venait de déposer au ministère de l’Intérieur l’avant-projet de la loi sur la répartition des sièges à la députation nationale.
Il ressort de l’audit effectué par les «experts» recrutés par la CENI et le toilettage du fichier initial dont l’extirpation de plus de 3 millions de doublons et de mineurs, que le nombre définitif d’électeurs est de 43.955.181 électeurs validés, contre 40.371.439 en 2018 et 32.024.640 en 2011. Sous réserve de développements ultérieurs, le bilan tel que présenté par la CENI pourrait présenter des indices quoique discutables de crédibilité, malgré des incidents à répétition qui ont émaillé le processus d’enrôlement des électeurs.
En effet, plus d’une fois, il est apparu que du matériel électoral était détenu par des particuliers. Tels ces kits et cartes d’électeurs vierges découverts lors d’un accident de circulation sur la route de Tshikapa (Kasaï), ou ce lot de cartes d’électeurs vierges saisi dans les mêmes circonstances sur la route de Kasumbalesa (Haut-Katanga). Interpellée à l’époque, les explications de la CENI n’ont jamais convaincu, entretenant un doute persistant quant à la volonté cachée de gonfler artificiellement l’électorat dans certaines circonscriptions préalablement ciblées.

LE GRAND KASAÏ CARACOLE, LE NORD-KIVU RECULE
La ventilation du corps électoral par province ou par espace géographique laisse ressortir la suprématie du Grand Kivu qui totalise 91 sièges de députés (Loin devant Kinshasa qui, avec ses 5.062.991 enrôlés décroche 58 sièges soit 3 de plus que lors des scrutins de 2018). Ceci en dépit de l’absence d’enregistrement des électeurs dans les territoires de Masisi et de Rutshuru voire celui de Nyiragongo, zones alors occupées par le M23. Il est talonné par le Grand Kasaï (82) et le Grand-Katanga (74).
La province du Mai-Ndombe, dont une partie est en proie aux affrontements intercommunautaires Téké-Yaka depuis plus d’une année n’a pas non plus été entièrement couverte par les opérations d’enregistrement des électeurs. Pourtant, elle aligne, avec ses 983.920 enrôlés, elle peut se contenter de …11 sièges, un de moins que lors des scrutins de 2018.
Par rapport aux élections de 2018, Kinshasa se voit aussi amputer d’un nombre important de députés nationaux. Selon les projections de la CENI, la capitale passe de 58 élus nationaux en 2018 à 55 pour 2023.
Avec ses 62 sièges, la Grande Orientale (Tshopo, Ituri, Haut et Bas-Uélé) garde aussi sa réputation d’arbitre, privilège dont tout aussi bien se prévaloir le Grand Equateur (Equateur, Tshuapa, Mongala, Nord et Sud-Ubangui) qui aligne 58 sièges.
A l’analyse, il ressort clairement des résultats des opérations d’enrôlement une préférence marquée de la centrale électorale en faveur de certaines provinces (ou espaces géographiques) données à tort ou à raison pour celles acquises sans équivoque à l’Union sacrée de la Nation. Hors le Grand Kasaï qui abrite traditionnellement un important électorat UDPS, il apparaît de nouvelles entités portées par des « leaders » proches du chef de l’Etat pour lequel ils battent campagne dès les premières heures de la mandature de Félix Tshisekedi.
«Le décor est planté de longue date. Prenez le Kasaï Central, la plus petite province de ce pays, dont la population est du reste saignée par un important exode vers le Katanga et Kinshasa. Elle aligne 14 députés. Ou le Nord-Kivu, en partie occupé mais qui fait « un score» étonnant. Ce n’est pas un hasard… », estime un correspondant occasionnel d’Econews.

M.M.F.

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