Entre le M23 et les ADF, le Nord-Kivu pris en étau

Massacre imputé aux Forces démocratiques alliées, combats contre les rebelles du M23. La province du Nord-Kivu, dans l’est de la RDC, a connu de nouvelles violences meurtrières ce mardi.
Mardi matin, l’information d’une nouvelle tuerie s’est répandue comme une traînée de poudre. Au moins 26 morts dans le territoire de Beni, dans le nord de la province, épicentre des exactions des Forces démocratiques alliées (ADF). Venues d’Ouganda, les ADF ont fait du Nord-Kivu leur fief au mitan des années 1990, tuant depuis lors des milliers de civils.
En 2019, ils ont prêté allégeance au groupe jihadiste État islamique, qui revendique désormais certaines de leurs actions dans ce qu’il nomme sa «province d’Afrique centrale». Tout récemment, sur le territoire ougandais, ils ont été accusés d’avoir tué trois personnes dont deux touristes étrangers, le 17 octobre dans le parc Queen Elizabeth. Une action revendiquée le lendemain par l’EI.
Lundi soir et jusqu’au petit matin mardi, des assaillants présentés par les autorités comme des miliciens ADF ont attaqué un quartier périphérique de la ville d’Oicha, pillant et tuant, essentiellement à l’arme blanche. «Nous venons de déposer 26 corps à la morgue», a déclaré dans la matinée Darius Syaira, rapporteur de la société civile du territoire de Beni. Ce bilan a été confirmé par un porte-parole de l’armée. En colère, des manifestants ont mis le feu à des véhicules humanitaires qui s’apprêtaient à distribuer des vivres. «Nous n’avons pas besoin d’aide humanitaire, nous voulons la sécurité», déclarait un manifestant.

Intenses combats au Sud
À l’autre bout de la province, les combats qui s’étaient intensifiés depuis début octobre entre les rebelles du M23 et des groupes armés pro-gouvernementaux se sont rapprochés à une vingtaine de kilomètres au nord de Goma, ville de plus d’un million d’habitants adossée à la frontière rwandaise.
«Il y a des combats à Kibumba depuis ce matin, a déclaré une source sécuritaire ayant requis l’anonymat. Les rebelles affrontent les «wazalendo» [nom donné aux groupes armés dits «patriotes» ]. Le M23 vient de tirer deux bombes sur nous et nous sommes en train de répliquer.»
Officiellement, l’armée respecte un cessez-le-feu exigé par une médiation régionale, mais des témoins affirment que des militaires et des «patriotes» combattent ensemble contre le M23. Cette rébellion, qui a repris les armes fin 2021, est soutenue par le Rwanda selon Kinshasa et le groupe d’experts des Nations unies – ce que Kigali dément.

«La situation est de pire en pire»
Dans l’après-midi, le porte-parole de Peter Cirimwami, nouveau gouverneur militaire de la province, a accusé les rebelles «appuyés par l’armée rwandaise» d’avoir attaqué une position de l’armée. «Face à cette provocation, toutes les dispositions ont été prises», a-t-il dit dans un communiqué. Selon une autre source sécuritaire et un témoin civil, l’armée a utilisé un avion de chasse Sukhoï-25 contre les rebelles.
Dans un communiqué publié le 24 octobre, le cabinet du gouverneur militaire du Nord-Kivu a également accusé le M23 d’avoir procédé à des tirs de mortiers «ayant conduit à la mort d’un soldat de la force régionale de l’EAC».
«La situation est de pire en pire. Les deux côtés échangent des tirs d’armes lourdes, a indiqué un habitant. Nous sommes obligés de fuir». La coordination humanitaire des Nations unies (Ocha) en RDC estimait lundi à près de 200 000 le nombre de personnes qui ont dû fuir leurs maisons depuis le 1er octobre dans les territoires de Rutshuru et Masisi. Les combats, qui touchent aussi le territoire de Nyiragongo, plus proche de la capitale provinciale, ont causé ces dernières semaines plusieurs dizaines de morts, civils ou combattants.
Le porte-parole du gouvernement, Patrick Muyaya, a évoqué lundi une «énième incursion» de l’armée rwandaise la semaine dernière et «une cinquantaine» de civils tués par les rebelles. Un porte-parole du M23 a fermement démenti.
Avec AFP