Les six axes de l’initiative de l’Algérie pour un règlement politique et pacifique de la crise en République du Niger

Dr Mohamed Yazid BOUZID, ambassadeur d’Algérie à Kinshasa

Pays voisin du Niger avec lequel elle partage une frontière terrestre de 951 Km, l’Algérie suit de près la crise à Niamey. A Alger, on pense qu’il est possible de ramener la paix au Niger en explorant six axes possibles. Décryptage avec Dr Mohamed Yazid BOUZID, ambassadeur d’Algérie à Kinshasa.

Etant pays voisin du Niger avec une frontière  terrestre en partage de 951 Km, l’Algérie qui entretient avec ce pays d’excellentes  relations de fraternité, de coopération et de solidarité agissante, sur fond d’un  brassage humain, culturel et religieux millénaire, une histoire et des défis communs,  s’est fait un point d’honneur d’être parmi les premiers pays à réagir constructivement  à la crise qui affecte ce pays depuis le 26 juillet 2023, suite au Coup d’Etat perpétré,  et d’être surtout, le promoteur, sous la supervision directe de M. Abdelmadjid  Tebboune, Président de la République, d’une initiative politique devant permettre le  règlement pacifique de cette crise sans effusion de sang, sans atteinte à I ’unité et à  la souveraineté du peuple nigérien frère et à l’intégrité de son territoire, et  conformément à l’intérêt suprême du peuple nigérien et au respect des exigences de  l’Etat de droit.

En annonçant son initiative politique de paix et de sécurité, l’Algérie a fait montre, de  nouveau, de son attachement indéfectible au respect des principes y afférent  consignés dans la Charte des Nations Unies et de l’Acte Constitutif de I’Union  Africaine, et de son engagement à œuvrer inlassablement au service de la paix et de  la sécurité internationales, en promouvant de tels principes à la veille de son  accession au Conseil de Sécurité de l’ONU en qualité de membre non-permanent.

Dès l’annonce du Coup d’Etat, l’Algérie a condamné avec force ce changement  anticonstitutionnel du pouvoir et a « réaffirmé son attachement aux principes  cardinaux qui guident l’action collective des Etats africains au sein de l’Union  Africaine dont notamment le rejet catégorique des changements anticonstitutionnels  de gouvernements », suivant le principe y afférent adopté à Alger en 1999 à  l’occasion du 35e Sommet de l’OUA.

Elle n’a pas cessé d’appeler depuis au retour à l’ordre constitutionnel et institutionnel  au Niger pour éviter la survenue du chaos dans ce pays frère et voisin qui fait face à  des défis considérables dans une région déjà confrontée à des crises  multidimensionnelles d’une acuité sans précèdent.

L’Algérie estime, dans ce cadre, que M. Mohamed Bazoum, le Président nigérien  déchu, reste le Président légitime, démocratiquement élu du Niger et devrait  reprendre ses fonctions de Président de la République dans les meilleurs délais  possibles.

Elle demande sa libération et sa mise en capacité à exercer ses fonctions légitimes de Premier Magistrat du pays.

Pour y parvenir, l’Algérie propose un plan d’action  s’appuyant sur les six axes suivant :

1. La confirmation du principe d’illégitimité des changements anticonstitutionnels.

L’Algérie compte proposer, à cet effet, lors du prochain Sommet de l’Union africaine,  des initiatives de nature à renforcer ce principe en vue d’éradiquer une fois, pour  toutes, le fléau des Coups d’Etat qui a pris de I’ampleur en Afrique ces dernières  années au grand dam d’une aspiration collective à la bonne gouvernance politique.

2. La fixation d’une période de six (06) mois pour réaliser une solution politique  garantissant le retour pacifique à l’ordre constitutionnel et démocratique au Niger.

3. La détermination par le dialogue inclusif des arrangements politiques de sortie de  crise nécessaires à la mise en œuvre de la solution politique, sous la direction d’une  personnalité civile consensuelle jouissant de l’unanimité auprès de la classe politique  nigérienne, devant assurer le retour à l’ordre constitutionnel dans ce pays dans un  délai maximum de six mois, en associant sans exclusive toutes les parties prenantes  nigériennes,

4. L’octroi de garanties suffisantes, telles que consacrées par le passé et consignées dans la constitution du Niger, à toutes les parties impliquées, afin d’assurer la  durabilité de la solution politique et son acceptation par tous les acteurs impliqués  dans la crise et dans son règlement,

5. L’engagement de l’Algérie à entreprendre des contacts et des consultations politiques  approfondies avec toutes les parties concernées et actives au Niger, en vue de  contribuer et de soutenir les efforts visant le règlement politique de la crise ou à  soutenir les initiatives qui vont dans ce sens, ainsi qu’avec les pays voisins et les  Etats membres de la CEDEAO, en particulier le Nigeria en sa qualité de Président en  exercice de cette organisation sous régionale, et avec les pays désireux de soutenir  les efforts visant à trouver une sortie pacifique à la crise,

6. L’organisation d’une conférence internationale sur le développement au Sahel sous  l’égide des Nations Unies afin de promouvoir une approche basée sur le  développement dans le traitement des défis multidimensionnels auxquels sont  confrontés les pays de la région, avec comme objectif la mobilisation des  financements requis.

En élaborant cette initiative, l’Algérie rejette catégoriquement le recours à la force  compte tenu des graves conséquences que cette option pourrait avoir non seulement  sur le Niger mais, également, sur l’ensemble de la région sahélo-saharienne qui est  dans le besoin pressant de solutions durables apaisées de sortie Je la crise  multidimensionnelle qui l’affecte depuis longtemps.

L’histoire de notre région enseigne clairement que les interventions miliaires sont  inévitablement porteuses plus de périls que de solutions.

Il est très utile de rappeler à cet égard que cette région a souffert et souffre encore  durement des conséquences désastreuses de l‘intervention militaire en Libye qui a  favorisé la prolifération des armes, la sanctuarisation des groupes terroristes et des  groupes armés relevant du crime organisé, le déplacement forcé des populations  civiles et bien évidemment le déchirement de tout un pays souverain.

Il n’est, par ailleurs, pas exclu qu‘outre toutes les pertes humaines et les dégâts  matériels qu’elle pourrait occasionner, quelles que soient les précautions à prendre,  une intervention militaire risquerait fort probablement de ne pas attendit l’objectif  recherché et apporter, plutôt, des arguments solides au service d’un conflit sectaire qui se profile à l’horizon et au service des groupes terroristes et criminels dont les  auteurs ne manqueraient pas d’en tirer profit pour se régénérer et de se redéployer  dans toute la région. Nous avons, par ailleurs, suffisamment d’exemples: en Iraq, en  Syrie, en Afghanistan et en Somalie pour nous guider et nous inciter à la retenue et  la foi dans les vertus d’une solution politique négociée.

Si la communauté internationale n’arrive pas à éteindre les feux d’une telle crise par  la négociation politique, le pays pourrait encourir, par ailleurs, le risque d’engendrer des flux massifs de déplacés forcés à l’interne comme vers les pays voisins et  lointains et une nouvelle crise humanitaire pointerait à l’horizon au moment où les  besoins humanitaires dans la région et ailleurs sont immenses et difficiles à couvrir  par la communauté internationale en dépit des bonnes volontés affichées.

L’Algérie ne souhaite pas que de nouvelles plaies s’ouvrent et juge par conséquent  qu’il est opportun de donner la priorité à la solution politique pour mettre fin à la crise,  d’où l’initiative susmentionnée de M. le Président Abdelmadjid Tebboune, qui après  avoir clarifié la position de l’Algérie sur cette crise, n’a pas manqué de proposer un  processus politique transparent et ouvert aux enrichissements bienveillants.

Forte de cette position, au moment où l’intervention militaire au Niger se précise,  l’Algérie continue d’estimer que la solution politique est possible d’autant plus que  toutes les voies qui y conduisant n’ont pas encore été empruntées. Elle déploie, à cet  effet, des efforts inlassables, à travers les consultations soutenues que mènent M. le  Président de la République et M. Ahmed Attaf, Ministre des Affaires Etrangères et de

la Communauté Nationale à I ’Etranger, avec les acteurs internes du Niger , y  compris les instigateurs du Coup d’Etat militaire, et avec tous les partenaires qui sont  en mesure de contribuer positivement au règlement de la crise, en vue de réunir les conditions d’apaisement favorables à la solution négociée et obtenir l’adhésion à  l’initiative algérienne susmentionnée.

Avec ACP