Situation confuse à l’EquityBCDC : le silence de la BCC alimente la psychose

Siège social de la BCDC à Kinshasa

Malgré toutes les assurances de sa direction générale, la disparition à l’EquityBCDC d’une importante somme d’argent dans son compte d’espèces en transit, qui se chiffre en millions de dollars américains, alimente toujours la chronique. Dans les milieux bancaires, la psychose est bien réelle, ravivée de la plus belle manière par le silence de la Banque Centrale du Congo qui tarde à se prononce sur ce dossier.
A EquityBCDC, l’année 2023 a démarré sur les chapeaux de roue. Mais, de la plus mauvaise manière alors. Née de la fusion, depuis quelques années, d’Equity Bank et de la très ancienne BCDC (Banque congolaise du commerce), EquityBCDC a annoncé, dans un communiqué daté du 5 janvier 2023, avoir enregistré de gros écarts dans son compte d’espèces en transit.
Dans son communiqué, EquityBCDC explique la provenance de cet écart. C’est au cours de «cette intégration progressive» de fusion, pense-t-elle,que «nous avons enregistré un écart dans le compte d’espèces en transit de l’ordre de 11.101.970 USD et 172.500.000 CDF. Cet écart de fonds significatif représente 3 % de fonds propres et 0,3 % du total Actif de la Banque. Nous avons sollicité le soutien des autorités nationales et agences gouvernementales d’investigation et de sécurité pour nous accompagner dans ces enquêtes. Nous saisissons cette opportunité pour confirmer que nous n’avons pas enregistré d’écarts dans les dépôts et les comptes des clients ».
A EquityBCDC, on tente de minimiser cette situation, fort de la solidité de ses états financiers et bancaires : «Equity BCDC est née de la fusion de l’ancienne Equity Bank Congo (anciennement Procredit Bank Congo), la banque la plus technologique de la RDC, et de la BCDC, la plus ancienne banque du pays, qui a vu le jour en 1909, et la marque nationale la plus emblématique avec la plus grande infrastructure. EquityBCDC a un total actif de 3.566.953.000 USD, des fonds propres de l‘ordre de 356.215.000 USD, une base de clients de 1.743.953 et le dépôt total de ses clients s’élève à 2.987.448.000 USD ».
Mais, dans la profession bancaire, tout comme dans les milieux des épargnants, la psychose est bien réelle. Et dans ce climat de panique qui semble gagner le secteur, le silence de la Banque Centrale du Congo (BCC) ravive la polémique.
Grand expert du secteur, Noël Tshiani a exprimé ses inquiétudes, appelant vivement à une intervention de la Banque centrale du Congo pour calmer la tempête qui gagne le secteur bancaire congolais.
«Le compte transit est compris comme un compte interne à une banque dans lequel sont enregistrées plusieurs opérations bancaires avant d’affecter le compte ad hoc concerné», a expliqué le banquier, interrogé par l’ACP.
Selon lui, «cette situation démontre qu’il existe une fraude interne. La BCC doit envoyer une équipe de surveillance à EquityBCDC sans délai».
Passé par la Banque mondiale depuis son QG de Washington, Noël Tshiani va plus loin : «Les pertes sont consommées et il faut les approvisionner entièrement, organiser une investigation et s’ouvrir à la supervision étroite de la BCC».
Si la psychose est bien réelle dans le secteur bancaire, EquityBCDC relativise. «En tant qu’institution, nous nous imposons les normes les plus strictes en matière de responsabilité et de transparence. C’est pourquoi nous rendons ces informations publiques ».
A l’opposé, Noël Tshiani ne partage pas cet optimisme : «À la fin, on découvrira que les pertes (écarts d’actif) seront de loin beaucoup plus grandes que les 11 millions de dollars américains identifiés à ce stade. Cette banque pourrait être dans une situation plus critique qu’elle n’apparaît». Ce qui pose, selon lui, la nécessité d’une supervision renforcée de la BCC pour sécuriser l’épargne interne logée à EquityBCDC.

Outils de surveillance de la BCC
Depuis quelque temps, la BCC a mis en place certains mécanismes solides pour sécuriser l’épargne nationale.
Dans une intervention à la presse, Jean-Louis Kayembe, directeur général de la BCC en charge de la politique monétaire et des opérations bancaires, avait donné toutes les assurances nécessaires sur le travail de supervision de la BCC.
Selon lui, c’est l’ordonnance loi n°72/00 du 14 janvier 1972 relative à la protection de l’épargne et au contrôle des interventions financières qui définit le cadre institutionnel dans lequel l’ensemble des intermédiaires financiers bancaires et non bancaires exercent leur activité en RDC. Elle donne à la BCC tout pouvoir d’orientation et de contrôle sur les intermédiaires financiers.
C’est dans ce cadre, notait-il, que la BCC a mis en place des outils de surveillance pour une bonne règlementation bancaire, en s’appuyant sur trois importants leviers.
Premièrement, il y a le ratio imposé aux banques. A ce titre, une banque doit être solide et doit avoir de moyens financiers suffisants pour amortir les pertes qui peuvent subvenir. A ce jour, a indiqué Jean-Louis Kayembe, la BCC a exigé aux banques d’avoir un capital minimum de 30 millions de dollars américains et c’est en principe en 2021 que ce ratio devrait passer à 50 millions mais cette exigence a été reportée suite à la situation de crise que le monde traverse. Il existe aussi des exigences en matière de liquidité, de solvabilité que les banques doivent observer tout le temps pour assurer leur solidité, avait-il indiqué.
Le deuxième mécanisme de supervision prend en compte les missions de contrôles effectuées régulièrement dans les banques commerciales pour se rassurer de la santé financière d’une banque. «Quand nous remarquons qu’une chose ne marche pas dans une banque, nous donnons des injonctions pour remédier à cette situation», avait rappelé le Jean-Louis Kayembe.
Enfin, il y a les recommandations ou instructions de la BCC aux banques. A ce niveau, la BCC a établi plusieurs instructions ou recommandations qui correspondent à chaque situation que peuvent rencontrer les banques ou les institutions de microfinance. Ces instructions constituent un guide.
A tout prendre, Jean-Louis Kayembe restait convaincu que «tout cet arsenal permet à la BCC de garder un œil sur les banques opérant en RDC ».
Avec la situation confuse qui prévaut à EquityBCDC, on espère que la BCC a déjà actionné ce mécanisme pour protéger l’épargne nationale.

Econews