La République Démocratique du Congo a rejoint la Communauté des Etats d’Afrique de l’Est (EAC) en tant que septième membre, élargissant ainsi le territoire de ce bloc commercial, lui donnant accès à l’Océan Atlantique et augmentant considérablement le nombre de Francophones dans ce qui était au départ un club d’anciennes colonies britanniques.
La République démocratique du Congo (RDC) a officiellement intégré mardi la Communauté des Etats d’Afrique de l’Est (EAC), a annoncé cette organisation régionale dotée d’un marché unique permettant la libre circulation des biens et des personnes.
Les chefs d’État de la Communauté d’Afrique de l’Est ont approuvé l’admission de la RD du Congo au sein du bloc lors d’une réunion au sommet mardi, mais bien que le pays soit officiellement devenu membre, peu de choses peuvent changer immédiatement.
Après avoir annulé son déplacement du Maroc où il devait se rendre, comme promis, pour soutenir l’équipe nationale de football, les Léopards, qui jouait contre l’équipe correspondate du Maroc pour un match de qualification à la Coupe du monde, Qatar 2022, le Président de la République, Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo, a participé, mardi 29 mars, par visioconférence, au 19ème sommet extraordinaire des Chefs d’État et de gouvernement de l’EAC.
Dans son discours d’acceptation de la République Démocratique du Congo comme nouveau membre de l’EAC, le Président Félix Tshisekedi a proposé la création d’une nouvelle institution au sein de l’organisation qui sera chargée de l’environnement, de ressources naturelles et des mines.
Avec cette adhésion de la RDC, le seul pays francophone de l’EAC, le français devient ainsi une troisième langue de travail de cette organisation sous-régionale, après l’anglais et le swahili.
Depuis ses bureaux de la cité de l’Union africaine, le Chef de l’Etat s’est fait accompagner du vice-Premier ministre, ministre des Affaires étrangères, Christophe Lutundula Apala, et son mandataire spécial, Serge Tshibangu.
Réagissant à l’adhésion de la RDC, le président Uhuru Kenyatta du Kenya a fait remarquer que « l’entrée de la RDC marque un moment capital dans l’histoire de l’intégration de la région ».
« L’EAC s’étend désormais de l’Océan indien à l’Océan atlantique, ce qui rend la région compétitive et facilite son accès à la plus grande Zone de libre-échange continentale» (ZLEC, qui regroupe plusieurs sous-régions du continent) », a souligné, pour sa part, son secrétaire général, Peter Mathuki.
Peter Mathuki est très enthousiaste à l’admission de la RDC dans l’EAC. « Nous sommes voisins de la RDC, mais nous ne commerçons pas beaucoup avec elle, tout simplement parce qu’il n’y a pas de cadre. La plupart des marchandises qui entrent en RDC proviennent de l’extérieur de l’Afrique de l’Est, comme la Zambie et l’Asie », a-t-il déclaré à la BBC. Et d’ajouter : « Par conséquent, nous sommes impatients de mettre en place un mécanisme qui permettra d’améliorer les échanges commerciaux entre nous et la RDC ».
L’EAC, dont le siège se trouve à Arusha, en Tanzanie, compte désormais sept membres : Burundi, Kenya, Rwanda, Tanzanie, Soudan du Sud, Ouganda et RDC.
Fondée en 2000, l’EAC a notamment pour but de faciliter le commerce transfrontalier en supprimant les droits de douane entre ses États membres. Elle a établi un marché commun en 2010.
Avec ses 90 millions d’habitants, la RDC porte le marché potentiel de l’EAC à près de 300 millions de personnes. Doté d’importantes ressources minérales, le pays partage des frontières avec tous les Etats membres de l’EAC, à l’exception du Kenya. Il est déjà membre de trois autres organisations commerciales régionales.
Le dernier pays à avoir été admis dans l’EAC était le Soudan du Sud en mars 2016.
Qu’est-ce qui change immédiatement ?
Certes les chefs d’État de l’EAC ont approuvé l’admission de la RDC au sein du bloc. Bien que ce pays soit officiellement devenu membre, peu de choses peuvent changer immédiatement. Les législateurs congolais doivent encore ratifier les lois et règlements de l’EAC avant qu’ils n’entrent en vigueur.
Les citoyens congolais qui souhaitent se rendre dans les autres pays membres – Burundi, Kenya, Rwanda, Soudan du Sud, Tanzanie et Ouganda – sans visa devront attendre, car l’intégration complète dans l’EAC peut prendre des mois, voire un an.
Par exemple, il a fallu quatre mois au Soudan du Sud pour adhérer au traité communautaire en avril 2016 et devenir membre à part entière de l’EAC en août de la même année.
Pourquoi la RD Congo a-t-elle décidé de rejoindre l’EAC ?
La RDC a demandé son adhésion dans l’EAC en 2019, dans l’espoir d’améliorer les liens commerciaux et politiques avec ses voisins d’Afrique de l’Est. Cette adhésion permettra aux citoyens congolais de voyager librement dans les autres pays membres et le commerce deviendra beaucoup plus rapide, plus simple et moins cher, ce qui devrait profiter aux entreprises et aux consommateurs de tous les pays.
En effet, la RDC partage ses frontières avec tous les membres de l’EAC, à l’exception du Kenya, et espère attirer davantage d’investisseurs de la région. L’adhésion au bloc de l’EAC lui donne un meilleur accès aux installations telles que les ports de l’océan Indien de Dar es -Salaam et de Mombasa.
Les taxes à l’importation pour les marchandises, reconnues comme étant fabriquées en RD Congo, seront supprimées ou fortement réduites à l’entrée dans les autres pays, tandis que le transport des marchandises deviendra beaucoup moins cher.
« Nous attendions cette annonce depuis longtemps. Nous sommes très heureux », a déclaré à la BBC Ley Molo Ley, un commerçant congolais installé près de la frontière ougandaise.
Il n’est actuellement pas simple pour les hommes d’affaires congolais de se rendre en Ouganda, a-t-il déclaré : «Pour qu’un Congolais obtienne des documents de voyage pour visiter l’Ouganda, il doit payer 45 USD du côté congolais de la frontière. A son arrivée du côté ougandais, il doit payer 50 dollars pour un visa. Ensuite, il y a des frais pour un test Covid-19. Au total, il paie environ 120 USD ».
Et pour les autres membres ?
Roman Waema, président du « Kenya Long Distance Truck Drivers and Allied Workers Union », attend avec impatience la fin de l’attente interminable qu’il doit actuellement subir pour entrer en RDC.
«Actuellement, nous sommes confrontés à de nombreux problèmes, notamment faire la queue pour obtenir un visa d’entrée en RDC, attendre plusieurs jours pour que nos marchandises soient dédouanées à la frontière. Ce qui entraîne des frais de stationnement et de stockage considérables, entre autres, avant d’arriver à destination», a-t-il déclare à BBC.
Le processus de transport des marchandises à travers les frontières devrait devenir beaucoup plus simple. Actuellement, les autorités aux points frontaliers utilisent toutes des systèmes différents.
«Le dédouanement des marchandises sera plus rapide. Une fois le poste frontalier unique ouvert, les douaniers de l’Ouganda et de la RDC vont occuper le même bâtiment pour dédouaner les marchandises », explique Guma Morris, qui supervise le bureau de l’autorité fiscale ougandaise à la frontière de Mpondwe.
L’inclusion du marché de consommation de la RDC, qui compte près de 90 millions de personnes, élargira le marché de l’EAC à près de 300 millions de personnes et ouvrira le bloc à l’économie congolaise, qui est riche en ressources naturelles de toutes sortes.
En théorie, les pays d’Afrique de l’Est pourraient accéder à l’Afrique de l’Ouest et à l’océan Atlantique par la RDC, mais les réseaux routiers et ferroviaires du pays devraient d’abord être modernisés. Le seul moyen de traverser ce vaste pays, dont la superficie équivaut aux deux tiers de celle de l’Europe occidentale, est actuellement de prendre l’avion.
Cette expansion potentielle des liens commerciaux entre l’Océan indien et l’Océan atlantique contribuerait à développer le potentiel économique de la région à un moment où le continent s’efforce de mettre en œuvre l’accord de libre-échange continental africain.
Quels sont les défis à relever ?
Il ne sera pas facile d’intégrer un pays aussi vaste et chaotique dans le reste de l’EAC. Les mauvaises infrastructures du pays et l’insécurité ont été un sujet de préoccupation pour les États partenaires de l’EAC.
«Si vous regardez les postes frontaliers qui entrent ou bordent la RDC, une fois que vous arrivez à ces frontières, l’infrastructure s’arrête littéralement », déclare Damali Ssali, un expert en commerce.
La RD Congo est confrontée à des décennies d’instabilité et a récemment été le théâtre d’une série de massacres
En décembre 2021, des troupes ougandaises sont entrées en RD Congo à l’invitation du gouvernement congolais pour aider à éliminer les Forces démocratiques alliées (ADF), l’un des nombreux groupes armés qui font des ravages dans l’Est du pays, riche en ressources.
«L’insécurité restreint le commerce – cependant, un commerce plus officiel entre la CAE et la RDC pourrait en fait réduire le conflit dans la partie orientale de la RDC, car il réduirait la contrebande grâce à une plus grande coopération dans divers domaines, notamment les douanes, le commerce et la sécurité », explique Penina Simba, consultante en commerce.
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