Acccord RDC-Ventora : Elie Kadima crève l’abcès et dénonce une main noire derrière l’agitation de CNPAV

Elie Kadima, interviewé à Kinshasa par Faustin Kuediasala, DP d’Econews

Délégué de la Plateforme des organisations de la Société civile intervenant dans le secteur minier (POM) à la dernière table ronde de Pullman (Kinshasa), organisée les 13 et 14 avril 2022 par la Présidence de la République, Me Elie Kadima a accepté de répondre aux questions d’Econews, peu avant son retour à Lubumbashi. A cœur ouvert, Elie Kadima n’a esquivé aucune question. Derrière l’agitation de « Congo n’est pas à vendre (CNPAV) », partie prenante à la table ronde de Kinshasa qui tient à la publication de l’accord conclu entre la RDC et le groupe Ventora de l’homme d’affaires israélien Dan Gertler, Elie Kadima y voit une fuite en avant. Il dénonce une main noire derrière la campagne que mène CNPAV contre l’accord conclu, le 24 février 2022, entre l’Etat congolais et Dan Gertler. Une main noire qui mène curieusement vers la Monusco (Mission des Nations Unies pour la stabilisation de la RD Congo).

Vous venez de participer à la table ronde entre la Présidence de la République et certaines organisations de la Société civile, comment vous vous êtes retrouvé là-bas ?

Vous savez que quand l’information de l’accord signé avec Dan Gertler est sortie, il y a eu des contestations. C’est spécialement « Congo n’est pas à vendre » qui a dit que l’accord était déséquilibré. Ils ont avancé leurs chiffres et la Présidence de la République a voulu qu’elle se mette autour d’une table avec les acteurs de la Société civile pour essayer d’échanger autour de cette question pour voir qui a raison. C’est dans ce cadre-là qu’on nous a invité pour que nous puissions assister à une table ronde sur les chiffres qui avaient été données dans l’accord et sur l’accord lui-même. L’accord n’a pas bien sûr été publié, mais nous qui avions assisté à la table ronde, l’accord a été projeté à notre attention à l’aide du rétroprojecteur. On l’a lu du début à la fin.

Donc, vous confirmez à ceux qui vont nous lire que vous avez lu l’accord ?
Tout celui qui a participé à la table ronde a lu l’accord qui avait été projeté à l’aide d’un rétroprojecteur. La Présidence de la République ne voulait pas que comme il y a une clause de confidentialité que quelqu’un puisse le filmer à partir d’un téléphone parce qu’ils se sont entendus entre parties de le garder d’abord secret. Il y a encore des démarches au niveau du gouvernement américain pour arriver à lever les sanctions qui pèsent encore sur Dan Gertler. C’est après ça qu’on peut publier l’accord. La Présidence de la République n’a pas dit qu’elle ne publiera pas. Elle a dit qu’elle va le publier, mais d’après certaines étapes. C’est un préalable et après l’accord sera rendu public.

Revenons à la table ronde, quels en étaient exactement les termes de référence? Vous avez discuté de quoi ?
D’abord la première question, c’était sur le contenu même de cet accord. C’est ce qui nous a été présenté le premier jour. Quand on l’a projeté, nous avons lu et nous avons vu les différentes dispositions qu’il y avait. On a discuté sur les dispositions qui sont contenues dans l’accord. Le deuxième jour, on a parlé chiffres. Il y a des chiffres qui ont été avancés par «Congo n’est pas à vendre», d’après leurs études. Eux, « Congo n’est pas à vendre », ont parlé de 208.000 dollars américains que Dan Gertler va recevoir par jour en termes de royalties pendant 20 ans. Mais, la Présidence a estimé que c’était trop exagéré. Elle est venue maintenant qu’on puisse montrer comment ils ont fait des calculs et que si eux (Ndlr: CNPAV) ont aussi leur manière de faire de calcul qu’on puisse confronter et arriver à trouver un compromise.

Et le compromis a été trouvé ?
Ceux-là qui étaient de « Congo n’est pas à vendre » ont accepté les chiffres que la Présidence a présenté. Alors à partir de ce moment-là, nous nous sommes mis d’accord et qu’il n’y a plus de divergences. C’est ainsi que nous avons fait cette déclaration (Ndlr : du 15 avril 2022) pour essayer d’éclairer l’opinion parce que «le Congo n’est pas à vendre» avait fait une large diffusion disant que le contrat était déséquilibré et que Dan Gertler avait pris la partie la plus juteuse. Mais, après avoir pris connaissance de tous ces chiffres, on a compris que la RDC avait beaucoup à gagner dans cet accord par rapport à Dan Gertler.

Maintenant, après la table ronde qu’est-ce que vous dites à certains d’entre vous, vos amis de la Société civile, qui remettent en cause les conclusions de la table ronde et qui vont même plus loin en disant que vous avez été corrompus et qu’il y a eu compromission ?
Ça m’étonne vraiment. Je déplore la malhonnêteté de certaines personnes qui ont participé à la table ronde parce qu’autour de la table, elles n’ont pas contesté les chiffres que la Présidence a présentés. Elles ont tenté de faire leur démonstration, mais il s’est avéré qu’elles étaient à côté parce qu’elles pensaient que les royalties que devait prendre Dan Gertler étaient de 20 millions USD par mois. On leur a dit ce n’est pas par mois, c’est par trimestre. Alors voilà qu’eux parlaient de par mois. C’est la preuve que tous les calculs étaient faussés. Quand on a fait tous les calculs, on est arrivé à la fin et elles n’ont pas contesté. Mais, ce qui m’a étonné, c’est quand on a terminé la table ronde, elles sont sorties et elles ont dit que le débat était à sens unique et n’ont pas eu le temps de prendre la parole. Qu’on les a empêchés de prendre la parole. Ce qui n’est pas normal, ce qui n’est pas correct. C’est vraiment déplorable de telles attitudes parce que nous avons travaillé pendant deux jours, de 14h00 à 19h, et pendant tout ce temps-là, il y a eu des échanges. Il y a déjà beaucoup de personnes de «Congo n’est pas à vendre» qui ont posé des questions. Et vous allez comprendre qu’aujour-d’hui, même entre-eux, il y a eu une divergence. Il y a des gens qui ont compris et qui ont dit non, nous quittons. Il y a même des gens qui ont démissionné. On a compris qu’il y a quelqu’un qui est en train de leur mettre dans la bouche ce qu’ils doivent dire.

C’est justement la question que j’allais vous poser. Est-ce que vous soupçonnez une main noire derrière l’attitude de « Congo n’est pas à vendre »?
Justement, c’est ce que je soupçonne. Parce que c’est vraiment surprenant que quelqu’un assiste à une table ronde, il parle, on le convainc, il accepte tout ce qui est donné là-bas. Et quand il sort, il dit que je n’ai pas pris la parole. C’est quand même curieux.

Quand certains de vos amis, spécialement « Congo n’est pas à vendre », tiennent à la publication de cet accord et que vous, pendant la table ronde, vous l’avez vu et lu. Est-ce que vous estimez c’est un faux débat ?
C’est un faux débat, bien sûr. Mais, le problème est que pour des raisons de transparence, ce n’est pas mal qu’il soit publié. Mais, la Présidence a dit qu’ils ont convenu que cet accord soit d’abord frappé de la clause de confidentialité pour une période, avant qu’il mène des démarches pour la levée des sanctions de Dan Gertler. C’est-à-dire la République ira avec l’accord qu’ils ont signé pour montrer aux Américains : voilà, vous avez sanctionné Dan Gertler à cause de nous pour tout le mal qu’il a fait chez nous, mais voilà qu’aujourd’hui nous venons de nous entendre avec Dan Gertler, nous pensons que vous pouvez lever les sanctions.
Autrement dit, tôt ou tard, cet accord sera publié
Cet accord sera publié. La Présidence a dit que l’accord sera publié dès qu’elle termine les démarches auprès des Américains pour obtenir la levée des sanctions. La Société civile s’est toujours battue et a toujours demandé la publication des accords. C’était pareil avec Banro. Aujourd’hui, cet accord est déjà publié. C’est-à-dire, la Présidence n’a pas refusé, mais ils ont quand même convenu qu’on ne publie pas avant qu’on arrive à parler avec les Américains pour qu’il lève les sanctions.

Par rapport à l’accord entre la République et Ventora. On a l’impression que des divergences ont été aplanies, mais il y a certainement de nouvelles attentes de la Société civile.
La Société civile, du moins « Congo n’est pas à vendre », avait d’abord commencé la bataille sur les chiffres. Ils ont présenté 208.000 dollars américains par jour pendant 20 ans en faveur de Dan Gertler. Quand on est arrivé à la table ronde, ils n’ont pas su défendre ces chiffres-là. Ils ont accepté les chiffres que la Présidence a présentés. Et maintenant, je sens que leur bataille reste au niveau de la publication.
Quant à la publication, la Présidence a dit : nous vous avons appelés, vous avez vu. Les organisations qui vous ont mandatés, vous pouvez aller leur expliquer. Nous avons été là, nous avons vu.
Mais vous sentez qu’ils ont perdu la bataille des chiffres, ils s’accrochent maintenant à la publication immédiate. Selon moi, je n’approuve pas une démarche pareille parce que nous, quand nous sommes allés à la la table ronde, nous pensions qu’ils avaient des démonstrations à faire pour nous montrer dans quelle mesure Dan Gertler prenait la partie la plus juteuse. Mais, quand nous arrivons là-bas, nous avons trouvé que la RDC va bénéficier de plusieurs choses parce qu’elle récupère tous les blocs pétroliers et tous les gisements. Il y a des études qui ont été faites sur les blocs pétroliers. Dans l’accord, il est même dit que la RDC va remettre l’argent des études, pas avec l’argent du Trésor public, mais ce sera au moment où on va trouver un preneur de ces blocs. Et puis, la dette de la Gécamines envers Ventora est terminée et que dans les différents paiements qui vont intervenir entre les différentes parties, la Gécamines va bénéficier de 58 millions de dollars américains. Donc, la dette que la Gécamines avait envers Ventora est terminée. Donc, il y a vraiment plusieurs choses que la République gagne. On ne doit pas oublier qu’on est dans un arrangement à l’amiable. Dans un arrangement à l’amiable, il y a des choses qu’on perd, il y a d’autres qu’on gagne. La logique, c’est que, au lieu de tout perdre, on peut voir quand même ce qu’on peut gagner et avancer. On ne doit pas rester sur le même point en train de diaboliser Dan Gertler. Il y a des gens qui ont fait pire dans ce pays que Dan Gertler, mais qui n’ont jamais été poursuivis. Nous avons même recommandé, dans notre déclaration du 15 avril 2022, que le processus qui vient d’être fait avec Dan Gertler puisse continuer vers d’autres aussi.
Nous avons le rapport de panel des Nations Unies qui a déjà listé plus de de 50 personnes. Il y a le rapport Lutundula. Il y a plusieurs rapports qui ont montré noir sur blanc les entreprises ou les gens ont bradé les mines au Congo. Mais, on ne les a jamais poursuivis. On a arrangé avec Dan Gertler aujourd’hui. Il faut le faire aussi avec les autres.

On a appris, par rapport à votre participation à la table ronde, que vous auriez subi de pression ça et là. Est-ce que vous pouvez nous éclairer sur cette question ?
Il y a des gens qui ont appelé le PCA (Président du Conseil d’administration) du POM lui demandant s’il peut accepter qu’on lui paie un billet, qu’il vienne à Kinshasa pour faire une déclaration montrant qu’il n’est pas d’accord avec la signature que j’ai apposée sur le document (Ndlr : Déclaration du 15 avril 2022). Il m’a appelé, il m’a dit ça : voilà, j’ai reçu des gens qui m’ont appelé. Ça nous a surpris et la personne-là, c’est quelqu’un de la Monusco (Mission des Nations Unies pour la stabilisation en RD Congo) qui a appelé. Nous ne voyons pas quel est le lien qu’il y a encore avec Monusco. Est-ce une personne de la Monusco qui travaille dans les organisations de la Société civile ou je ne sais quoi ? Ce qui est sûr est qu’ils ont quand même tenté d’appeler le PCA pour qu’il vienne renier la signature que j’ai apposée dans la déclaration du 15 avril. Il leur a dit non, confirmant qu’Elie Kadima a été mandaté par le Conseil d’administration et la signature qu’il a apposée a été approuvée par le Conseil d’administration.
Une fois de plus, il se confirme qu’il y a une main noire ?
Exactement, on comprend qu’il y a anguille sous roche.
Propos recueillis par Faustin K.