Et si les banques dénient à la Banque Centrale du Congo la décision de porter le taux directeur à 25% ?

Façade d’entrée du siège social de la BCC à Kinshasa

J’ai lu les avis d’experts de ce forum relatifs à la décision prise par le Gouverneur de la Banque Centrale du Congo (BCC) à la suite de la décision du Comité de Politique Monétaire (CPM) de relever le taux directeur à 25%.
Nombreux s’attendent à l’arrêt de la dépréciation du taux change et l’amorce de sa stabilité. Nous ne pouvons que le souhaiter. Cependant, les indicateurs de mesure de la résilience de notre économie ne rassurent pas.
Et si les banques refusaient de respecter l’application de cette décision ? Il sied de rappeler que la loi organique n°18/027 du 13 décembre 2018 portant organisation et fonctionnement de la BCC lui confère le pouvoir de réguler le marché financier, mieux les institutions d’offre de crédits. Pour ce faire, la BCC s’appuie notamment sur les dispositions impératives de l’article 10. En effet, dans le cadre de la politique monétaire, elle active des instruments à sa portée et inflige des pénalités en cas de non-respect. Le relèvement du taux de directeur en est la preuve.
A travers cette décision, la BCC a-t-elle agi en conformité avec les dispositions impératives de la loi organique ? Nous savons que les instructions de la BCC sont de stricte application et souvent assorties de pénalités lorsque celles-ci sont prises conformément à la législation. Qu’en est-il de celles prises par elle, soit par omission, soit en violation de certaines dispositions de la loi organique ?
En effet, le 8 août dernier, le Gouverneur de la BCC avait réuni le Comité de Politique Monétaire pour évaluer la situation du taux de change et décidé de relever le taux directeur de 11% à 25%. Le CPM est composé de la haute direction de la BCC (Gouverneur et ses deux adjoints), les directions des analyses économiques, recherches et statistiques, opérations bancaires et marchés, trésorerie, DSIF et comptabilité.
Le CPM n’existe pas dans l’organigramme de la BCC, selon les dispositions de la loi organique. Qui plus est, en matière de décision sur la politique monétaire, la loi organique est muette sur son existence et ne lui reconnaît pas un rôle bien que la réunion ait été présidée par le Gouverneur.
Par ailleurs, la loi reconnaît le Comité de direction chargé d’assister le Gouverneur, notamment dans la mise en œuvre de la politique monétaire (article 46 point 1). Quelle que soit sa composition, copier-coller du Comité de direction, le CPM n’est pas un organe de décision ou de management en matière de politique monétaire. Il ne devrait pas proposer des décisions, parce qu’il n’existe pas.
En fait, la loi organique réserve la compétence de la politique monétaire exclusivement au Conseil d’administration présidé par le Gouverneur. Pour le relèvement du taux directeur, le Gouverneur de la BCC n’a pas respecté les dispositions de l’article 34 point 1 qui précise que la prérogative du Conseil d’administration est «de définir le cadre stratégique des politiques dans le domaine de la politique monétaire, de la stabilité financière, de la politique de change et des autres missions de la banque».
Que vaut la décision prise par le Gouverneur sur le pied des conclusions d’un organe non-investi par la loi et sans l’approbation de son Conseil d’administration ? Ici, je ne juge pas encore la pertinence de cette décision quoique j’ai beaucoup à dire, mais il s’agit du STRICT RESPECT de la loi organique. Et si les banques ne respectent pas ce relèvement brutal du taux de refinancement, campent dans l’interbancaire et les emprunteurs refusent de subir la hausse des intérêts ? Ne va-t-on pas vers l’accélération de la déstructuration du système bancaire déjà porteur des risques systémiques de son effondrement ? La BCC appliquera-t-elle des nouvelles mesures telles la hausse du taux de réserve obligatoire sans l’aval du Conseil d’administration ? Seront-elles légales lorsque la procédure est viciée ?
La BCC est certes indépendante en matière de politique monétaire, mais pas du tout exempte de poursuites pour des actes administratifs pris en violation de la loi organique.
Que faudrait-il faire ? Simple : le Gouverneur de la BCC devra rapporter la décision de porter le taux directeur à 25% et requérir la validation de son Conseil d’administration à convoquer en urgence.
En effet, la compétence est d’attribution. Persévérer dans l’erreur pourrait engendrer des conséquences incalculables.
CP