Accueil de migrants gazaouis en RDC : une idée dont se sert Israël pour faire diversion 

Selon plusieurs sources relayées, mardi 2 janvier 2024, par le média Zman Yisrael, « Israël négocierait avec le Congo entendu la République Démocratique du Congo’ pour accueillir des Palestiniens de la bande de Gaza ». Des propos tenus par deux ministres d’extrême droite qui ont prôné une réinstallation des réfugiés Palestiniens hors de Gaza. Il s’agit du ministre des Finances, Bezalel Smotrich, et celui de la Sécurité nationale, Itamar Ben-Gvir. L’information a fait un tollé dans la sphère internationale. À l’analyse de l’actualité politique et sociétale au Proche et Moyen-Orient, cette information ne serait-elle pas un ballon d’essai, une diversion ? C’est la question qui taraude les esprits, car la question de l’avenir de la population palestinienne, après le conflit, est un sujet brûlant entre Israël et ses alliés. 

Des responsables israéliens affirment avoir eu des pourparlers secrets avec la RDC et plusieurs autres pays pour, éventuellement, accueillir des Palestiniens de Gaza, indique le média en hébreu, Zman Yisrael.

«Le Congo sera disposé à accueillir des migrants et nous sommes en pourparlers avec d’autres », a déclaré une source bien informée au sein du cabinet de sécurité d’Israël, des propos recueillis par le média israélien partenaire du quotidien en ligne Times of Israel, et relayés par la Chaine info (LCI), une chaîne de télévision française d’information en continu du groupe TF1.

Washington a condamné, à la même date, les propos de ces deux ministres israéliens d’extrême droite : «Cette rhétorique est incendiaire et irresponsable », a déclaré le  porte-parole du département d’État, Matthew Miller, qui a rappelé la position américaine «claire, cohérente et sans équivoque », selon laquelle « Gaza est une terre palestinienne et restera une terre palestinienne, sous le contrôle du Hamas et sans terrorisme ».

LE LIKOUD EMBOÎTE LE PAS À l’EXTRÊME DROITE

Deux ministres, membres du Likoud, le principal parti de la droite israélienne de Benjamin Netanyahou, ont repris à leur compte cette idée : la ministre des Renseignements, Gila Gamliel, et la ministre des Transports et de la Sécurité routière, Miri Regev. Leurs déclarations à ce sujet sont explicites.

Pour Gila Gamliel, «la migration volontaire des palestiniens de Gaza est le meilleur programme et le plus réaliste pour l’après-guerre. »

Sur LCI, une chaine française, Miri Regev affirme de son côté : «La bande de Gaza fait partie de la terre d’Israël sur laquelle nous avons des droits, y compris celui de nous y installer. »

Déjà fin novembre, la ministre des Renseignements avait affirmé que l’idée d’une «émigration humanitaire » de la population de Gaza était une «option ». «Au lieu de consacrer de l’argent à la reconstruction de Gaza ou à l’UNRWA, ‘Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient’, en faillite, la communauté internationale peut contribuer aux coûts de réinstallation, aidant ainsi la population de Gaza à construire une nouvelle vie dans son nouveau pays d’accueil », avait déclaré Gila Gamliel, au Jerusalem Post.

Le Premier ministre, Benyamin Netanyahou, apparaît, lui-même, favorable à cette idée, selon des propos rapportés par les députés du Likoud. Il aurait même évoqué un processus déjà en cours : «Notre problème, c’est de trouver des pays pour accueillir les Palestiniens, et nous y travaillons », aurait-il déclaré récemment, selon LCI. Et d’après la même source, les discussions sont entamées avec la RDC. Voire, depuis plusieurs mois, les relations diplomatiques entre Israël et la RDC se sont intensifiées. Le président congolais, Félix Tshisekedi, aurait même, symboliquement, déplacé l’Ambassade du pays en Israël, c’est-à-dire de Tel-Aviv à Jérusalem, comme l’avait fait avant lui l’ancien président américain, Donald Trump.

De son côté, le Gouvernement de la RDC a démenti, jeudi 4 janvier, toute négociation en cours avec Israël concernant l’accueil sur son territoire de migrants palestiniens issus de la bande de Gaza.

«Contrairement à ce qui est rapporté dans certains médias, il n’y a jamais eu une quelconque forme de négociation, de discussion ou d’initiative entre notre Gouvernement de la RDC et le Gouvernement israélien sur le prétendu accueil des migrants palestiniens sur le sol congolais », a affirmé sur son compte X (ex-twitter), le ministre de la Communication et Médias, porte-parole du gouvernement, Patrick Muyaya.

PROBABLE HYPOTHÈSE D’UNE DIVERSION 

On est en droit de se poser également cette question : est-ce l’information qui a fuité dans les milieux diplomatiques et sécuritaires israéliens ne serait-elle pas une idée dont se sert Israël pour faire diversion ?  Car, on n’est pas sans savoir que l’État juif  a récemment essuyé un refus des États Arabes, en l’occurrence le Qatar, la Jordanie, l’Égypte… d’accueillir les populations de la bande de Gaza. La sonde serait aussi destinée aux pays occidentaux considérés comme « complaisants » à l’égard de la Palestine en général et du Hamas en particulier. Le mouvement islamiste, créé en 1987, et soutenu en sous-main par des réseaux d’influence israéliens et arabes, pour contrer l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) et le Fatah de Yasser Arafat, semble s’être largement affranchi de ses géniteurs au profit de ses bailleurs du Qatar et de l’Iran.

Tel-Aviv demanderait à ces généreux bailleurs d’accueillir les éventuels réfugiés dans une vision ultra-sécuritaire préconisant de transformer une bonne partie des terres agricoles de la bande de Gaza en zone tampon. La demande aurait été adressée au Qatar, à l’Iran mais aussi à l’Allemagne, à la France et à la Belgique. Tous ces pays ont opposé une fin de non-recevoir indiquant que les Palestiniens ne doivent pas quitter leurs terres. En Israël, la déception est immense. Mais il semble que l’idée qui prospère au sein du cabinet Netanyahou est loin d’être abandonnée.

Face au refus des pays cités, Tel-Aviv s’est tournée vers des pays africains, le média Zman Yisrael citant le Congo (RDC). Y’a-t-il eu de contacts à ce propos ? Rien n’est moins sûr. Ne s’agit-il donc pas d’une diversion faite exprès pour ramener les pays impliqués dans la résolution de la crise à explorer les moyens de résoudre la crise humanitaire touchant les populations de Gaza considérées comme «des complices du Hamas » par l’aile dure du gouvernement Netanyahou ? Cette hypothèse est probable.

La question cruciale que se posent les Congolais est la suivante : comment la RDC qui compte la plus grande population de déplacés internes (7 millions, selon l’ONU) et héberge également un demi-million de réfugiés, principalement des Centrafricains et des Rwandais, peut-elle s’engager dans une telle démarche ? Cette idée laisse pantois.  Au gouvernement congolais d’éclairer au mieux et plus vite la population sur cette affaire dont les médias se font largement l’écho. Les analyses se succèdent et les commentaires vont bon train.

Tout compte fait, une chose est certaine : la solution de la déportation des Palestiniens de Gaza mijotée dans les cercles de décision israéliens aurait du mal à être admise par l’ONU, Washington et Paris, car elle est contraire au droit international.

Dans un communiqué de presse publié par le ministère des Affaires étrangères, la France a rappelé «que la pratique des transferts forcés de population constitue une violation grave du droit international au regard des Conventions de Genève et du Statut de Rome ».

Au final, il faut se convaincre que cette idée est une pilule que même les États-Unis, principal allié d’Israël, ne pourront avaler tant elle est amère. Pour sûr, une hypothétique destination des Gazaouis n’a pas pour nom la RDC, encore moins un autre pays africain.

Robert Kongo (CP)