L’activité est pénalisée ces derniers mois par les déboires de plusieurs promoteurs au surendettement astronomique, par la confiance en berne des consommateurs et le ralentissement économique mondial, qui pèse sur la demande en biens chinois et donc sur l’activité. La Chine a décidé ce mardi de suspendre la publication mensuelle de ses chiffres détaillés du chômage des jeunes, après un nouveau record.
L’Empire du Milieu pâtit d’une conjoncture atone, au point de suspendre la publication mensuelle de ses chiffres détaillés de chômage chez les jeunes, ce mardi 15 août. Le mois dernier, le taux de chômage pour l’ensemble de la population active a en effet légèrement augmenté par rapport à juin pour atteindre 5,3%, tandis que celui des 16-24 ans a atteint un nouveau record à 21,3%.
«La publication du taux de chômage des jeunes est suspendue», a sobrement déclaré devant la presse un porte-parole du Bureau national des statistiques (BNS), Fu Linghui. Il a justifié cette décision par la nécessité «d’ajuster» les données sur l’emploi. «Si on cesse sa publication, il n’y aura plus de chômage et le problème sera réglé», commentait sarcastiquement un internaute sur le réseau social Weibo, au diapason d’autres messages. En Chine, le taux de chômage est calculé pour les seules zones urbaines et ne dresse par conséquent qu’un tableau partiel de la situation.
Des indicateurs décevants
Dans ce contexte, les ventes au détail, principal indicateur de la consommation des ménages, ont seulement progressé de 2,5% sur un an le mois dernier, selon des chiffres officiels du BNS. Des analystes sondés par l’agence Bloomberg s’attendaient à une accélération (3,6%), après une augmentation de 3,1% en juin de cet indice très suivi par les marchés. Ce niveau reste très loin de celui d’avril (+18,4%) lorsque les ventes au détail avaient réalisé leur plus forte progression de l’année, galvanisées alors par la reprise post-Covid et le retour des Chinois dans les restaurants, lieux touristiques et centres commerciaux.
Signe désormais d’un essoufflement de la reprise, les prêts aux ménages ont atteint le mois dernier leur niveau le plus faible depuis 2009, selon des chiffres publiés vendredi. La production industrielle a également ralenti en juillet (+3,7% sur un an), après 4,4% un mois plus tôt. Les analystes anticipaient un tassement mais plus modéré (4%). Pour sa part, l’investissement en capital fixe s’est de nouveau tassé à +3,4% sur un an sur les sept premiers mois de l’année. C’est son rythme de croissance le plus faible depuis 2020.
Ces mauvais chiffres accentuent la pression pour un vaste plan de relance dans la deuxième économie mondiale, où l’état de santé du gigantesque secteur immobilier préoccupe les marchés. L’un des plus gros promoteurs du pays, Country Garden, est ces derniers jours sous les projecteurs. Longtemps réputé solide financièrement, le groupe privé a été incapable la semaine dernière de s’acquitter de deux remboursements d’intérêts sur des emprunts et risque un défaut de paiement.
Les marchés financiers nerveux
Cette situation rend nerveux les marchés car Country Garden avait fin 2022 un endettement estimé à quelque 1.152 milliards de yuans (150 milliards d’euros). Un montant abyssal que l’agence Bloomberg juge bien plus important encore, à environ 1.400 milliards de yuans (176 milliards d’euros). Les déboires du secteur font désormais craindre une contagion. Lundi, le promoteur public Sino Ocean a annoncé avoir fait défaut sur le remboursement d’un intérêt.
Les Bourses mondiales évoluent ainsi dans le rouge mardi, après ces indicateurs économiques décevants. En Europe, les variations des indices boursiers ont toutefois tendance à être exacerbées en août en raison de l’absence de nombreux investisseurs, d’autant que ce mardi est un jour férié dans plusieurs pays. Paris perdait 0,63%, Londres 0,90% et Francfort 0,50% vers 07h35 GMT. En Chine en revanche, Shanghai a perdu 0,07% et Hong Kong reculait de 0,69% dans les derniers échanges.
Pour soutenir la croissance, la banque centrale chinoise a abaissé mardi un taux de référence pour les prêts à moyen terme. Cette mesure permet de réduire les coûts de financement des banques commerciales pour les encourager à accorder davantage de crédits et à des conditions plus favorables. Le taux d’intérêt pour les prêts à un an de la banque centrale aux établissements financiers (MLF) passe ainsi à 2,65% contre 2,75% auparavant. Il avait déjà été abaissé en juin.
«Cette baisse aura un effet limité », prévient l’analyste Ting Lu, de la banque Nomura, arguant que pour l’économie chinoise le «pire reste à venir ». Pour Stephen Innes, associé du gestionnaire d’actifs SPI AM, il est «peu probable» que cette baisse de taux «ait un effet durable en l’absence de dépenses publiques».
«Les effets de la politique monétaire seront très probablement neutres ou pourraient même être perçus comme défavorables dans la mesure où les décideurs politiques commencent à appuyer sur le bouton de panique», ajoute-t-il.
Avec latribune.fr