Avec une option militaire sur la table, la SADC s’impose une mission : rapprocher Kinshasa et Kigali

Les conclusions du sommet extraordinaire des chefs d’Etat et de gouvernements de la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC) tenu à Luanda le 4 novembre dernier n’a certainement pas pleinement répondu aux attentes de Kinshasa concernant la situation sécuritaire dans la partie orientale du pays. Ou plutôt, au-delà du langage diplomatique, le communiqué final, tout en exprimant l’inquiétude des chefs d’Etat de la sous-région face à la recrudescence des violences du fait du M23 et la crise humanitaire qui s’ensuit, n’a ni condamné le Rwanda, et encore moins invité Kigali à rappeler ses troupes présentes en territoire congolais. Tout apparaît comme si les dirigeants des pays membres de la SADC ont cherché à arrondir les angles en prévision des efforts diplomatiques que devrait déployer le président angolais, et tendant à rapprocher les gouvernements congolais et rwandais.
Le dernier Sommet de la SADC n’aura satisfait que partiellement aux attentes de Kinshasa. D’abord, les six chefs d’Etat et les représentants des États membres n’ont pas explicitement condamné le soutien du Rwanda à la rébellion du M23. Ensuite, aucune date n’a été retenue pour le déploiement effectif de la force de la SADC sous commandement angolais même si le Sommet a exprimé sa préoccupation face à la détérioration de la situation sécuritaire et humanitaire dans l’Est de la RDC et à la reprise signalée des attaques et de l’occupation du territoire par le M23, en violation du cessez-le-feu.

João Lourenço défend la contribution de la SADC à la paix en RDC
Le Président de la République d’Angola, João Lourenço, a appelé samedi les États membres de la SADC à contribuer à la fin de la crise sécuritaire en RDC.
Le chef de l’État angolais, qui intervenait à l’ouverture du Sommet extraordinaire de la SADC sur la situation politique et sécuritaire en RDC, a considéré le soutien de l’organisation régionale comme nécessaire dans la recherche de la paix, de la stabilité et de la sécurité pour la RDC, compte tenu de la réalisation, dans une atmosphère sereine, des élections prévues pour décembre de cette année, estimant que l’instauration de la paix et de la stabilité contribuerait au développement de l’économie de la RDC, qu’il considère comme un « géant » dans la région et sur le continent africain.
Lors du Sommet, les chefs d’État et de gouvernement de la SADC ont analysé la situation actuelle en RDC, qui connaît une crise sécuritaire depuis plusieurs années.
Dans son discours de clôture de ce 43ème Sommet de la SADC à Luanda, qui l’a élu président par intérim de l’organisation régionale, João Lourenço a dit avoir fait de la résolution de la crise sécuritaire en RDC comme l’un des défis de son mandat, malgré les différentes initiatives déjà menées dans le cadre de la Conférence Internationale sur la Région des Grands Lacs (CIRGL).
On rappelle que lorsqu’il a assumé la présidence de la CIRGL, en novembre 2020, João Lourenço avait déclaré que l’Angola était disposé à travailler, avec les autres États membres de l’organisation, pour respecter les accords de paix signés pour la fin du conflit en RDC.
Dans le cadre des efforts de l’Angola, le Parlement angolais avait approuvé, en mars de cette année, l’envoi d’un contingent militaire pour soutenir et maintenir la paix dans la région orientale de la RDC. Cette force, composée de 450 militaires des Forces armées angolaises (FAA), s’est donnée pour objectif de soutenir les opérations de maintien de la paix et de sécuriser les zones de cantonnement des éléments du M23 dans cette région.

Scepticisme à Kinshasa
Néanmoins, Kinshasa aurait été amplement satisfait d’une position ferme des membres de la Communauté face aux visées hégémoniques du Rwanda, du pillage systématique des ressources naturelles dans l’Est de la RDC sur fond de massacres des populations civiles.
Le second point d’achoppement est l’incertitude autour du déploiement de la Force régionale de la SADC dans l’Est de la RDC. Cette position ambigüe pourrait s’expliquer par la présence sur les lieux d’une autre force, celle de la Communauté de l’Afrique de l’Est (EAC). Il est en effet difficilement concevable que les deux contingents cohabitent sur un terrain aussi volatile que celui du Nord et du Sud-Kivu.
Dans ces conditions, il est amplement concevable que l’ajournement du déploiement de la force de la SADC soit conditionné par la fin de la Mission de l’EAC prévu en fin d’année, sans oublier que Kinshasa aurait voulu obtenir de la ferme assurance que la mission militaire de la SADC serait pourvue d’un mandat offensif et non se limiter dans la sécurisation des sites d’un éventuel cantonnement des «rebelles» qui auraient entre temps déposé les armes.
«Le Sommet a fourni des orientations stratégiques sur le déploiement de la Mission de la SADC en République 0émocratique du Congo dans le but de restaurer la paix et la sécurité dans le pays» est-il mentionné dans le communiqué final, tout en félicitant «les Etats membres ayant consenti des efforts supplémentaires en faveur du déploiement de la Mission SADC en RDC (SAMIRDC) ».
Le laconisme de la position de la SADC sur la crise sécuritaire dans l’Est congolais trouve son explication au point 13 du communiqué final. Celui-ci stipule en effet que « le sommet a chargé le Président de la SADC avec le concours de la Troïka de l’Organe, de redoubler d’efforts diplomatiques auprès de la RDC et de la République du Rwanda afin de parvenir à une paix durable en RDC ».
La lecture entre les lignes du communiqué de Luanda laisse entrevoir en outre le souci de trésorerie que semble éprouver la Communauté dans le financement de ses opérations. Une situation qui ne serait pas non plus étrangère à la mise en veilleuse du déploiement de sa Mission en RDC. C’est pourquoi « Le Sommet a rappelé qu’il était nécessaire que la SADC prenne le devant des efforts visant à mobiliser des ressources nécessaires à la promotion de la paix et de la sécurité dans la région de la SADC. Ces efforts incluent la relance des échanges en vue d’établir et de rendre opérationnel le Fonds pour la paix de la SADC ainsi que la concertation avec les partenaires internationaux de coopération».

Réconcilier les deux «frères» ennemis
En clair, le président en exercice de la SADC et chef de l’Etat angolais João Lourenço est chargé d’œuvrer en vue d’un rapprochement entre Kinshasa et Kigali. Une démarche diplomatique à laquelle le gouvernement de Kinshasa n’est pas foncièrement opposé, à la seule condition que le régime rwandais rapatrie ses troupes et cesse tout soutien au M23.
Une gageure quand on sait qu’en dépit des évidences et des multiples condamnations et sanctions internationales, Paul Kagamé a toujours nié son implication dans la crise sécuritaire dans l’Est congolais, préférant répéter que la guerre dans le Nord-Kivu est une «affaire congolo-congolaise».
Porté à la tête de la SADC, le président angolais s’est imposé une mission : amener Tshisekedi et Kagame à se parler. Dans quel cadre ? Sous quel format ? Luanda y travaille !

Econews

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