Nouveau regard sur la Russie de Poutine : un contournement astucieux des sanctions de la communauté internationale

Le ministre de l’Economie, des Finances et de la Relance de la République Française, Bruno Lemaire, avait assuré, sur les antennes de France Info, que les sanctions économiques de l’UE et des Etats-Unis prises contre la Russie étaient d’une « efficacité redoutable. Nous allons livrer une guerre économique et financière totale à la Russie. ». Il avait par ailleurs assuré sur France Info, à la sortie d’une réunion de l’UE que « les sanctions contre la Russie allaient toucher le régime en plein cœur et que le peuple russe en paiera aussi les, conséquences. »

Malgré le régime strict de sanctions imposées par la communauté internationale, la Russie semble défier toutes les prédictions négatives. Selon les dernières estimations du Fonds Monétaire International (FMI), la croissance économique russe devrait atteindre 2,6% en 2024, surpassant même les prévisions officielles du Kremlin (1,1%). Cette performance remarquable soulève des questions sur la résilience de l’économie russe et les stratégies mises en œuvre pour contrecarrer les effets des sanctions. Par ailleurs, l’on hésite encore à savoir si la France va atteindre 0,5% ou 0,9% en 2024. On n’est pas encore certain en France. Il semble que ces sanctions contre la Russie se sont retournées contre la France à plusieurs égards.

Prenons ne fut – ce que l’exemple de l’Inde. Elle achète du pétrole russe et le revend à la France en se faisant une marge.

La révision à la hausse des prévisions économiques par le FMI, est significative, passant de 1,1% à 2,6%. Ce réajustement intervient alors que l’économie russe a connu un rebond inattendu en 2023, avec une croissance estimée autour de 3%. Des résultats surprenants, compte tenu du contexte de sanctions strictes imposées à la Russie, faisant de ce pays l’un des principaux acteurs dans l’histoire à subir de telles restrictions économiques. Le président russe Vladimir Poutine s’est même permis de fanfaronner un peu lors d’un forum d’affaires en décembre 2022, affirmant que le PIB devrait augmenter d’au moins 3,5% en 2023. Cette déclaration audacieuse a suscité des interrogations sur les facteurs sous – jacents qui propulsent la croissance économique russe malgré les défis.

Role de l’industrie

Une des explications avancée par les experts est l’investissement massif de l’Etat russe dans le complexe industriel militaire. Entre 35% et 50% de la croissance économique serait attribuable à la production de commandes liées à la guerre, stimulant ainsi l’industrie manufacturière. Les dépenses militaires élevées contribuent également à soutenir la consommation intérieure et maintiennent les prix des hydrocarbures russes à des niveaux stables, assurant des revenus budgétaires importants. L’industrie joue un rôle crucial dans cette trajectoire de croissance, avec une accélération notable dans le secteur manufacturier.

Les résultats sont tangibles, les salaires réels ayant augmenté de 13,3% en mai 2023 sur un an, selon l’économiste russe en exil Vladislav Inozemtzev. Des mesures de soutien, telles que la distribution d’aides aux familles des militaires et des ouvriers de la défense, ont également contribué à maintenir la consommation, même si des disparités subsistent.

Un contournement habile des sanctions a été observé, notamment dans le secteur pétrolier. Malgré une chute significative des ventes de pétrole brut et de produits pétroliers vers l’Union Européenne depuis 2021, la Russie a réussi à compenser ces pertes en établissant des partenariats avec d’autres pays, tels que l’Inde et la Chine, qui achètent désormais entre 80% et 90% des exportations de brut russe. Les sanctions occidentales n’ont eu qu’un impact limité, la Russie parvenant à contourner le plafonnement du prix du baril à 60 dollars. C’est que ses clients ont préféré acheter au prix du marché, laissant tomber en désuétude le plafonnement imposé par les Etats – Unis.

Biens manufacturés et matières premières

Dans le domaine des biens manufacturés, la Russie a également su remplacer les produits occidentaux en se tournant vers la Chine et d’autres pays asiatiques, tout en exploitant des canaux d’approvisionnement « non-autorisés par Bruno Le Maire et Joe Biden », notamment via la Turquie. Ce contournement astucieux des sanctions a permis au Kremlin de générer d’importantes recettes d’exportation, compensant ainsi la baisse des ventes vers l’union Européenne, les Etats – Unis, le Japon et la Corée du Sud.

Sur le front des matières premières, la Russie a consolidé sa position stratégique sur la scène internationale. Les exportations de céréales ont atteint 59 millions de tonnes entre juillet 2022 et juin 2023, et les projections suggèrent une augmentation de 61 millions de tonnes pour la saison prochaine. En tant que premier producteur d’engrais, la Russie a quasiment rétabli ses niveaux d’exportations après une chute en 2022. A l’échelle nationale, les entreprises privées russes ont réussi à échapper aux sanctions en établissant de nouveaux partenariats tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays. Le départ des entreprises occidentales a créé des opportunités pour les entrepreneurs russes, entraînant une augmentation mette du nombre d’entreprises commerciales enregistrées, dépassant 50.000 au premier trimestre 2023.

Défis à long terme

Bien que les sanctions financières aient eu un impact limité, avec des actifs gelés de la Banque Centrale de la Fédération de Russie équivalent à l’excédent commercial de 2022, les défis subsistent. Une inflation élevée, une augmentation significative des dépenses de défense, des taux d’intérêt à 16%, et l’utilisation maximale des capacités de production font craindre une surchauffe de l’économie russe. La directrice générale de la Banque Centrale, Elvira Nabioullina, a averti que, bien que la Russie puisse connaître une croissance rapide, cela pourrait être de courte durée. De plus, la perte de capital humain, avec un million de cadres qualifiés ayant quitté le pays, pourrait représenter un défi majeur à long terme pour l’économie russe.

Dans l’ensemble, la Russie semble avoir réussi à contourner les obstacles imposés par les sanctions internationales, soutenues par des politiques économiques habiles, des investissements stratégiques et une diversification intelligente de ses partenaires commerciaux. Cependant, les défis à venir, tels que la surchauffe économique et la perte de capital humain, soulignent la nécessité d’une approche prudente pour assurer une croissance économique durable dans un contexte géopolitique complexe.

Bref, la Russie va bien. Peut-être pas aussi bien que pourrait espérer Poutine, mais on est quand même très loin d’avoir mis à genoux la Russie. Elle a fait en 2023 3% ou 3,5% de croissance, alors que la France en a fait 0,5% ou 0,9% de croissance. Les sociétés occidentales, néolibérales, ayant fait de bonnes réformes qui en valaient la peine, n’ont plus l’appareil industriel pour continuer à fournir des obus à l’Ukraine.

BERNARD KANYIMBW MANETA

Licencié en sciences commerciales et financières de l’ISC/Lubumbashi

Chercheur indépendant