Dossier Matata : pasteur de son état, Dieudonné Kamuleta se voit interpeller par un croyant de son église

Ce n’est pas un avocat, encore moins un professeur de droit qui a pris le courage d’interpeller le président de la Cour constitutionnelle, Dieudonné Kamuleta, dans l’affaire Bukanga-Lonzo qui implique l’ancien Premier ministre, Matata Ponyo Mapon, devant la Cour de cassation. Mais, l’interpellation vient plutôt d’un croyant de l’église « La Cité missionnaire Hosana » où le président de la Cour constitutionnelle officie comme pasteur.

Dans l’affaire Matata que la Cour de cassation a finalement renvoyé à la Cour constitutionnelle pour interprétation en inconstitutionnelle, M. Kalambayi Kankolongo, qui se présente comme membre de l’église « La Cité missionnaire Hosana», appelle son pasteur, Dieudonné Kamuleta, à ne pas trahir sa foi chrétienne. Il lui rappelle, à cet effet, toutes les péripéties de cette affaire sur laquelle la Cour constitutionnelle s’était déclarée incompétente par un arrêt rendu, en novembre 2021, sous la présidence de l’ancien juge-président Dieudonné Kaluba.

« Oser rouvrir ce dossier à la Cour constitutionnelle, ce serait la honte des juges et de la justice congolaise tout entière. Et lorsque c’est un pasteur d’une église qui le fait comme vous, c’est plus grave», lance-t-il en direction de son pasteur. Cette lettre d’un membre de son église est un cas de conscience pour le Dieudonné Kamuleta. D’un côté, c’est sa foi chrétienne qui est à l’épreuve, et de l’autre, c’est sa crédibilité du président de la plus haute juridiction de la RDC qui est en jeu. Va-t-il trahir son serment de pasteur et de fervent défenseur de la loi. Son croyant le lui a rappelé : «Que Dieu vous protège, surtout de la tentation».

Voici la correspondance qu’il adresse au pasteur de son église.

A Monsieur Dieudonné Kamuleta Badibanga.

Pasteur à l’Église «La Cité missionnaire Hosana», à Kinshasa

Cher Pasteur,

Je suis membre de votre église. À cet effet, je m’adresse à vous en votre qualité de pasteur de notre église et non en tant que président de la Cour constitutionnelle. J’ai suivi avec beaucoup d’attention toutes vos interviews et prédications faites tout récemment aux Etats-Unis d’Amérique où vous étiez en mission.

J’ai beaucoup apprécié votre engagement à vouloir faire respecter le bon droit dans l’exercice de vos fonctions en tant que président de la Cour Constitutionnelle. Cela est conforme à la volonté de Dieu que vous servez depuis plusieurs années comme pasteur.

Mais, je suis resté inquiet quant à la réponse que vous avez donnée à une question vous posée par le journaliste de la Voix de l’Amérique concernant le dossier du Premier ministre honoraire, Matata Ponyo Augustin. Tout le monde sait que du point de vue du droit, le dossier a été définitivement clos par la Cour constitutionnelle.

Vous-même, vous étiez présent lorsque tous les juges ont voté à l’unanimité l’incompétence de la Cour constitutionnelle de pouvoir juger un ancien Premier ministre. Et la décision de la Cour constitutionnelle est irrévocable et immédiatement exécutoire, conformément à la Constitution.

Le procureur près la Cour de cassation, Victor Mumba, magistrat de carrière qui vient d’être retraité, l’avait, par ailleurs, confirmé dans une lettre qu’il a adressée à cet effet au Président de la République. Il a dit clairement que le dossier de Monsieur Matata doit être classé sans suite.

Tout le monde sait que le pouvoir politique veut à tout prix condamner le Premier ministre Matata Ponyo pour le disqualifier aux élections présidentielles de 2023. Même ma tante qui vend au marché me l’a dit. Tout le monde sait aussi qu’il n’a pas volé de l’argent de l’État. Dans tous les cas, le blanc sud-africain qui a géré les fonds de Bukanga-Lonzo l’a déclaré publiquement dans une chaîne de télévision congolaise : « Matata n’a pris aucun dollar ».

Je ne le défends pas, mais plusieurs juges de la Cour constitutionnelle et de la Cour de cassation le disent aussi sur la base des pièces du dossier d’accusation leur remis et qu’ils ont consultés sans rien trouver.

Je sais que vous subissez beaucoup de pression du Président de la République et de son entourage pour condamner l’ancien Premier ministre.

Je sais aussi que votre prédécesseur a été renvoyé de son poste pour n’avoir pas condamné Matata. Si j’ai un conseil à vous donner en tant que membre de votre église, c’est de ne pas tomber dans le piège de procureur général Jean-Paul Mukolo qui n’a fait que violer la Constitution sur ce dossier et tromper le Président de la République. Si vous pouvez classer ce dossier sans suite ou le retourner à la Cour de cassation pour éviter la honte à la Cour constitutionnelle, mais aussi pour ne pas tomber dans le piège du Président de la Cour de cassation Mukendi qui n’a pas de compétence de vous envoyer un dossier pour interprétation.

Oser rouvrir ce dossier à la Cour constitutionnelle, ce serait la honte des juges et de la justice congolaise tout entière. Et lorsque c’est un pasteur d’une église qui le fait comme vous, c’est plus grave. Notre église risque de perdre toute sa crédibilité et de disparaître. Car personne ne croira plus à vos prédications. À moins que nous puissions vous exclure de notre église.

Faites-nous honneur en déclarant irrecevable la requête reçue de la Cour de cassation.

Aussi, ayez le courage, cher pasteur, de dire au Président de la République, comme l’a fait votre prédécesseur, qu’il est impossible de lui donner la tête du candidat président Matata sur un plateau car la Constitution et les lois de la République ainsi que les exigences chrétiennes vous l’interdisent

Que Dieu vous protège, surtout de la tentation.

KALAMBAYI KANKOLONGO (CP)