Emmanuel Macron zappe l’Afrique et se met en porte-étendard d’une Europe « plus souveraine et plus puissante »

Sept ans après le discours de la Sorbonne, le Président de la République française, Emmanuel Macron, s’est exprimé à nouveau dans l’amphithéâtre de l’université, le jeudi 25 avril 2024, à l’occasion d’un discours sur l’Europe. Presque tous les sujets ont été abordés : « Europe mortelle », armement, économie… Un nouveau discours pour une Europe « plus souveraine et plus puissante ».  Un discours long, « trop long » de son propre aveu -1h45 minutes-  en pleine campagne des élections européennes. Pas un mot cependant sur l’Afrique. 

Même lieu, même format. Sept ans après la « Sorbonne 1 », le26 septembre 2017, Emmanuel Macron a de nouveau déroulé, jeudi dernier, à la Sorbonne, une série de mesures pour passer à « l’Europe puissance ».  

L’Élysée l’assure, il n’est pas question de faire la campagne de Valérie Hayer, la candidate Renaissance, mais d’« influer sur l’agenda » de la Commission européenne, dans un moment où « se conjuguent de crises ».

Devant les ambassadeurs des 26 autres États-membres de l’UE, la délégation de la Commission européenne en France, de nombreux ministres, mais aussi des chefs d’entreprise, des étudiants et des chercheurs, Emmanuel Macron a entamé son discours en se félicitant du « travail collectif » des dernières années. « L’Europe a été au rendez-vous des défis », a-t-il assuré.

Le point sur ce qu’il faut retenir du discours du chef de l’État, en pleine campagne des élections européennes.

DES AVANCÉES « LIMITÉES » ET DES RÉUSSITES

Le discours dans le bâtiment universitaire parisien était d’abord l’occasion de « renouer le fil de nos accomplissements » en dressant un bilan des avancées depuis la « Sorbonne 1 », en 2017. « Nous n’avons pas tout réussi », a-t-il entamé, jugeant que les avancées en termes de démocratie ont été « limitées ». Mais il a pointé des réussites sur « l’unité et la souveraineté ». Cette dernière s’étant « imposée » dans l’Union européenne, selon le chef de l’État.

Dans cette volonté de bilan, Emmanuel Macron s’est félicité de « l’unité financière » mise en place  pour sortir de la crise sanitaire du covid-19 à travers « l’endettement commun ». Un autre choix décisif, aux yeux du président français, ayant été « l’unité stratégique » sur plusieurs thèmes, dont la santé – encore dans le cadre de la pandémie – mais aussi l’énergie, en réaction à la guerre en Ukraine, et « la défense » après l’invasion russe en février 2022. Autre réussite, au cours des dernières années, la mise en place « d’une vraie stratégie d’autonomie » pour mettre « fin à nos dépendances dans des secteurs clés ».

DES DÉFIS À VENIR

« Les crises que nous avons vécues, nous y avons réagi vite », mais « la bataille n’est pas encore gagnée », a mis en garde Emmanuel Macron. « Notre Europe est mortelle, elle peut mourir et cela dépend de nos choix » qui sont « à faire maintenant », a-t-il poursuivi. Une référence à peine masquée aux élections européennes du mois de juin.

Un « moment de bascule » qu’Emmanuel Macron a illustré par un « changement de règles » mondial tant sur la sécurité que l’économie et la culture. Résultat, l’Europe est « dans une situation d’encerclement » alors qu’elle a un important retard du côté de l’armement, elle s’appuie sur un « modèle économique (qui) n’est plus soutenable » et « consomme de plus en plus des récits construits ailleurs » qu’en Europe.

« Puissance, prospérité et humanisme sont les solutions pour que l’Union européenne ne disparaisse pas », croit savoir le chef de l’État.

UN « NOUVEAU PARADIGME DE DÉFENSE »

« La condition de notre sécurité, c’est que la Russie ne gagne pas » la guerre, « c’est indispensable », a entamé Emmanuel Macron sur le sujet de la sécurité européenne. « J’assume d’avoir introduit une ambigüité stratégique », s’est félicité le président français en référence à ses propos de fin février. À l’époque, il avait répondu à une question sur un éventuel envoi de troupes sur le terrain ukrainien en affirmant que « rien ne (devait) être exclu ».

Dans cette optique, Emmanuel Macron veut bâtir un « concept stratégique » de défense « crédible ». Il souhaite aussi passer à « une nouvelle étape de l’initiative européenne d’intervention », en créant notamment une académie militaire européenne, afin d’améliorer la formation commune. Le chef de l’État croit aussi nécessaire d’augmenter la production européenne de l’armement. « Il nous faut une préférence européenne dans l’achat de matériel militaire », plaide-t-il à la Sorbonne.

En clair, pour le président français, il faut un « nouveau paradigme en matière de défense ». Emmanuel Macron estime que l’Europe ne doit pas « être le vassal des États-Unis » et qu’elle doit « savoir parler à tout le monde ».

DES FRONTIÈRES « RÉAFFIRMÉES »

L’existence des frontières européenne est « en train d’être réaffirmée », croit savoir le chef de l’État, évoquant l’accord sur l’asile et l’immigration, adopté le 10 avril. « Mais il faut maintenant le mettre en œuvre » et « agir avec plus de fermeté en matière de retour », plaide Emmanuel Macron. Ce qui « implique une vraie coordination », juge-t-il, critiquant au passage, sans la nommer directement, la méthode britannique, qui vise à envoyer les demandeurs d’asile au Rwanda. On ne le dira jamais assez, cette situation engendrerait de graves conséquences dans la région des Grands Lacs africains.

LE « PACTE DE PROSPÉRITÉ »

Pour relancer l’économie européenne, Emmanuel Macron propose un « pacte de prospérité », qui passe, en premier lieu, par une production plus verte et décarbonée, assure-t-il. Mais aussi par la fin de la sur-règlementation. Pour ce faire, « la prochaine mandature devra passer par plusieurs vagues de simplification ».

Le Français mise aussi sur le développement de l’Intelligence artificielle, les nouvelles énergies et les biotechnologies. Autre condition du pacte de prospérité voulu par Emmanuel Macron : consacrer 3% du PIB européen à la recherche. L’Union européenne doit « avoir la capacité de garder et d’attirer nos talents », estime-t-il.

Le chef de l’État met aussi l’accent sur la consolidation de la « souveraineté alimentaire ». « On a besoin de ne pas être dépendant » en matière d’alimentation, martèle-t-il, jugeant par ailleurs qu’un changement  fondamental en matière de politique de commerce est nécessaire, car la Chine et les États-Unis « ne respectent plus les règles ». Enfin, le pacte de prospérité passe, aux yeux d’Emmanuel Macron, par un « investissement massif et commun ». Il faut « réussir à doubler la capacité d’action financière de notre Europe », croit-il savoir.

UN PROJET « HUMANISTE »

Avant de conclure, il a abordé un volet plus culturel, évoquant le contrôle du numérique, notamment pour les plus jeunes, avec l’idée d’une « majorité numérique à 15 ans ». Le chef de l’État a également répété sa volonté d’inscrire l’IVG (Interruption volontaire de grossesse) dans la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.

Emmanuel Macron a finalement terminé comme il l’avait commencé, avec une référence à la campagne des élections européennes : « L’heure  est venue pour l’Europe de se demander ce qu’elle compte devenir », car « nous vivons un moment décisif ».

PENDANT CE TEMPS, L’AFRIQUE MEURT

Au cours de son discours, Emmanuel Macron n’a pas dit un seul mot sur l’Afrique, la mère nourricière de l’Europe.  À quoi bon parler d’un continent qui ne constitue  pas, aux yeux des Européens, une priorité ? Sinon, le maintenir dans le sous-développement, le chaos pour bien le dominer, l’exploiter et le piller.

« La mise en place avec l’Afrique d’une alliance ambitieuse et tournée vers l’avenir, qui permette de bâtir un espace de solidarité, de sécurité, de prospérité durable et de stabilité » n’est pas une priorité pour l’Union européenne, contrairement à ce qui a été annoncé à Bruxelles, les 17 et 18 février 2022, au 6ème sommet entre l’Union européenne et l’Union africaine. Un leurre.   

D’ailleurs, pour les Européens, aucun pays d’Afrique n’est pleinement souverain et indépendant. L’idée n’était donc pas d’accorder une place particulière à un continent  dont la plupart des dirigeants, absorbés par une forme bâtarde du paternalisme contemporain, n’ont pas conscience de leurs intérêts pour les défendre. Pendant que l’Europe s’organise pour consolider son intégration, l’Afrique, elle, meurt.

Si les Occidentaux, en l’occurrence les Européens, ont leur part de responsabilité dans le malheur de l’Afrique, les Africains sont eux-mêmes les fossoyeurs de l’idéal de développement de leur continent. Sans Africains fiers d’eux, sans une Afrique qui a confiance en elle, le continent ne pourra pas se développer. La réalité est que l’irresponsabilité et l’inconscience, traits communs à la majorité des dirigeants africains, expliquent le gouffre dans lequel sont tombés ces pays.

Un bon nombre de pays africains sont dévastés par des guerres et vivotent entre crise, corruption, tribalisme, népotisme, clientélisme, prévarication, anarchie…avec pour corollaire la fuite des cerveaux : les meilleurs partent. Dans certains pays, les fonctionnaires cumulent des mois, voire des années d’arriérés de salaire, les épidémies frappent partout, les hôpitaux sont des mouroirs…L’État s’effondre.  

Après avoir été martyrisée par la traite esclavagiste et soumise par le colonialisme, l’Afrique, en retard sur tous les plans, se suicide. Ses habitants tétanisés par un présent qui n’a pas d’avenir, s’enferment dans un autisme identitaire.

La jeunesse africaine a raison de s’impatienter et de revendiquer à cor et à cri le renouvellement de la classe politique, car l’inaction de leurs aînés  ne permet pas de relever les défis posés par une Afrique moribonde.          

Robert Kongo (CP)