Dans un entretien au magazine « Jeune Afrique », le chef de l’État a annoncé sa candidature à la présidentielle de 2024 dans ce pays de la région des Grands Lacs.
«Je suis heureux de la confiance que les Rwandais me témoignent. Je les servirai toujours, tant quand je le pourrai. Oui, je suis bel et bien candidat », a déclaré Paul Kagame, 65 ans, au magazine francophone Jeune Afrique, auquel il a accordé un long entretien publié ce mercredi 20 septembre. Plus tôt, en mars, le gouvernement rwandais a annoncé qu’il allait synchroniser les dates de l’élection présidentielle et des législatives, qui doivent avoir lieu en août 2024.
Interrogé en juillet 2022 sur sa candidature à un nouveau mandat, Paul Kagame avait répondu : «J’envisage de me présenter pour 20 ans de plus, je n’ai aucun problème avec ça». «Les élections sont l’occasion pour les gens de choisir», avait-il ajouté dans cette interview à France 24.
Kagame n’avait que 36 ans lorsque son parti, le Front patriotique rwandais, a chassé du pouvoir les extrémistes hutus, accusés d’être responsables du génocide qui a vu quelque 800 000 personnes, principalement des Tutsis mais aussi des Hutus modérés, assassinées entre avril et juillet 1994.
Quelques candidats sur la ligne de départ
Paul Kagame n’avait jusqu’à présent pas ouvertement exprimé ses intentions, mais il a procédé à des amendements constitutionnels controversés qui lui ont permis d’obtenir un troisième mandat et pourraient lui permettre de gouverner jusqu’en 2034. Ancien chef rebelle, Paul Kagame est le dirigeant de facto du pays depuis la fin du génocide de 1994. Il a été reconduit au pouvoir – avec plus de 90 % des voix – lors des élections de 2003, 2010 et 2017.
Jusqu’à présent, seul le chef du Parti vert de l’opposition, Frank Habineza, avait annoncé sa candidature pour 2024. L’annonce du président sortant de se représenter «n’est pas une surprise », a-t-il déclaré à l’AFP. «Nous n’avons pas peur de lui, nous améliorons notre organisation en tant que parti politique pour mener une meilleure campagne qu’en 2017. Nous sommes confiants », a-t-il ajouté. «La démocratie est un combat, c’est pourquoi nous continuerons à lutter démocratiquement pour l’espace politique et la démocratie, l’État de droit et les droits de l’homme au Rwanda ».
«Prisonniers dans leur propre pays»
Le Rwanda se présente comme l’un des pays les plus stables du continent africain, mais plusieurs groupes de défense des droits humains accusent Paul Kagame de gouverner dans un climat de peur, étouffant la dissidence et la liberté d’expression.
En 2021, Paul Rusesabagina, héros du film Hôtel Rwanda et critique virulent de Kagame, a été condamné à 25 ans de prison pour « terrorisme », après son arrestation l’année précédente dans des circonstances troubles. Rusesabagina, qui vivait depuis 1996 en exil aux États-Unis et en Belgique, avait été arrêté à Kigali, à la descente d’un avion qu’il pensait à destination du Burundi. Sa famille a qualifié cette opération d’enlèvement.
Le gouvernement rwandais avait affirmé que l’arrestation était «légale», admettant avoir «facilité» le transport de M. Rusesabagina en finançant cette opération. Libéré de prison en mars 2023 et envoyé aux États-Unis après une grâce présidentielle, Paul Rusesabagina a publié un message vidéo en juillet, affirmant que les Rwandais étaient «prisonniers dans leur propre pays».
L’annonce officielle dans la presse internationale de sa candidature intervient le même jour où l’Unesco a décidé d’inscrire, quatre mémoriaux commémorant le génocide des Tutsis au patrimoine mondial. « Nouvelle inscription sur la liste du patrimoine mondial de l’Unesco. Sites mémoriaux du génocide : Nyamata, Murambi, Gisozi et Bisesero », a indiqué l’Unesco sur X (ex-Twitter). Situé sur la colline de Gisozi à quelques kilomètres du centre de la capitale Kigali, le Mémorial du génocide, construit en 1999 et inauguré en 2004, est le principal des quelque 200 lieux de souvenir qui jalonnent « le pays aux mille collines ». Le site abrite notamment les restes de 250 000 personnes retrouvées dans les rues, maisons, fosses communes et rivières de Kigali et ses environs.
Avec AFP