«Vers une nouvelle étape de la coopération franco-britannique en matière de défense»

Le président français, Emmanuel Macron, et le Premier ministre britannique, Rishi Sunak, le 7 novembre 2022, lors de la COP27 à Charm el-Cheikh (Egypte) .

À la veille du sommet franco-britannique, vendredi à Paris, les quatre présidents des commissions de la défense des chambres françaises et britanniques appellent à renouveler la coopération des deux côtés de la Manche, dans une tribune publiée en exclusivité par le JDD.
Voici la tribune des présidents des commissions de la défense de la Chambre des Lords, de la Chambre des Communes, du Sénat et de l’Assemblée nationale, à la veille du sommet franco-britannique de Paris :
«Depuis plus d’un an, la Russie ravage l’Ukraine et déstabilise la sécurité européenne. La France et le Royaume-Uni se doivent de travailler ensemble pour éviter que cela ne constitue un précédent pour l’avenir. Le sommet franco-britannique de vendredi marquera le début d’une nouvelle étape dans la coopération bilatérale de nos démocraties ; les questions de défense et de sécurité doivent constituer l’une des principales dimensions de cette coopération.
Depuis 2016, les relations entre la France et le Royaume-Uni ont été marquées par le Brexit et complexifiées par les conséquences du pacte de sécurité AUKUS. Notre conviction est qu’au-delà des turbulences politiques de ces dernières années, de nombreux intérêts communs unissent nos deux pays.
Nous avons l’occasion de surmonter nos différences et d’unir nos forces au service de nos propres intérêts nationaux et de ceux du continent européen
La France et le Royaume-Uni partagent une histoire séculaire et une géographie commune, à commencer par la Manche. Mais surtout, nous partageons une même vision du monde : un ordre international fondé sur le multilatéralisme, le droit international et le respect des valeurs démocratiques. En tant que membres permanents du Conseil de sécurité des Nations unies et en tant qu’États dotés d’armes nucléaires, nous avons la responsabilité d’aider à surmonter la crise sans précédent du multilatéralisme et de nous adapter au retour de la guerre de haute intensité sur le sol européen.
Nous avons l’occasion de surmonter nos différences et d’unir nos forces au service de nos propres intérêts nationaux et de ceux du continent européen. L’aggravation de la menace sécuritaire en Europe rend l’approfondissement de cette coopération bilatérale encore plus urgente.
Il est incontestable que nos intérêts en matière de défense et de sécurité convergent
Il est incontestable que nos intérêts en matière de défense et de sécurité convergent. C’est ce qu’illustrent les examens parallèles de la politique étrangère et de la politique de défense que nos deux pays ont menés récemment. Les évaluations faites dans la récente revue nationale stratégique de la France et dans l’Integrated Review du Royaume-Uni sont parfaitement en phase l’une avec l’autre.
Alors que nos deux pays établissent leur nouvelle programmation de leurs dépenses militaires, nous avons tout intérêt à travailler ensemble pour adapter nos réponses et ainsi démultiplier notre force pour nous et nos alliés.
Nous avons une responsabilité envers l’Ukraine. L’Otan a besoin de nos forces armées, aguerries par 30 ans d’opérations extérieures. L’autonomie stratégique de l’Europe a tout à gagner d’un partenariat solide entre la France et le Royaume-Uni, afin de ne pas être tributaire de paysages politiques changeants ailleurs. Ensemble, nous représentons la moitié de la force militaire de l’Europe – notre coopération est fondamentale pour la sécurité de l’Europe. Nos approches en Afrique, au Moyen-Orient et dans l’Indopacifique sont par ailleurs souvent complémentaires : notre présence et notre capacité d’action sont des leviers de stabilisation au niveau international.
Depuis 30 ans, la France et le Royaume-Uni entretiennent une coopération militaire au service de la sécurité de l’Europe. Après un effort commun salvateur en Bosnie-Herzégovine en 1995, puis l’impulsion décisive du sommet de Saint-Malo en 1998, Paris et Londres ont pu franchir une étape historique en signant les deux traités dits de «Lancaster House» en 2010. Ceux-ci ont permis de lancer une coopération sans précédent dans le domaine de l’armement et de la recherche nucléaire, à l’image de l’installation de recherche commune EPURE. Nous devons relancer cette dynamique.
Nous appelons nos gouvernements à relancer avec audace la coopération franco-britannique en matière de défense
Nous, les quatre présidents des commissions de défense de nos parlements respectifs, appelons nos gouvernements à relancer avec audace la coopération franco-britannique en matière de défense en donnant un nouveau souffle aux accords de Lancaster House.
Nos deux nations pourraient intensifier leur collaboration de plusieurs manières. Tout d’abord, il leur appartient d’utiliser pleinement la Force expéditionnaire conjointe franco-britannique afin d’offrir à l’Europe une capacité de réaction rapide éprouvée.
Deuxièmement, nous devons rester attachés au traité sur la non-prolifération des armes nucléaires et poursuivre la collaboration nucléaire afin de garantir la crédibilité de notre force de dissuasion, qui sert les intérêts de sécurité de l’Europe dans son ensemble.
Nous devons également tirer le meilleur parti de notre présence dans la région indopacifique pour renforcer la sécurité de nos alliés et des routes commerciales essentielles dont dépendent nos économies. Nous devrions intensifier notre collaboration face aux conflits hybrides, à la cyberguerre, à la sécurité des fonds marins et à la militarisation de l’espace. Enfin, nous devrions soutenir la coopération de nos industries de défense au service d’une capacité souveraine renforcée du « pilier européen de l’Otan.
Londres et Paris disposent d’atouts stratégiques majeurs qui renforcent la sécurité de l’Europe et préservent le modèle démocratique que des compétiteurs mal intentionnés cherchent à affaiblir, voire à détruire. Les Parlements français et britannique sont prêts à jouer tout leur rôle en réactivant les commissions quadripartites de suivi de la mise en œuvre des accords de Lancaster House et en intensifiant leur travail bilatéral. Il y a tout à gagner à relancer une coopération étroite entre nos deux gouvernements et nos deux parlements. Nous devons saisir cette opportunité maintenant, ou en assumer les conséquences demain ».
Avec LEJDD.FR