Bradage du patrimoine minier de La COMINIERE : l’IGF étale la vérité au grand jour et accuse le ministère du Portefeuille

Dans le bradage du patrimoine minier de La COMINIERE, une entreprise du Portefeuille de l’Etat, son directeur général a.i. et son directeur technique, en détention à la prison centrale de Makala, selon les dernières nouvelles, n’ont pas agi seuls. Ils ont opéré avec la complicité du ministère du Portefeuille que dirige Mme Adèle Kayinda. C’est la conclusion que tire l’Inspection générale des finances (IGF) au terme d’une mission de contrôle des cessions des parts sociales de La COMINIERE dans la joint-venture DATHCOM. L’IGF est formelle sur un point : «Toutes ces violations ont été autorisées par le ministère du Portefeuille». Si ont à ce jour, seuls le directeur général a.i. et le directeur technique de La COMINIERE ont été interpellés par la Justice, l’IGF pense qu’il faut aller plus loin : «Ce bradage engage la responsabilité du management de La COMINIERE et du ministère du Portefeuille qui en avait donné l’autorisation». A la Justice de faire son travail pour que l’Etat congolais rentre dans ses droits et récupèrent ses actifs bradés. Voici en intégralité le rapport-synthèse de l’IGF.

RAPPORT-SYNTHESE DE LA MISSION DE CONTROLE DES CESSIONS DES PARTS SOCIALES DE LA COMINIERE SA DANS LA SOCIETE DATHCOM MINING SA

I. GENERALITES
La Congolaise de l’Exploitation Minière, en abrégé La COMINIERE S.A, est une Société commerciale de Droit Congolais, anciennement appelée ZAÏRETAIN, dont la totalité des parts sociales appartient à l’Etat Congolais. Elle a bénéficié de l’Etat Congolais de 40 titres miniers depuis sa création.
A ce jour, elle n’en détient plus que deux (2). 37 titres miniers ont été déjà cédés à différents partenaires privés et 1 titre est en location à la Société CHEMAF.
Parmi les 37 titres miniers cédés, 6 titres miniers portant sur des gisements de LITHIUM ont été cédés dans une joint-venture dénommée DATHCOM MINING avec les privés australiens et chinois.
A la création de DATHCOM MINING, les parts étaient réparties comme suit en dépit du fait que c’est la COMINIERE S.A qui a apporté les gisements de LITHIUM et autres minerais tandis que DATHOMIR devait apporter le financement : 70% DATHOMIR MINING SARL; 30% COMINIERE S.A.

II. FAITS SAILLANTS
II.1. GESTION DE LA COMI-NIERE EN DEPHASAGE DE AVEC SON OBJET SOCIAL
a) Substitution de l’objet social d’exploitation minière, créatrice de haute valeur ajoutée, à celui de simples activités de prise de participation dans des sociétés mixtes moyennant des cessions définitives et irrévocables des titres miniers.
L’objet social de La COMINIERE S.A tel que défini dans ses statuts est « defaire toutes opérations d’études, de prospection, de recherche et d’exploitation minière de cassitérite, de coltan, de l’étain etc. ».
Cependant, une pratique s’est instituée à la Direction Générale de la COMINIERE SA (en violation de ses statuts), celle de simples activités de prise de participation dans des sociétés mixtes moyennant des cessions définitives et irrévocables des titres miniers, contre des participations minoritaires de maximum 30% dans le capital social de ces Joint-ventures et 70% de participations attribuées aux autres partenaires, bien que n’ayant présenté aucune garantie financière.
C’est un véritable bradage du patrimoine minier de l’Etat. Les Partenaires extérieurs possèdent aujourd’hui, de manière définitive et irrévocable, plus de 90% du patrimoine minier de la COMINIERE S.A.

b) Cession irrationnelle des droits miniers sans aucune évaluation préalable, mais de manière définitive et irrévocable.
Il a été constaté des cessions abusives, systématiques et irrationnelles de droits miniers de l’Etat Congolais sans aucune évaluation préalable, contre au maximum 30% de parts dans les Joint-Ventures. Des cessions auxquelles la Direction Générale de la COMINIERE S.A.justifie par le manque de moyens financiers dont les subventions de l’Etat ainsi que par le besoin de leur survie.
Même si le code minier consacre la cession définitive et irrévocable des titres miniers en son chapitre II, articles 182 à 185, les cessions définitives et irrévocables des périmètres miniers non précédées par une évaluation préalable sont des actes de bradage qui ne peuvent être justifiés par l’absence de subvention de l’Etat et encore moins par le besoin de survie.
En l’absence de moyens de valorisation des titres miniers avant leur apport dans les Joint-Ventures, une cession définitive et irrévocable assortie d’une clause de redistribution de parts sociales en cas d’évaluation des titres miniers peut être légalement justifiée, ce qui n’est pas le cas de la Direction Générale de la COMINIERE S.A qui institue des cessions définitives et irrévocables des périmètres miniers non valorisés sans aucune précaution.

c) Politique de Cessions des titres miniers motivée par la survie et non l’enrichissement de l’Etat.
Les investigations de l’Equipe de contrôle ont abouti à un constat contradictoire d’absence de retombées économiques, financières et sociales de cette politique de cessions définitives et irrévocables des droits miniers de l’Etat sur l’enrichissement de l’Etat Congolais, et que la COMINIERE S.A se contente de s’occuper de la survie et non de l’enrichissement de l’Etat Congolais, propriétaire des ressources minières.

d) Cession des Permis de recherche sans paiement du prix de cession à la COMINIERE S.A
Les Permis de recherche sont cédés aux partenaires sans paiement du prix de cession en faveur de la COMINIERE S.A, sans aucune réaction de la part du Directeur Général ai de la COMINIERE S.A et ce, malgré le fait que le contrat de cession prévoit clairement le paiement d’un prix de cession

II.2. ATTRIBUTION AUX PARTENAIRES EXTERIEURS DES PARTS SOCIALES JUTEUSES DANS LES JOINT-VENTURES SANS AUCUNE GARANTIE D’APPORTS FINANCIERS CONSEQUENTS
La société DATHCOM Mining S.A a été créée au départ en partenariat avec la société DATHOMIR Mining Ressources le 17 octobre 2016. Ses promesses fallacieuses de financement avaient valu à cette dernière l’attribution de 70% de parts sociales tandis que la COMINIERE S.A qui a cédé de façon définitive et irrévocable des titres miniers s’est contentée de 30% des parts sociales.
Aucune preuve de garantie de financement fournie par son partenaire n’a été apportée à l’équipe de contrôle.
Comme si les 70% ne suffisaient pas pour mobiliser les financements, DATHOMIR Mining Ressources s’est vu attribué en plus 5% des parts sociales de la COMINIERE SA au motif qu’une société sœur de DATHOMIR aurait fait la route MANONO – PWETO sans être payée par l’Etat Congolais. La COMINIERE S.A n’en gardait plus que 25%.
En dépit de 75% des parts sociales, le Partenaire DATHOMIR n’a pas su, malgré tout, mobiliser des financements attendus, mais a préféré, deux mois seulement après avoir bénéficié de la cession de 5% des parts sociales de la COMINIERE S.A, vendre 60% des parts sociales à la société AVZ International en violation des dispositions du contrat de joint-venture en son article 16 point (f) portant sur ses engagements et selon lesquels, il ne pouvait pas céder ses parts avant la date de production commerciale.
Il y a lieu de constater clairement la SPECULATION qui a élu domicile dans le secteur minier qui consiste à prendre des titres miniers congolais pour les promesses de financement non réalisées.
Par cette opération, DATHOMIR a réalisé d’énormes bénéfices sans avoir déboursé un seul rond dans le partenariat conclu avec la COMINIERE S.A.
II.3. CESSIONS SUCCESSIVES DES PARTS SOCIALES DE LA COMINIERE S.A DANS DATHCOM MINING SA EN VIOLATION DES DISPOSITIONS LEGALES SUR LE DESENGAGEMENT DE L’ETAT DES ENTREPRISES DU PORTEFEUILLE
La loi n°08/008 du 07 juillet 2008 portant dispositions générales relatives au désengagement de l’Etat des entreprises du Portefeuille définit à l’article 2, point b, l’entreprise du portefeuille de l’Etat comme étant toute société dans laquelle l’Etat ou toute autre personne morale de droit public détient la totalité du capital social ou une participation.
Au regard de ce qui précède, l’article 3 de la Loi précitée soumet le désengagement à des préalables rigoureux dont les suivants :

     

      • l’évaluation du patrimoine de l’entreprise concernée et les modalités de savalorisation;

      • la sauvegarde des intérêts de l’Etat par la recherche des conditions les plus avantageuses;

      • la diversification et la rentabilisation du portefeuille de l’Etat à court, moyen et long terme en profitant des opportunités qu’offre le marché.
        En procédant à des cessions successives des parts sociales, les préalables pour le désengagement de l’Etat n’ont pas du tout été respectés.
        En plus, l’article 7 de la loi sus visée dispose notamment que la cession d’actifs, d’actions ou de parts sociales ou le transfert de gestion d’une entreprise du portefeuille de l’Etat se fait, selon le cas, suivant l’une des techniques ci-après :

      • l’appel d’offres général ou restreint ;

      • le recours au marché de gré à gré à titre exceptionnel, conformément à l’article 20 de la même Loi ;

      • la cession aux salariés ou au public.
        Toutes ces violations ont été autorisées par le Ministère du Portefeuille.
        Du point de vue du Droit, la responsabilité du management de la COMINIERE S.A ainsi que celle du Ministère du Portefeuille sont engagées.

    II.4. FIXATION ABUSIVE ET AU DETRIMENT DU TRESOR PUBLIC DE LA VALEUR DE CESSION DES 15% DES PARTS SOCIALES DE LA COMINIERE S.A DANS LE CAPITAL DE DATHCOM MINING SA, AU PROFIT DE LA SOCIETE ZIJIN MINING
    Au motif d’obtenir des moyens d’exploitation, la COMINIERE S.A a encore cédé 15% sur les 25% de ses parts au sein de la société DATHCOM Mining au profit de la société ZIJING MINING.
    De cette cession on relève des irrégularités ci-après :

    a) Empiètement des prérogatives de l’organe technique du Gouvernement dans le choix des experts indépendants chargés del’évaluation des 15% des parts cédées.
    L’article 11 de la loi précitée sur le désengagement prévoit que la charge d’évaluation des actifs relève de la compétence des experts indépendants sous la responsabilité de l’organe technique du Gouvernement, qui est le COPIREP.
    La COMINIERE S.A, dans sa planification du bradage des actifs miniers, s’est arrogée les prérogatives de l’organe technique du Gouvernement pour choisir arbitrairement et dans la précipitation, deux consultants, en l’occurrence une association des mandataires en mines et carrières sans numéro d’impôt et la société ALPHA BUSINESS COMPANY pour faire la même évaluation, alors qu’une étude définitive de faisabilité du projet des gisements de LITHIUM était déjà à sa disposition.

    b) Valeur vénale des 15% des parts sociales de la COMINIERE SA dans DATHCOM Mining cédés à ZIJIN Mining.
    Alors que l’étude définitive de faisabilité du projet de gisement uniquement de LITHIUM avait communiqué ses résultats selon lesquels les 100% des parts de DATHCOM valaient USD 1.028. 000.000 et que les 15% des parts de la COMINIERE représentaient déjà USD 154.200.000, celles-ci (15% des parts) ont été cédées à ZIJING MINING au montant dérisoire de USD 33.440.000, occasionnant ainsi un manque à gagner de USD 120.760.000.
    Ce bradage engage la responsabilité du management de la COMINIERE et du Ministère du Portefeuille qui en avait donné l’autorisation.

    c) Utilisation de USD 33.440.000 du produit de la vente des 15% des parts sociales de la COMINIERE dans DATHCOM
    Alors que la raison fondamentale avancée pour vendre ces 15% desparts étaient l’amélioration de l’exploitation de la COMINIERE, il a été constaté une dilapidation totale de ce montant de USD 33.440.000 affecté comme suit :

    • 5% du prix de la cession, soitUSD 1.672.000,00 payés à FOCUS PLAIDOIRIE au titre de commissions et honoraires;

    • 5% du prix de la cession, soit USD 1.672.000,00 payés aux membres du Conseil d’Administration au titre de rémunérations exceptionnelles ;
    • USD 700.000,00 payés aux deux consultants ayant produit des études de complaisance sur base desquelles le bradage du prix de cession de 15% des parts s’est réalisé;
    • USD 770.662,00 pour rémunérations au personnel, aux mandataires et aux commissaires aux comptes;
    • USD 1.394.198,00 des approvisionnements caisse pour diverses dépenses non auditées par l’Equipe de contrôle.
    Rien n’a été affecté à l’exploitation de la COMINIERE S.A jusqu’à ce jour où le compte est presque vide.

    II.5. CESSIONS ILLEGALES DES TITRES MINIERS PAR LES CESSIONNAIRES AU DETRIMENT DE LA COMINIERE SA
    Les dispositions contractuelles interdisent les cessions de titres miniers constituant l’apport de la COMINIERE S.A dans DATHCOM Mining. Les investigations de l’Equipe de contrôle ont abouti à un constat contradictoire de cessions illégales des titres miniers ci-dessous :
    • Le PE (Permis d’exploitation) 12436 que la COMINIERE S.A a cédé le 07/12/2017 à DATHCOM Mining pour exploitation a été cédé par cette dernière le 07/12/2018 à HONGKONG YISEN qui, à son tour l’a cédé le 17/05/2019 à HONGKONG EXCELLEN MINING INVESTMENTCONGO SARL;

    • Le PE 12449 que la COMINIERE S.A a cédé le 07/12/2017 à DATHCOM Mining SA a été cédé le 07/12/2018 par cette dernière à HONGKONG YISEN;

    • Le PE 12450 que la COMINIERE S.A a cédé le 07/06/2017 à DATHCOM Mining SA a été cédé par cette dernière à HONGKONG EXCELLEN MINING INVESTMENT CONGO SARL.
    Ayant été faites en violation des dispositions contractuelles, ces cessions sont bel et bien illégales et au détriment des intérêts de la COMINIERE S.A.
    En effet, la cession des Permis de recherche doit donner lieu au paiement du prix de cession en faveur de la COMINIERE S.A et en plus, leur transformation en Permis d’exploitation doit également donner lieu au paiement des pas de porte en faveur de la COMINIERE S.A L’Equipe de contrôle n’a retracé aucun de ces revenus.

    III. CONCLUSION
    L’Inspection Générale des Finances conclut à un bradage planifié des actifs miniers de la COMINIERE S.A, par son équipe managériale avec la participation du Ministère du Portefeuille.
    Fait à Kinshasa, le 30 novembre 2022
    INSPECTION GENERALE DES FINANCES