Coup de froid sur l’axe Kinshasa-Pretoria : lendemains incertains pour la SAMIRDC au Nord-Kiv

Déployée à partir de la mi-décembre 2023 dans le Nord-Kivu, la force multinationale de la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC) peine à imprimer sa marque sur le terrain des opérations militaires où elle est censée venir en appui à l’armée congolaise qui fait face aux «rebelles» du M23 appuyés par l’armée rwandaise. La force de la SADC constituée de troupes sud-africaines, tanzaniennes et malawites, est placée sous le commandement du général de division sud-africain Monwabisi Dyakopu dont le pays fournit le gros du contingent. Cependant, depuis son déploiement, la SAMIRDC assiste à des avancées sporadiques des M23/RDF qui ont fini par encercler la ville de Goma, alors que Kinshasa s’impatiente et souhaiterait la voir entrer en action et justifier son « mandat offensif ».

Quatre mois après le début du déploiement de la force multinationale de la Communauté de développement de l’Afrique australe dans le Nord-Kivu en remplacement des troupes de l’East African Community (Communauté de l’Afrique de l’Est-EAC), les troupes sud-africaines, tanzaniennes et malawites de la SADC ne semblent pas pressées de passer à l’action et de concrétiser leur mandat revêtu d’un caractère offensif. Celui-ci consistant, de concert avec les Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC) à repousser les M23/RDF et si possible leur faire repasser la frontière ou à défaut, obtenir le retrait du corps expéditionnaire rwandais, désarmer les «rebelles congolais », assurer leur cantonnement au mont Sabinyo et enfin, favoriser leur réinsertion dans la société à travers le Programme de désarmement, démobilisation, relèvement communautaire et stabilisation (P-DDRCS).

Avec le temps, les mêmes reproches formulées naguère par le gouvernement congolais à l’encontre de la force est-africaine tendent à se reproduire. En effet, la SAMIRDC a assisté impuissante à une offensive des M23/RDF qui sont parvenus à couper toutes les voies d’accès à la capitale provinciale du Nord-Kivu, isolant Goma que la coalition menace de prendre à tout moment.

SAMIRDC COMME EACF

Devant cette léthargie, certains milieux à Kinshasa ne cachent pas leur agacement. Une attitude renforcée par l’argument du commandement de la SAMIRDC selon lequel elle n’a pas achevé l’acheminement au Nord-Kivu de tout son équipement lourd, tout comme le matériel de la Force en attente de l’Union africaine positionné à Douala au Cameroun tarde à lui être livré. En réalité, tout comme l’EAC, il est plus qu’improbable que la force SAMIRDC entre en action selon le vœu des autorités congolaises. Des hypothèques politiques pèsent lourdement sur la mission militaire. D’une part, l’opposition sud-africaine est ouvertement opposée au déploiement des troupes sur le terrain glissant congolais.

D’autant plus que quatre militaires sont déjà tombés sous les tirs d’obus des M23/RDF. D’autre part, le rapprochement récent entre les présidents Cyril Ramaphosa, Paul Kagamé du Rwanda et Yoweri Museveni de l’Ouganda confortent les observateurs à Kinshasa dans leur scepticisme quant à la volonté des alliés congolais de la SADC à exercer leur mandat offensif.

Plusieurs indicateurs renforcent cette hypothèse. Primo, la présence à Kigali de Cyril Ramaphosa à l’occasion de la célébration du 30ème anniversaire du génocide rwandais le 7 avril 2024 et auquel il était l’un des invités de marque est le signe du réchauffement des relations entre le Rwanda et l’Afrique du Sud, des relations gelées après les attentats visant des opposants rwandais sur le sol sud-africain.En juin 2010, le général Kayumba Nyamwasa, ancien chef d’état major de l’APR, était blessé par balle dans sa résidence de Johannesburg.

Et le 31 décembre 2013, l’ancien chef de renseignements Patrick Karegeya était trouvé mort étranglé dans sa chambre d’hôtel. Les enquêtes conclurent à l’implication des services secrets rwandais, entraînant l’expulsion des diplomates rwandais et de l’ambassadeur Vincent Karega (le même qui, dix ans plus tard, sera accrédité à Kinshasa).

UN POSSIBLE REVIREMENT DEP RETORIA

La normalisation, quoique difficile, des relations entre Kigali et Pretoria s’est conclue par l’arrivée d’un nouvel ambassadeur rwandais en Afrique du Sud. A Kinshasa, l’on se pose la question de savoir dans quelle mesure le rapprochement entre Pretoria et Kigali pourrait contribuer à ramener la paix dans l’est de la RDC.

Le gouvernement congolais en doute déjà, considérant les déclarations répétées de Cyril Ramaphosa selon lesquelles le conflit dans la partie orientale du Congolais ne pourrait se résoudre par la voie des armes. Cette position du président sud-africain laisse clairement entendre qu’il n’est pas disposé à exposer ses troupes qui payent déjà un lourd tribut sur le sol congolais. Au moins six de ses militaires sont tombés en l’espace d’un mois sous les tirs d’obus des M23/RDF.

Dans la même veine, le président sud-africain vient de séjourner les 15 et 16 avril à Kampala à l’invitation de Yoweri Museveni. Une visite de travail au cours de laquelle, indiquait la présidence sud-africaine la veille, les deux dirigeants devaient discuter de la sécurité et de la stabilité régionale, notamment de la situation dans l’est de la République démocratique du Congo.

Des discussions menées en l’absence du principal concerné. Or la position du chef de l’Etat ougandais est connue. En juin 2022, alors qu’il discutait avec un groupe de députés congolais, Yoweri Museveni avait encouragé son homologue congolais Félix Tshisekedi à «engager des pourparlers de paix avec le M23», estimant que l’inclusivité était «cruciale pour parvenir à une paix durable».

KINSHASA REGARDE AILLEURS

Engluée dans d’interminables négociations-consultations en vue de la mise en place des institutions (bureaux des organes délibérants, gouvernement) à la suite des élections générales de décembre 2023, la classe politique congolaise ne donne pas l’impression de mener des analyses réalistes sur les prémices d’un probable retrait de la SAMIRDC.

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La sur-militarisation de la ville de Goma et les actes de violence enregistrés au quotidien, la distribution des armes aux membres des groupes armés dits Wazalendo, le recours à des «compagnies» paramilitaires étrangères, le concours présumé aux rebelles rwandais des FDLR ont fini par agacer les officiers des armées régulières de la SAMIRDC qui peinent à réunifier un commandement des forces éparses et à la limite antagonistes. A ce jour pourtant, les relations semblent au beau fixe entre les capitales congolaise et sud-africaine. Du moins en apparence.

Pour ne pas donner l’apparence d’une répétition du feuilleton EAC, Kinshasa joue sur le temps et laisse ses partenaires d’Afrique australe dérouler leur agenda, jusqu’à la clarification des positions des uns et des autres qui ne saurait tarder.

MWIN MURUB FEL 

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