Sommet de l’Afrique : Tshisekedi à Washington dans un contexte des relations glaciales avec Kagame

A l’invitation du président américain, Joe Biden, le Chef de l’Etat, Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo, fait le déplacement de Washington, capitale fédérale des Etats-Unis où il participe à un sommet entièrement consacré à l’Afrique. Pour le président Tshisekedi, au-delà de ce sommet, il y a bien des enjeux en présence, au moment où les relations se sont terriblement gâtées entre Kinshasa et Kigali. Y a-t-il une initiative des Etats-Unis pour ramener le calme entre les deux capitales ? A Washington, on n’exclut pas cette hypothèse. On écarte cependant l’hypothèse d’un tête-à-tête Tshisekedi-Kagame, en marge de ce sommet. Tout dépendra de la volonté de l’administration Biden de s’inviter dans le conflit dans l’Est de la RDC pour rapprocher les deux frères ennemis.
Le président américain, Joe Biden, accueille, à partir du 11 décembre à Washington, un sommet avec l’Afrique. Les dirigeants africains doivent y participer afin de revitaliser les relations américaines avec le continent. Mais les Etats-Unis font face à la concurrence de la Chine et de la Russie.
Le sommet de trois jours à Washington sera l’occasion d’annoncer de nouveaux investissements entre les États-Unis et les pays africains. Les parties prenantes doivent notamment parler de sécurité alimentaire – aggravée par la guerre en Ukraine-, du changement climatique, mais aussi de démocratie et gouvernance.
Mais ce sommet est peut-être surtout le moment de démontrer que les États-Unis s’intéressent encore à l’Afrique. Cette année, sous l’ère Biden, il se tient huit ans après le premier du genre. Il avait eu lieu en 2014 sous la présidence de Barack Obama.

Biden rompt avec le désintérêt de Trump vis-à-vis de l’Afrique
L’ancien président Donald Trump ne faisait pas mystère de son désintérêt pour le continent africain. Tandis que Joe Biden, chantre du multilatéralisme, entend replacer l’Afrique au cœur de la diplomatie mondiale.
L’actuel dirigeant américain soutient notamment l’idée d’un siège pour l’Afrique au Conseil de sécurité de l’ONU, a indiqué un conseiller présidentiel. Lors de l’Assemblée générale des Nations unies en septembre, Joe Biden avait par ailleurs soutenu la revendication de sièges permanents au Conseil de sécurité de l’ONU pour l’Afrique et l’Amérique Latine.
«Cette décennie sera décisive. Et les années à venir vont déterminer la manière dont sera réorganisé le monde», a affirmé le «Monsieur Afrique» du Conseil de sécurité nationale, Judd Devermont. Proche de l’exécutif américain, il souhaite souligner que l’administration Biden «croit fermement que l’Afrique aura une voix déterminante».

Pour une intégration de l’UA au G20
Joe Biden va aussi défendre, lors de ce sommet, l’idée d’une intégration de l’Union africaine au G20. À ce jour, le groupe rassemble 19 des économies les plus avancées au monde ainsi que l’Union européenne. Le dirigeant américain veut ainsi renforcer le rôle joué par le continent, a indiqué la Maison Blanche.
«Il est plus que temps que l’Afrique ait des sièges permanents à la table des organisations et initiatives internationales», a affirmé Judd Devermont. Selon lui, « nous avons besoin de davantage de voix africaines dans les conversations internationales à propos de l’économie mondiale, la démocratie et la gouvernance, le changement climatique, la santé et la sécurité ».
Il a indiqué que les États-Unis évoqueraient le rôle de l’Union africaine avec l’Inde, qui présidera le G20 en 2023. L’Afrique du Sud est actuellement le seul pays africain à figurer au G20, né dans sa forme actuelle lors de la crise financière de 2008.
«Nous avons besoin davantage de voix africaines dans les conversations internationales», pense Judd Devermont, directeur exécutif aux Affaires africaines du Conseil de sécurité nationale de la Maison Blanche

La «stratégie Afrique» de Biden face à la Russie et la Chine
Le sommet intervient dans le sillage d’une nouvelle stratégie «Afrique» dévoilée l’été dernier. Cette méthode portée par Joe Biden prévoit notamment une refonte de la politique des États-Unis en Afrique subsaharienne, pour y contrer la présence chinoise et russe. Lors d’une tournée en Afrique cet été, le secrétaire d’Etat américain Antony Blinken avait appelé à créer un «véritable partenariat» avec l’Afrique.
Ces déclarations viennent en réponse aux investissements chinois et russes sur le continent africain ces dernières années. La Chine est le premier créancier mondial des pays pauvres et en développement et investit massivement sur le continent africain, riche en ressources naturelles. De même, la Russie y a fortement augmenté sa présence, y compris en envoyant des mercenaires, et cultive des liens étroits avec certaines capitales, notamment celles qui avaient décidé début mars de ne pas apporter leurs voix à une résolution des Nations unies condamnant l’invasion de l’Ukraine, gros point de tension avec les Etats-Unis.

Quels sont les pays africains qui participent à ce sommet ?
À l’occasion de ce sommet de trois jours, les Etats-Unis ont invité tous les pays membres de l’Union africaine. Y compris ceux qui sont en «bons rapports» avec l’UA. Exception faite donc du Burkina Faso, de la Guinée, du Mali et du Soudan. Ce dernier entretient des relations diplomatiques avec Washington, excluant l’Érythrée.
Sont également attendus le Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed, un peu plus d’un mois après la signature d’un accord de paix avec les rebelles tigréens, ainsi que les présidents rwandais et de la République Démocratique du Congo, en plein conflit dans l’Est de la RDC face à la rébellion du M23. Mais aussi les présidents égyptien Abdel Fattah al-Sissi et tunisien Kais Saied, aux prises avec une forte contestation, ainsi que le président de Guinée équatoriale, Teodoro Obiang Nguema Mbasogo, quelques jours après que les Etats-Unis ont qualifié sa réélection de «simulacre».
Seul absent de marque, le président sud-africain Cyril Ramaphosa, qui est en difficulté dans son pays sur fond d’accusations de corruption.

«L’attente est très forte»
«Il est clair qu’on est critiqué par ceux qui s’interrogent sur le fait de savoir pourquoi on a invité tel ou tel gouvernement avec qui on a des soucis», admet Molly Phee, du département d’État. «Mais cela reflète la volonté du président Biden et du secrétaire d’État Blinken d’avoir des discussions respectueuses, y compris avec ceux avec qui on a des différences», ajoute-t-elle.
La haute diplomate a dit notamment s’attendre à une «discussion robuste » sur la loi de programmation sur la «croissance en Afrique» votée en 2000 et liant la levée de tarifs douaniers aux progrès démocratiques. Cette loi arrive à échéance en 2025. Mais l’attente étant très forte, la question sera de savoir si les choses vont réellement changer.
Pour Mvemba Phezo Dizolele, Center for Strategic and International Studies à Washington, qui dirige le programme Afrique au Center for Strategic and International Studies à Washington, le sommet «présente de réelles opportunités mais aussi certains risques». «C’est l’occasion de montrer à l’Afrique que les États-Unis sont vraiment à l’écoute», observe-t-il. «Mais l’attente étant très forte, la question sera de savoir si les choses vont réellement changer».

Econews avec AFP