Chasse ouverte à 961 agents de l’Etat multipayés

Des dirigeants d’entreprises publiques mis bruyamment en cause dans des malversations unanimement dénoncées par une presse chauffée à blanc et la clameur publique; des proches collaborateurs du chef de l’Etat incarcérés pour des faits avérés d’indélicatesses tant politiques que financières autour de projets bidons; des membres du gouvernement dont on ne peut pas retracer l’héritage d’une fortune familiale qui se trouvent subitement à la tête de fortunes colossales; des gouverneurs des provinces imitant à la perfection le jeu de détournement de deniers publics dans lequel excellent les cercles au sommet du pouvoir. Dans ce jeu de mauvaise gouvernance ancrée dans les mentalités, l’Inspecteur général des Finances (IGF) aux pouvoirs renforcés tente de mettre de l’ordre. Pour Jules Alingete et ses équipes d’enquêteurs, la tâche n’est pas de tout repos.
Le scénario est le même : après quelques jours dans les geôles secrètes de l’ANR et une rapide présentation au juge, le concerné est mis sous mandat de dépôt et transféré sous forte escorte et sous l’œil des caméras à la célèbre prison centrale de Makala. Puis, à mesure que les jours passent, la passion retombe. Jusqu’au jour où le juge estime qu’il n’existe pas de preuves suffisantes. Le coupable d’hier est mis en liberté provisoire, s’il n’est pas purement et simplement acquitté. Peu après, il prend son avion « pour des soins appropriés» en Occident. Quant aux sommes présumées détournées (souvent des dizaines de millions de dollars américains) ne sont jamais recouvrées par le Trésor public.
Le cas le plus emblématique reste celui de Vital Kamerhe, premier directeur de cabinet du tout nouveau président de la République entré en fonction en janvier 2019. Il est accusé en juin 2020 du détournement de plus de 50 millions de dollars US destinés à la réalisation d’infrastructures dans le cadre du Programme dit de «100 Jours», un projet-phare d’ouverture du mandat de Félix Tshisekedi.
Il est condamné à 20 ans de travaux forcés, peine qui sera ramenée en appel à 13 ans. Avant d’être acquitté «faute de preuves suffisantes».
Peu avant, le président de la République, répondant à Goma aux questions de la presse, avait dit de lui que «Vital est un honnête homme, et le pays aura encore besoin de lui». Dès lors, l’opinion nationale était fondée à entretenir le doute quant à la volonté du successeur de Joseph Kabila d’instaurer un régime d’impunité par une lutte implacable contre la corruption. Et le 23 mars 2023, Kamerhe est appelé au gouvernement où il occupe le fauteuil de vice-premier ministre en charge de l’Economie.

L’IGF ET LE CONSEIL SUPÉRIEUR DE LA MAGISTRATURE DANS LA DANSE
Dans sa lutte contre la corruption et la fraude dont les enquêtes fortement documentées et étayées de preuves irréfutables, l’Inspection générale des finances (IGF) vient d’instaurer un nouveau mécanisme destiné à assurer une surveillance des magistrats dans l’instruction des dossiers de malversations financières. Dorénavant, copie des dossiers des chefs d’entreprises concernés déposés au juge instructeur seront transmis au Conseil supérieur de la magistrature (CSM).
Pour l’Inspecteur général des Finances, Jules Alingete, la démarche vise à exercer une pression sur les magistrats du Parquet et du siège à y regarder par deux fois avant de prononcer des acquittements scandaleux et des mises en liberté provisoire contre leur propre intime conviction, nourrissant par ces agissements le doute du justiciable ordinaire qui a perdu toute confiance dans la justice congolaise. Un corps judiciaire que le président de la République ne cesse de fustiger à chacun de ses discours sur l’état de la Nation.
961 AGENTS DE L’ÉTAT MULTIPAYÉS : UN NOUVEAU DÉFI
Poursuivant sur sa lancée, l’Inspection générale des Finances vient d’engager un combat autrement plus révélateur du degré de sophistication atteint par les réseaux qui opèrent des ponctions mensuelles indues à hauteur d’environ 65 millions de dollars US. En effet, les enquêteurs de l’IGF ont identifié pas moins de 961 agents des services publics de l’Etat payés sur des listes de plusieurs ministères autres que ceux qui les emploient.
Parties de la Direction de la paie du ministère du Budget, les ramifications des réseaux mafieux s’étendraient jusque dans les administrations provinciales. Des comptes ont préalablement été fermés auprès de quelques banques, avant l’engagement des poursuites judiciaires. Pour une fois, les inspecteurs des Finances comptent sur la collaboration active du CSM appelé à exercer des pressions significatives sur un système judiciaire lui-même gangrené par une corruption endémique.

Econews